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Carburants : des prix encore plus chers en Corse que sur le continent ?

Publié le 12 février 2022 à 17h54
JT Perso

Source : TF1 Info

Le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel dénonce le prix des carburants en Corse.
Malgré une TVA réduite sur l'île de Beauté, les montants au litre sont plus élevés que sur le continent, note-t-il.
Ces écarts sont bien réels, mais des débats perdurent quant aux raisons qui expliquent les prix observés à la pompe.

Difficile pour les candidats à la présidentielle de ne pas évoquer le pouvoir d'achat en ce début d'année 2022. Les prix des carburants ont par exemple bondi, au grand dam des Français qui utilisent au quotidien un véhicule individuel pour leurs déplacements. Une situation particulièrement problématique en Corse, si l'on en croit l'élu communiste Fabien Roussel.

Sur son compte Twitter, le député du Nord a posté une photo de lui posant devant une station service de l'île de Beauté. "Quelle est la mauvaise fée qui a condamné les Corses à payer l'essence encore plus cher que sur le continent ?" demande-t-il. Une situation qu'il déplore, alors même "que l'État a baissé de 6 points la TVA" sur les carburants en Corse.

Un sujet de tension depuis de longues années

Les automobilistes qui n'ont jamais eu à faire le plein en Corse l'ignorent peut-être, mais les carburants y sont bel et bien plus cher en moyenne que sur le continent. Une situation attestée par l'Autorité de la concurrence, qui expliquait en décembre 2020 que "malgré un taux de TVA réduit à 13 %, contre 20 % sur le continent, le différentiel de prix des carburants entre la Corse et le continent est important, de l’ordre de + 6,7 % pour le gazole et + 5,3 % pour le SP95 (données INSEE 2015)". Ce différentiel, poursuivait-elle, "affecte lourdement le budget des ménages corses, qui sont très dépendants de la voiture pour leurs déplacements".

Frédéric Poletti, porte-parole du collectif "Agissons contre la cherté des carburants en Corse", explique à TF1 que la situation est due à "la mise en place d'un monopole par le groupe Rubis, qui depuis 2009 a mis la main sur le stockage et l'approvisionnement" en carburant de l'île. Cette firme possède les deux uniques dépôts pétroliers de l'île, mais son directeur général justifie plutôt les prix observés par le "transport en bateau" ou encore une "organisation logistique spécifique". Le surcoût, assure-t-il, ne peut être compensé par la seule baisse de la TVA dont bénéficie la Corse sur les ventes de carburants. On note en tout cas que le problème ne date pas d'hier puisqu'en 2003 déjà, le quotidien Les Échos évoquait une situation "polémique", avec "un différentiel allant jusqu'à +7,83 % selon le type de carburant".

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Institution neutre, l'Autorité de la concurrence a tenté d'expliquer la situation corse. Et avance le fait "l’insularité, la topographie et la saisonnalité de la demande expliquent, pour partie, ces prix plus élevés", avec des transports plus onéreux que sur le continent. Toutefois, elle pointe aussi du doigt le rôle des "capacités de stockage des dépôts pétroliers de la Corse sur la formation des prix des carburants". En effet, "ces capacités, qui seraient suffisantes pour les seuls besoins de la population résidente hors saison, sont trop limitées en été pour répondre à la demande touristique. Les deux seuls dépôts, situés à Ajaccio et Bastia (30.000 m³ au total), sont, par voie de conséquence, gérés 'à flux tendus' pendant la période estivale, ce qui entraîne des risques de rupture de stock ou de contingentement, mais peut aussi être à l’origine de surcoûts significatifs."

La position dominante sur l'île du groupe Rubis est évoquée, avec une "configuration oligopolistique du secteur de la distribution des carburants" qui "ne semble pas pouvoir être contestée par l’entrée d’enseignes à bas coûts ou de la grande distribution". La raison invoquée ? "Ces modèles de distribution de carburants à plus bas prix" ne se révèlent "pas favorisés par les pouvoirs publics locaux, qui privilégient le maintien du maillage territorial des stations-services de l’île, dont certaines constituent parfois le seul commerce de proximité dans certaines zones de montagne." En décembre dernier, l'Autorité de la concurrence a annoncé s'être "saisie d'office" afin de déterminer l'existence potentielle de pratiques anticoncurrentielles.  

En attendant ses conclusions, on notera que le Conseil exécutif de la Collectivité de Corse a interpellé le gouvernement en lui demandant d'adopter rapidement des mesures. Par la voie d'un communiqué, il en suggère deux : " la mise en place d’une mesure de blocage des prix des carburants en Corse" tout d'abord, "par décret et pour une période de six mois, conformément à l’article L. 410- 2 du Code de commerce qui en ouvre la possibilité". Une seconde option porte quant à elle sur "une majoration en Corse de l’indemnité inflation, comme de toute autre mesure qui pourrait être prise au plan national dans le cadre de la flambée actuelle des prix de l’énergie et du carburant, ceci à hauteur du montant du différentiel entre le prix moyen à la pompe du carburant sur le Continent et le prix moyen en Corse".

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Thomas DESZPOT

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