Économie : la semaine de quatre jours, une bonne idée ?

Publié le 26 avril 2023 à 19h13, mis à jour le 27 avril 2023 à 9h27

Source : JT 20h Semaine

Les "Assises du Travail", lancées début décembre, préconisent notamment d'étudier la semaine de quatre jours afin de "reconsidérer" le travail.
Travailler quatre jours au lieu de cinq, une idée séduisante sur le papier pour les salariés.
Mais est-ce vraiment une bonne idée pour l'économie de notre pays ? Décryptage.

Et si votre semaine de travail se terminait le jeudi soir ? Ou ne démarrait que le mardi matin ? Dans le cadre du Conseil national de la refondation, le gouvernement a lancé en décembre les "Assises du Travail" avec un objectif : faire émerger des propositions sur l'avenir du travail. Les recommandations ont été remises en début de semaine au ministre Olivier Dussopt. Parmi elles, "évaluer les organisations alternatives des temps de travail, notamment les différents types de semaines de quatre jours", dans le public comme dans le privé.

Travailler moins ?

Sur le papier, l'idée peut sembler attractive pour une partie des salariés : troquer un jour de travail contre un jour de repos. Plusieurs hypothèses existent. L'une d'elles consiste à réduire tout simplement le temps de travail de 20% - soit 28 heures par semaine -, généralement sans toucher à la rémunération. Dans ce cadre, "les effets sur l'économie risquent d'être assez négatifs", prévient auprès de TF1info Stéphane Carcillo, directeur de la division Emploi et Revenus de l'OCDE et membre du Cercle des économistes. Cela provoquerait "un choc sur le coût horaire du travail", poursuit-il. "Si le salaire mensuel ne change pas, mais que l'on travaille moins d'heures, le coût horaire augmente."

D'après l'économiste, les conséquences sont déjà connues. Lors du passage aux 35 heures, il s'agissait "d'une baisse de 10%" du temps de travail, rappelle-t-il. "Cela avait été fortement compensé par l'État", mais coûterait, dans le cadre d'une baisse de 20% du temps de travail, "des milliards d'euros", met-il en garde.

Les entreprises pourraient également connaître des difficultés de recrutement, puisque chaque heure de travail lui coûterait plus cher. "Pour l'économie, ce n'est pas une bonne idée", assure Stéphane Carcillo. "D'autant que les rémunérations stagneraient, ce qui n'est pas très bon non plus pour le pouvoir d'achat." Toutefois, dans les cas des entreprises qui pourraient se permettre de ne pas ouvrir leur portes le vendredi, ce coût horaire plus élevé du travail pourrait être compensé par des économies réalisées, par exemple, sur les dépenses d'énergie. 

Travailler plus... mais moins longtemps

Une autre hypothèse consiste à allonger la durée quotidienne du travail pour remplacer le jour d'activité en moins. Autrement dit, travailler 8 heures et 45 minutes par jour au lieu de 7 heures, pour une semaine de 35 heures. "Si le nombre d'heures de travail hebdomadaire n'évolue pas, en principe, cela ne change rien pour l'économie", souligne l'économiste. À condition que la productivité horaire se maintienne au même niveau. Et là, rien n'est moins sûr : "Il n'est pas évident que l'on soit aussi productif lors de la dernière heure d'une longue journée que lors d'une journée additionnelle", avertit le membre de l'OCDE. "Oui, en travaillant quatre jours, les salariés seront probablement plus motivés. Mais ils peuvent aussi être plus fatigués par des journées plus longues. L'effet sur la productivité est donc incertain."

Une loi est sans doute la dernière chose dont nous avons besoin
l'économiste Stéphane Carcillo

Toutes les entreprises ne peuvent d'ailleurs pas se permettre d'entrer dans un tel dispositif. "Certaines ont besoin de fonctions opérationnelles tous les jours", insiste l'économiste. Par exemple, les métiers faisant face à des clients. "Il faudrait alors recruter une personne supplémentaire. Mais juste pour une journée, c'est très compliqué et cela a un coût."

Logiquement, les métiers "télétravaillables" semblent plus propices à la semaine de quatre jours. "Dans les secteurs du service qualifié ou des services aux entreprises, quatre jours peuvent être imaginés", continue Stéphane Carcillo. "Ce sont surtout les entreprises qui en ont les moyens, souvent les plus productives, qui peuvent se le permettre. Mais aussi celles qui ont des problèmes de recrutement et offrent cette flexibilité pour attirer des salariés."

En somme, généraliser la semaine de quatre jours présente un risque. "Les effets seraient très hétérogènes selon les secteurs", indique-t-il. "C'est un sujet de dialogue social. Une loi est sans doute la dernière chose dont nous avons besoin." Si tout le monde est logé à la même enseigne, "les risques pour l'économie sont très importants".

Le questionnement sur la durée de la semaine de travail est généralisée : à l'étranger, plusieurs pays expérimentent actuellement la semaine de quatre jours. Avec des résultats variés. En Espagne, elle ne fait pas consensus, d'ores et déjà jugée inapplicable dans de nombreux secteurs par la principale organisation patronale.

Au Royaume-Uni en revanche, une expérimentation menée sur 70 entreprises a ravi 86% d'entre elles, qui aimeraient conserver le dispositif à l'issue de la période d'essai. En France, le rapport des "Assises du Travail" préconise de "saisir le Conseil économique, social et environnemental (Cese) d'une demande d'avis sur les expérimentations en cours". Avant d'envisager la suite.


Idèr NABILI

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