En salles ce mercredi, "The Creator" imagine un monde dans lequel l’humanité mène une guerre sans merci contre les robots.Une superproduction qui pointe du doigt notre propre responsabilité dans la peur que suscite l’intelligence artificielle.TF1info a rencontré son brillant réalisateur et scénariste, le Britannique Gareth Edwards.
Hasard ou pas ? C’est au moment où l’IA angoisse le tout-Hollywood que sort l’une des superproductions les plus passionnantes sur le sujet depuis longtemps. Dans The Creator, le réalisateur britannique Gareth Edwards nous transporte en 2070, au lendemain d’une catastrophe nucléaire qui a donné naissance à une guerre sans merci entre les humains et les robots. Cinq après une mission d’infiltration qui a coûté la vie à sa compagne, le soldat Joshua (John David Washington) est renvoyé sur le terrain pour mettre la main sur une arme qui pourrait donner une victoire définitive aux machines…
Si vous êtes fan de SF, The Creator regorge de références aux classiques du genre. On pense bien sûr à Blade Runner de Ridley Scott, mais aussi à I, Robot d’Alex Proyas, à l’apocalypse de Terminator 2 ou encore à l’enfant de A.I., réalisé par Steven Spielberg sur un scénario de Stanley Kubrick. Le dilemme moral qu’il évoque se révèle le même : si les machines étaient un jour dotées d’une conscience, les humains auraient-ils le droit de mettre un terme à leur existence ? La différence, c’est qu’au regard de l’actualité brûlante, le futur n’a jamais paru si proche.
Quand j’auditionnais des acteurs pour jouer les robots, ils me demandaient souvent s’ils devaient bouger, parler différemment. Et moi je disais non, non, non !
Gareth Edwards
"J’ai fait ce film pour que les robots m’épargnent le jour où ils prendront le contrôle !", se marre Gareth Edwards lorsqu’on l’interroge sur l’étrange crédibilité de son intrigue, imaginée bien avant que nous entendions parler de ChatGPT. "En fait je déteste choisir une date quand j’écris de la science-fiction", avoue-t-il. "Même Stanley Kubrick s’est planté avec 2001, l’Odyssée de l’espace. Je ne voulais pas, mais j’étais un peu forcé alors, j'ai choisi 2070. Et désormais, je blague sur le fait que j’aurais dû choisir 2024, parce que tout va tellement plus vite que tout ce que nous avions imaginé."
The Creator est le quatrième film d’un cinéaste qu’on a découvert en 2010 avec Monsters, un petit budget habile qui mettait en scène un photographe de guerre, chargé d’escorter la fille de son patron depuis une zone du Mexique placée en quarantaine suite à une invasion extra-terrestre. Repéré par les majors, le prodige s’est offert une relecture réjouissante du mythique de Godzilla avec de signer en 2016 Rogue One, considéré comme le meilleur Star Wars depuis son rachat par Disney. Et un méga-succès, avec plus d’1 milliard de dollars de recettes.
Après cette incursion réussie au royaume des franchises, Gareth Edwards a visiblement eu carte blanche pour son projet le plus ambitieux, sur le fond comme sur la forme puisque les décors somptueux de The Creator justifient à eux seuls une séance sur écran IMAX. À l’heure où les blockbusters gavés d'effets spéciaux numériques ont entraîné l’industrie hollywoodienne dans une spirale inflationniste potentiellement destructrice, on est d’ailleurs surpris d’apprendre que le film n’a coûté "que" 80 millions de dollars à ses producteurs.
Reste que si le pari est réussi haut la main, c’est parce que Gareth Edwards n’a pas renié ce qui fait la force de son cinéma depuis le départ : son humanité féroce. "Quand j’auditionnais des acteurs pour jouer les robots, ils me demandaient souvent s’ils devaient bouger, parler différemment. Et moi, je disais non, non, non !", raconte-t-il pour l’anecdote. "Votre personnage pense qu’il est réel. Il pense qu’il est l’égal de l’homme. Alors, oubliez que vous faites un film de science-fiction ! Abordez-le comme un drame ou un film de guerre."
Cette approche "sensible" de la SF est accentuée par la performance épatante de John David Washington, le bras bionique et la larme à l’œil, même quand il est sur le point de sauver le monde. "C’est un acteur qui n’a pas peur de montrer les faiblesses de son personnage", souligne Gareth Edwards. "La plupart des héros dans les films sont tellement costauds, tout le temps, qu’on finit par ne plus avoir d’empathie pour eux. Ce qu’on voulait avec le personnage de Joshua, c’est qu’à la première occasion, on sente qu’il ne va pas bien. Qu’il a besoin d’aide."
Alors, faut-il avoir peur de l’IA ? "Je n’ai pas fait ce film pour dire aux gens que ça va se passer comme ça, même si assez étrange que nous soyons aujourd’hui parvenus à un point où l’intelligence artificielle n’est plus de la science-fiction", reconnaît Gareth Edwards. "C’est un film qui pose des questions sur la définition ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. Sur la responsabilité morale que nous avons vis-à-vis de nos propres inventions. Mais pour moi, The Creator est avant tout une métaphore de la façon dont nous traitons les individus qui sont différents." À méditer.
>> The Creator de Gareth Edwards. Avec John David Washington, Gemma Chan, Ken Watanabe. 2h13. En salles mercredi.