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Les femmes, gagnantes ou perdantes de la réforme des retraites ?

Publié le 24 janvier 2023 à 19h18, mis à jour le 3 mars 2023 à 12h02

Source : JT 20h WE

Le gouvernement assure que sa réforme des retraites permettra une meilleure protection des femmes.
L'opposition assure l'inverse.
Si les femmes verront leur pension mieux revalorisée que les hommes, elles devront aussi travailler plus longtemps.

Pour défendre sa réforme des retraites, qui doit reculer l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, le gouvernement met en avant le net avantage dont profiterait à la moitié de la population : les femmes. Celles-ci seront alors mieux "protégées" et seraient même "les premières bénéficiaires de la revalorisation des petites pensions", a assuré Elisabeth Borne ce mardi à l'Assemblée nationale. À l’inverse, les différents opposants à la réforme crient à l'injustice, soutenant que ce projet de loi fera partir les femmes plus tard à la retraite, en moyenne, que les hommes. 

Aujourd’hui, le constat est que les femmes "ont des carrières moins favorables que celles des hommes et acquièrent moins de droits à la retraite", comme l’a rappelé le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans un rapport de 2022. Et ceci pour plusieurs raisons, dont le recours au temps partiel qui les touche davantage, ou les rémunérations moins importantes que les hommes. La réforme va-t-elle contribuer à réduire ces inégalités au moment de la retraite ? Une étude d’impact a justement été menée par le gouvernement pour évaluer les principaux effets de la réforme sur les différentes catégories de travailleurs. Explications.

Vont-elles travailler plus longtemps ?

En 2021, l’âge moyen de départ à la retraite des droits directs du régime général était de 62,9 ans, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Il était un peu plus élevé pour les femmes : 63,2 ans contre 62,7 ans pour les hommes. Avec la réforme, tout le monde va partir plus tard qu’aujourd’hui, à l’exception des personnes en situation d’invalidité ou d’incapacité et de celles qui partent déjà à 67 ans, sans décote. Ce qui signifie que les femmes comme les hommes vont travailler plus longtemps, "de 1 mois en moyenne pour la génération 1962 et de 6 mois pour la génération 1966", d’après le rapport publié par le gouvernement.

Mais cette "hausse moyenne est plus marquée pour les femmes (+7 mois) que pour les hommes (+5 mois)". À noter que les femmes nées en 1972, les plus prises en exemple, devront travailler en moyenne neuf mois supplémentaires, contre seulement cinq mois pour les hommes nés la même année. Celles nées en 1980 partiront huit mois plus tard qu’aujourd’hui… contre moitié moins pour les hommes. Un traitement différent que Franck Riester, ministre chargé des relations avec le Parlement, a lui-même reconnu sur Public Sénat en expliquant que les femmes seront "pénalisées" par le recul de l’âge de départ à la retraite. 

Vont-elles toucher plus qu’avant ?

Si les femmes partiront plus tard en moyenne que les hommes, elles toucheront aussi davantage qu’aujourd’hui. Et ce comparé aux hommes. C’est d’ailleurs l’un des principaux arguments avancés par l’exécutif : les femmes auront leur "pension améliorée, deux fois plus que les hommes en moyenne", répétait encore Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, ce mardi 24 janvier sur LCI.  Avec comme objectif, in fine, de réduire l’écart des montants de pension selon le genre. En 2020, cet écart était évalué à 40% pour les pensions de droit direct, selon des chiffres de la Drees que nous citions ici

Selon le rapport gouvernemental, "la pension moyenne augmentera de 0,3 % pour la génération 1962, de 0,6 % pour celle des personnes nées en 1966 et de 1,5 % pour celles de la génération 1972". Avec bien une amélioration plus importante pour les femmes, du fait de la revalorisation du minimum de pension qui les touche plus que les hommes : "+1 % pour la génération 1966 et +2,2 % pour les générations suivantes, contre respectivement +0,2 % et +0,9 % pour les hommes". Des évolutions qui sont deux fois plus importantes, mais qui restent "très faibles", remarque Michael Zemmour, maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auprès de TF1info.

D’autres choses changent-elles ?

Oui, car certaines femmes pourront partir de manière anticipée, dès 62 ans, grâce à la prise en compte de leur congé parental. Concrètement, "ces périodes de congé parental seront comptabilisées, jusqu’à 4 trimestres, dans la durée pour partir avec le dispositif de carrières longues", résume l’étude gouvernementale. Ce changement apporté par la réforme permettra "une augmentation de 5 % du nombre de femmes éligibles au dispositif : parmi la génération 1966, 2000 à 3000 femmes pourront ainsi bénéficier du dispositif RACL alors qu’elles n’y auraient pas été éligibles en l’absence de cette mesure (contre 200 hommes)". 

Une prise en compte qui bénéficiera pourtant à peu de femmes chaque année, souligne Michael Zemmour : "C’est sans doute positif, mais c’est très cosmétique. La réforme accroit plutôt les inégalités de genre. Le gouvernement chiffre cela à 3000 personnes par génération, alors qu'une génération de femmes, c’est 400.000 personnes."

Qui se retrouve le plus avantagé ?

En résumé, les femmes se retrouveront-elles plus ou moins avantagées que les hommes ? Le projet semble à double tranchant pour ces dernières, qui toucheront certes davantage, mais qui devront aussi travailler plus longtemps. En outre, "le maintien de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans" leur serait plus "favorable" puisqu’elles sont "deux fois plus nombreuses à devoir attendre cet âge en raison d’interruption de carrière", selon l'étude gouvernementale. "Une grosse partie des économies de la réforme se fait sur les gens qui pouvaient partir à 62 et qui vont devoir partir à 64 ans", rappelle toutefois Michael Zemmour. "Et parmi eux, on compte surtout des femmes."

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Caroline QUEVRAIN

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