Interview

Encore 6% en janvier : quand va-t-on en finir avec une telle inflation ?

Publié le 31 janvier 2023 à 18h35

Source : JT 20h Semaine

Les prix à la consommation ont augmenté de 6% sur un an, révèle ce mardi l'Insee.
Une nouvelle hausse qui frappe le porte-monnaie des Français.
Quand vont-ils pouvoir souffler ? Florence Jany-Catrice, professeure d'économie à l'Université de Lille, répond à TF1info.

Une nouvelle accélération de la hausse des prix. Ce mardi, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a indiqué que le taux d'inflation avait légèrement accéléré en janvier dans le pays, atteignant 6% sur un an après 5,9% en décembre. "Cette légère hausse de l'inflation serait due à l'accélération des prix de l'alimentation et de ceux de l'énergie", respectivement en augmentation de 13,2% et de 16,3% sur un an, a précisé l'Insee.

Une mauvaise nouvelle pour le pouvoir d'achat des ménages, et notamment celui des moins aisés. Pourtant, l'Insee prévoyait en décembre un pic de l'inflation "début 2023". Et le Commissaire européen à l'Économie, Paolo Gentiloni, estime même auprès du Parisien que le pic est déjà derrière nous dans la zone euro. Quand atteindrons-nous le bout du tunnel ? 

Florence Jany-Catrice, professeure d'économie à l'Université de Lille, auteure de L'indice des prix à la consommation (La Découverte, 2019), nous éclaire.

Le pic de l'inflation va-t-il enfin arriver, comme nous le promettent les autorités ?

Les institutions et experts proches des institutions utilisent une rhétorique pour ne pas inquiéter outrageusement les ménages, qui se précipiteraient pour acheter. Car si la demande est supérieure à l'offre, cela peut éventuellement engendrer une tension inflationniste encore plus élevée qu'actuellement. Il est difficile de prévoir le pic : le bouclier tarifaire est en partie levé, il va y avoir une hausse du prix de l'électricité, les tarifs des péages et de la SNCF augmentent, les produits alimentaires aussi...

La dimension écologique va œuvrer comme un élément majeur d'une inflation relativement élevée
Florence Jany-Catrice

Et ce sont les plus bas salaires qui trinquent.

Absolument. Tout ce qui flambe est précisément ce que les ménages les plus pauvres consomment le plus. Pour eux, l'inflation n'est pas de 6%, car il s'agit d'une moyenne. Michel-Édouard Leclerc (le patron des centres E.Leclerc, NDLR) envisage encore une inflation à deux chiffres, au moins pour les produits qui transitent en hypermarché, jusqu'à l'été. Nous restons donc sur un régime d'inflation relativement élevé, et une concordance d'éléments laisse penser que cela ne va pas s'arrêter de sitôt.

Pour quelles raisons ?

Prenons l'exemple de l'énergie. Le conflit géopolitique (en Ukraine) n'est pas du tout derrière nous, il va perdurer. Cela provoque de l'incertitude. Nous avons stocké beaucoup de gaz, l'automne a été plus tempéré qu'anticipé, un certain nombre de centrales nucléaires ont été remises en route... Heureusement, ces facteurs sont plutôt positifs, mais le prix de l'énergie reste nettement plus élevé qu'en 2019.

Cela va-t-il s'apaiser dans les prochains mois ?

Ce n'est pas certain. Dans le futur, la dimension écologique va œuvrer comme un élément majeur d'une inflation relativement élevée. Les catastrophes écologiques ont des incidences très fortes : par exemple, lorsque des milliers d'hectares de forêt partent en fumée, il y a une pénurie de bois, donc une augmentation du prix de cette matière première. Les sécheresses intenses peuvent aussi avoir des effets, comme sur les fruits et légumes, les céréales... Et les politiques du futur, si elles prennent sérieusement en compte les objectifs de décarbonation de nos sociétés, vont inviter les économies à être plus sobres en carbone, donc relocaliser la production.

Ce qui va augmenter les prix ?

Depuis trois décennies, la mondialisation a été un facteur extrêmement important pour un maintien d'une faible inflation. La forte concurrence internationale sur les salaires a joué un rôle déflationniste. Tout cela nous laisse entrevoir un horizon d'inflation qui restera peut-être relativement élevé.


Idèr NABILI

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