L'un des actionnaires minoritaires de la société automobile Stellantis a voté contre la rémunération du directeur général du groupe, Carlos Tavares.Estimée à 66 millions d'euros, la somme est jugée d'autant moins souhaitable dans un contexte difficile pour cette industrie.
Le montant ne passe pas. Depuis quelques jours, le salaire record de Carlos Tavares, directeur général du constructeur automobile Stellantis, fait parler. La société de gestion PhiTrust, actionnaire minoritaire du groupe, l'a évalué à 66 millions d'euros pour l'année 2021, si d'ambitieux objectifs de long terme sont atteints à leur maximum en 2028.
Le salaire le plus élevé de l'économie française ?
Cette société de gestion de portefeuille à dimension éthique et qui souhaite faire évoluer les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des groupes cotés a jugé "indécente" cette rémunération dans un communiqué publié mardi. "Est-elle justifiée socialement alors que le groupe va devoir probablement faire face à des restructurations massives avec des suppressions d’emplois à la clé, compte tenu de ses surcapacités de production ?", s'est interrogé PhiTrust.
Dans un contexte effectivement très compliqué pour l'industrie automobile, Stellantis a dégagé en 2021 un bénéfice net de 13,4 milliards d'euros, presque triplé par rapport à 2020. Des performances qu'il fallait récompenser, a défendu le président de Stellantis, John Elkann, contestant par ailleurs les chiffres de Phitrust concernant la rémunération de Carlos Tavares.
Dans le détail, le dirigeant de 63 ans devrait toucher 19 millions d'euros au titre de l'exercice de sa fonction en 2021, en plus duquel s’ajoutent 47 millions d’attribution d’actions gratuites et de rémunération exceptionnelle fondée sur la capacité de Carlos Tavares à transformer Stellantis, une grande partie étant soumise à l’atteinte d’objectifs et n’étant pas touchée avant 2026-2028. S'il est validé, ce salaire serait l'un des plus élevés de l'automobile mondiale, mais aussi de l'économie française.
L'écart ne cesse d'augmenter entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires
Franck Don, secrétaire général de la CFTC chez Stellantis
La rémunération a également "du mal à passer auprès des salariés", selon la CFDT, ajoutant pourtant qu'on leur "demande tous les jours des efforts de compétitivité". À l'issue des négociations salariales annuelles, la direction de Stellantis n'avait pas proposé d'augmentation générale pour ses salariés français, mais une moyenne de +3,2% (+2,8% pour les ouvriers) et une prime d'intéressement et de participation de 4000 euros brut minimum par salarié.
"Il est urgent que nos politiques prennent enfin de véritables mesures sur le plafonnement des salaires de nos dirigeants", a souligné Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT. "L'écart ne cesse d'augmenter entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires", a renchéri Franck Don, secrétaire général de la CFTC chez Stellantis, qui pointe un phénomène "très inquiétant".
"Tavares est un très bon capitaine d'industrie, mais à un moment donné il faut rester dans le raisonnable", juge le syndicaliste. C'est également la revendication de PhiTrust, qui a annoncé voté contre la rémunération et a jugé "souhaitable" que le conseil d'administration du groupe "prenne en compte" ce vote négatif "en revoyant la politique de rémunération des dirigeants".
La question s'est invitée dans la campagne présidentielle, à quelques jours du second tour. "C’est choquant, mais moins choquant que pour d’autres", a commenté mercredi la candidate du RN à la présidentielle Marine Le Pen, soulignant que "pour une fois, il a obtenu de bons résultats".
"Cette rémunération est excessive (...) et ça pose la question de la rémunération des grands dirigeants d'entreprises", a réagi de son côté le ministre de l'Économie Bruno Le Maire sur France 5, alors que l'État est actionnaire de Stellantis à hauteur d'environ 6% via Bpifrance. Le soutien d'Emmanuel Macron a plaidé pour que le sujet de l'"écart salarial" entre les dirigeants d'une entreprise et les salariés soit discuté "au niveau européen".
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