Crise du système bancaire : "Il n'y a aucune raison pour que les banques européennes aillent mal"

par Maxence GEVIN
Publié le 20 mars 2023 à 19h39
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

Le rachat forcé du Credit Suisse, quelques jours après la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), a suscité l'affolement sur les marchés financiers.
Les annonces et mesures immédiates des différentes instances ont permis aux Bourses de rapidement rebondir, mais l'inquiétude demeure.
Pourtant, le système bancaire européen a les reins suffisamment solides, plaide l'économiste française Catherine Lubochinsky.

Quelques jours après le choc de la faillite de l'établissement américain Silicon Valley Bank (SVB), le Credit Suisse a été racheté, en urgence, dimanche 19 mars, par sa rivale et compatriote UBS. Une nouvelle qui a suscité l'inquiétude sur les marchés financiers, même si après l'annonce de la reprise, les Bourses européennes ont progressivement rebondi, avec des indices positifs à Paris, Londres, Milan ou encore Francfort. "Les investisseurs ont encore du mal à évaluer la situation des valeurs financières" et restent suspendus à la réunion de la banque centrale américaine mardi et mercredi, note toutefois Pierre Veyret, analyste chez ActivTrades.

Les différentes instances concernées n'ont, elles, pas tardé à rassurer. "Le secteur bancaire européen est résilient, avec de solides niveaux de capitaux et de liquidités", a souligné la Banque centrale européenne (BCE), dans un communiqué commun avec le Mécanisme européen de résolution bancaire (SRB) et l'Autorité bancaire européenne (EBA). "Les banques françaises sont solides, elles ont été testées régulièrement. Nous avons imposé des règles les plus strictes au monde, on est bien contents de les avoir aujourd'hui", a, de son côté, rappelé Bruno Le Maire, ministre français de l'Économie. Une analyse que partage Catherine Lubochinsky, professeur d'économie à l’Université Paris 2 et membre du Cercle des économistes, interrogée par TF1Info. 

TF1Info : Les difficultés du Credit Suisse, qui font suite à celles de la Silicon Valley Bank, sont-elles symptomatiques d'un problème plus global ? 

Catherine Lubochinsky : Il y a eu un concours de circonstances, cela n’a rien à voir avec SVB. Mi-février, le Credit Suisse a annoncé une perte de 7,3 milliards de francs suisses (7,4 milliards d'euros, ndlr) pour 2022. Mi-mars, en pleine crise de SVB, elle a reporté la publication de ses comptes. Ce report a semé un vent de panique parce que SVB avait fait faillite, mais cela n’a rien à voir. Ce sont juste les marchés qui sont complètement irrationnels et surréagissent à la moindre nouvelle. Mais la Suisse a fait ce qu’il fallait. Les autorités ont un peu forcé la main à UBS pour racheter le Credit Suisse, ont rajouté des lignes de crédit beaucoup plus importantes. 

Mais ce dénouement était inévitable. Je ne comprends pas que l’on n'ait pas enlevé sa licence à Credit Suisse. Chaque année, l'établissement s'est pris des amendes pour corruption, pour blanchiment, pour évasion fiscale. Depuis le début des années 1990, tous les ans, il y a un procès. Ce n’est pas une fois de temps en temps, c’est sans arrêt. Cette banque, c’est escroquerie sur escroquerie. C’est un scandale qu’elle ait pu continuer à exercer. 

Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter d'une crise de grande ampleur ? 

Ce n’est pas du tout d’actualité. En 2008, on avait des problèmes dans la qualité des créances bancaires, ce que l’on n'a pas en ce moment. Objectivement, il n’y a aucune raison pour que les banques aillent mal en ce moment. Simplement, les phases de transition et de remontée des taux sont un peu difficiles, mais elles doivent les gérer, c'est leur métier. Il s'agit seulement d'une réaction typique - une surréaction même - sur les marchés. Le problème, c'est que les intervenants sur ces derniers sont surtout des financiers et pas des économistes. Ils n’ont pas forcément une approche macroéconomique et peuvent donc paniquer facilement. 

Depuis la crise de 2008, la situation des banques a été extrêmement renforcée

Catherine Lubochinsky

Mais concrètement, quels sont les dispositifs qui protègent le système bancaire européen ? 

Depuis la crise de 2008, la situation des banques, en particulier des grandes banques, a été extrêmement renforcée. Elles sont très bien suivies dans la zone euro par un mécanisme unique de supervision, ce qui permet de ne pas avoir de biais domestique, à la différence de la Suisse ou des États-Unis. Les établissements européens sont bien gérés, au contraire des banques américaines de taille moyenne qui ne sont pas soumises aux contraintes de Bâle III (ensemble de mesures visant à renforcer la réglementation, le contrôle et la gestion des risques des banques, à l'échelle mondiale, ndlr). Le renforcement des fonds propres ainsi que l'instauration d'un ratio de liquidités, de stress tests et de plans de prévention (définissant la marge à suivre en cas de gros problèmes pour une banque, ndlr) font partie des mécanismes ajoutés. 

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En parallèle, des dispositions de court terme ont aussi été prises pour restaurer la confiance. À ce titre, le "swap" a été facilité. Les grandes banques internationales ont des activités dans plusieurs devises. Mais les banques centrales ne peuvent garantir des liquidités que dans une seule devise, l’euro pour le cas de la BCE. Par conséquent, il existe des mécanismes de swap, qui consistent en l'échange de monnaie entre les grandes banques centrales mondiales. Cela permet d’avoir accès aux devises nécessaires en cas de retraits importants. 

En temps normal, le refinancement des banques via ces "swaps" se fait de façon hebdomadaire. Là, pour rassurer tout le monde, ils vont être effectués quotidiennement. L'objectif est d’éviter une crise de liquidités face à une demande soudaine. Laquelle serait susceptible de précipiter les banques dans une crise de solvabilité, le véritable danger. Enfin, la communication rapide et rassurante contribue également à apaiser les choses. 


Maxence GEVIN

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