Crise de l’énergie : boulangers, fleuristes… pourquoi sont-ils exclus du bouclier tarifaire ?

par Sébastie MASTRANDREAS
Publié le 4 octobre 2022 à 18h00, mis à jour le 4 octobre 2022 à 21h35

Source : JT 20h Semaine

Les dépenses énergétiques de certaines très petites entreprises (TPE) sont trop importantes pour qu'elles puissent bénéficier du bouclier tarifaire.
Un risque pour leur survie, alerte le syndicat des indépendants et des TPE (SDI).
Le "quoiqu’il en coûte", c’est terminé, assume Bercy.

Leurs voix s'élèvent depuis quelques jours. Si l'annonce, mi-septembre, de l’extension du bouclier tarifaire aux TPE (très petites entreprises) a été accueillie avec soulagement par de nombreux artisans et commerçants, d'autres se retrouvent toujours autant démunis face à des factures énergétiques trop élevées. Exclus de ce bouclier tarifaire, qui plafonne la hausse des coûts de l'énergie à 15%, plusieurs professionnels tirent la sonnette d’alarme.

À l’image des boulangers, dont une partie ne peut pas bénéficier de cette protection, rapporte le syndicat des indépendants et des TPE (SDI). Car si ces structures remplissent les critères d’une TPE, à savoir avoir moins de 10 employés et générer un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros annuel, la puissance énergétique nécessaire à leur production est trop élevée pour rentrer dans le giron du bouclier. D’autres corps de métiers sont dans le même cas, mettant en péril leur survie, dénonce le SDI.

Un bouclier qui "ne comprend pas l'intégralité des TPE"

L’idée de d’inclure les TPE au bouclier tarifaire, "est bonne", salue Jean-Guilhem Darré, délégué général du SDI, auprès de TF1info. Mais "le vrai critère" qu’a retenu Bruno Le Maire pour élargir cette protection, mi-septembre, tient en fait à la "puissance" utilisée par les entreprises et artisans pour travailler, regrette le représentant. Ainsi, les TPE qui peuvent bénéficier du bouclier tarifaire doivent justifier d’une quantité d’énergie utilisée inférieure à 36 kilovoltampère (KVA). Or, dès qu’une activité implique l’usage d'un "four, de chambres réfrigérées, ou d'une machine à pétrin", la quantité d’énergie utilisée dépasse ce seuil. 

"Les boulangers sont les plus touchés, car utilisent plusieurs de ces machines", détaille Jean-Guilhem Darré. "Mais même les fleuristes, les bouchers-charcutiers, les traiteurs, ainsi que les petites surfaces de vente alimentaire" sont concernés, énumère-t-il. Ces TPE peuvent toujours se tourner vers le plan de résilience, mis en place par l’État. Une aide plafonnée à 3 milliards d’euros, qui concerne toutes les entreprises pour lesquelles les dépenses énergétiques représentent 3% du chiffre d'affaires en 2021, et dont les factures en gaz ou électricité ont doublé par rapport à l’an dernier. 

Des critères trop compliqués à remplir, dénonce encore le SDI. Les démarches à accomplir nécessitent notamment le concours d’un comptable, voire de l’établissement d’un bilan intermédiaire, "ce qui est très coûteux", souligne Jean-Guilhem Darré. Dès lors, le représentant estime que Bercy doit revoir sa copie, et ouvrir le bouclier tarifaire à "toutes les TPE, sans distinction". Il appelle aussi le gouvernement doit "simplifier radicalement la procédure pour accéder au plan de résilience". Face à ce système incomplet, "le risque majeur est la fermeture de l’entreprise. Ou alors une augmentation des prix des produits vendus, mais dans le cas là, il y aura un fort décalage avec le pouvoir d’achat des consommateurs", redoute-t-il.

"Le quoiqu'il en coûte, c'est terminé", répond Bercy

Une crainte de répercussion sur les prix que Bercy, balaie aussitôt. "On assume totalement de dire à un moment qu’il faut répercuter les prix de l’énergie sur ceux des produits", explique le ministère à TF1info. "On a mis en place plus de 50 milliards d’aides pour protéger le pouvoir d’achat des ménages, c’est aussi pour absorber cette hausse des prix", souligne-t-on. Le gouvernement, qui évalue à 1,5 million les TPE "potentiellement concernées" par le bouclier tarifaire, incite vivement celles non concernées, à "s’informer, se rapprocher de leurs fédérations, ou des impôts" pour entamer les démarches nécessaires aux aides du plan de résilience. 

Rappelant qu'il est ouvert au cas par cas, si une "entreprise ne rentre dans aucune case", le ministère de l’Économie ajoute être "contraint par le cadre européen" dans l’attribution des aides, pour qu’il n’y ait pas "de distorsion de la concurrence". Ce cadre européen, très strict, avait été "largement assoupli pendant le Covid. Il est revenu à des critères moins souples", nous dit-on. "Le quoiqu'il en coûte, c'est terminé", conclut Bercy. "On assume de sortir de cet arrosage très large pour aller vers des aides très ciblées. Ça prend plus de temps pour les ajustements", ajoute le ministère.


Sébastie MASTRANDREAS

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