Croissance à 3% au 3e trimestre : "Il y a bien un regain de confiance dans le pays", note Pascal Perri

Recueilli par Frédéric Senneville
Publié le 29 octobre 2021 à 14h58, mis à jour le 29 octobre 2021 à 16h18

Source : TF1 Info

REBOND- Portée par une croissance exceptionnelle de 3% au 3e trimestre, inédite depuis plus d'un demi-siècle et supérieure aux attentes, l'économie française est revenue à son niveau d'avant-crise du Covid. Économiste sur LCI, Pascal Perri, se penche sur cette embellie historique.

C'est du jamais-vu depuis 1968. Avec 3% de croissance au troisième trimestre 2021, on atteint "un chiffre qui est au-delà nos espérances", selon les mots du ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Alors que le produit intérieur brut rejoint pratiquement son niveau de la fin 2019, l'Insee juge en publiant les chiffres, que l'économie française "revient à son niveau d'avant-crise". Spécialiste de l'économie sur LCI, Pascal Perri répond à trois questions pour expliquer ce rebond inespéré.

Qu’est-ce qui tire la croissance vers le haut d'une manière aussi marquée ?

Il y a bien un regain de confiance dans le pays. La consommation, qui est historiquement le moteur principal de la croissance, est très dynamique. Les produits de grande consommation sont bien orientés, ainsi que les loisirs ou le tourisme. Tous les secteurs qui ont dû s’interrompre pendant la période de la pandémie, ont rebondi avec beaucoup de vigueur. Si le pôle consommation est stable, c’est manifestement lié à un phénomène de confiance. Les Français sont sensibles aux mesures qui ont été prises, comme le soutien au pouvoir d’achat ou le chèque-énergie.

Deuxième phénomène, il est vraisemblable que les Français sont en train de puiser dans leur épargne. À l’échelle nationale, ce surplus épargné durant la crise est de l’ordre de 160 milliards d’euros, et une partie de cet argent revient sur le marché aujourd’hui. Nous avons donc un marché intérieur qui repart très bien, et une bonne surprise, au regard des premiers chiffres : on vend plutôt bien à l’étranger. La balance commerciale est même légèrement excédentaire sur cette dernière séquence, ce qui signifie qu’on a plus vendu qu’acheté à l’extérieur du pays. Les exportations ont ainsi augmenté de 2,3%, pour un niveau des importations resté stable, ce qui représente une valeur conséquente sur des volumes importants.

Le moral des chefs d’entreprise est, lui aussi, en hausse
Pascal Perri

Est-ce que des relais de croissance se profilent ? Cette séquence peut-elle se prolonger ?

En effet, il y a toujours des relais de croissance. Même si les Français ont commencé à sortir leurs économies pour consommer, le stock d’épargne reste considérable dans le pays et devrait continuer à alimenter l’économie. Il y a aussi une dynamique sur le marché de l’emploi, avec un recul du chômage significatif : ce sont un million de personnes qui ont trouvé un emploi sur un an. Il faut cependant modérer cet enthousiasme par quelques indicateurs inquiétants, comme le chômage des jeunes, le taux d’activité des seniors ou le chômage de longue durée. Mais ce flux du retour à l’emploi est en cours, et c’est un élément encourageant. 

Du côté des facteurs défavorables, il reste l’augmentation très significative des prix de l’énergie, et il faudra rester vigilant sur l’indicateur de l’inflation, qui augmente vite, voire trop vite. Mais en dépit de cette hausse des prix de l’énergie, la France atteint un niveau élevé de consommation qui, même si la période est politiquement troublée, est économiquement plutôt enthousiasmant.

En dehors des ménages, l’investissement des entreprises est également très bien orienté, et augmente depuis le début de l’année. Le moral des chefs d’entreprise est, lui aussi, en hausse, d’après les derniers sondages dont on dispose. Les intentions d’embauche sont à un niveau élevé, et les patrons pensent que les situations de marché ne changeront pas, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle. Ils ont confiance pour l’avenir de leur entreprise, ce qui confirme l’enthousiasme général.

Y a-t-il un particularisme français par rapport à ce qui se passe ailleurs en Europe ?

La situation de la France est assez spécifique, et c’est lié à la structure de son économie. Si l’on regarde ce qui s’est passé en Allemagne, on constate que la décélération pendant la période Covid y a été moins forte, et que le rebond de sortie de crise est également moins marqué. C’est parce que la part de l’industrie dans le PIB allemand est élevée. La chute d’activité industrielle a été modeste, le rebond l’est aussi. 

Mais l’économie de la France repose beaucoup plus sur les services, quand on regarde la structure de son PIB. Le tourisme, les loisirs, la culture, les services aux entreprises ou aux particuliers sont au cœur de notre économie, et ce sont autant d’activités qui se sont interrompues pendant une longue période. Donc le rebond est d’autant plus important, suivant le principe du yoyo : on a beaucoup chuté, on remonte beaucoup ; les Allemands ont moins chuté, ils remontent moins.

D'ailleurs en France, la reprise n'est pas aussi forte dans tous les secteurs. Prenons l’exemple significatif de l'automobile, qui représente 10% des emplois industriels français. Une entreprise comme Stellantis va rater entre 500 et 600.000 ventes, c’est considérable. Non pas parce que le marché est atone, mais parce qu’il manque des pièces détachées, et que l’entreprise a dû interrompre une partie de son activité. Comme Renault d’ailleurs, qui a dû fermer le site de Sandouville où on fabrique notamment des utilitaires, alors que le marché des utilitaires est extrêmement dynamique ! Des chaînes d’approvisionnement sont rompues, ce qui pose un problème particulièrement aigu pour les semi-conducteurs ou les pièces détachées, qui viennent principalement d’Asie. Ces interruptions de l’activité industrielle vont peser d’une façon ou d’une autre. 


Recueilli par Frédéric Senneville

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