PIXELS - Être propriétaire d'une œuvre 100% numérique, c'est désormais possible, grâce à des technologies héritées des crypto-monnaies. Les ventes, elles, peuvent se payer en dollars, à des niveaux qui font réfléchir tout le marché de l'art.
La vente était attendue. D'abord parce que c'est ici la très sérieuse maison Christie's qui tenait le marteau, à tel point que plus de 20 millions d'internautes ont suivi les enchères en ligne, autre record. Mais aussi, et surtout parce qu'en trouvant preneur à près de 70 millions de dollars (58 millions d'euros environ), c'est une déflagration dont les échos se propagent aujourd'hui dans tous les pans du marché de l'art.
L'œuvre "Everydays: the First 5.000 Days" est un collage, un assemblage de dessins et d'animations réalisées quotidiennement durant 5.000 jours d'affilée, par un artiste pour l'essentiel inconnu du grand public. Mike Winkelmann, alias "Beeple", était jusqu'ici connu pour ses projets numériques et ses collaborations, mais n'avait encore jamais vendu d'œuvre à son nom avant l'automne dernier. Il vient d'un seul coup d'"adjugé-vendu!" de monter sur le podium des trois artistes les plus chers du monde, de leur vivant, tous supports confondus. On comprend sa réaction face au résultat de la vente, tel qu'exprimée sur Twitter après le coup de marteau final. Elle se passe de traduction.
holy fuck. — beeple (@beeple) March 11, 2021
En fait, si la vente de cette semaine restera dans l'histoire, ce n'est pas juste par son montant, mais aussi parce qu'elle illustre la montée en puissance d'une technologie qui simplifie l'échange d'actifs et d'œuvres numériques. En utilisant la "blockchain" utilisée pour les cryptomonnaies, elle permet de graver dans un registre public des informations qui authentifient l'oeuvre, et en valident la propriété. De quoi offrir un remède miracle aux copies, un des freins au développement de l'art numérique.
La technologie permet ainsi de commercialiser à peu près tout ce qui est imaginable sur internet, des albums musicaux aux tweets de personnalités, sous la forme de "non-fungible token", "NFT", ou jeton non fongible. Cette appellation obscure, née en 2017, recouvre en fait tout objet virtuel dont l'identité, l'authenticité et la traçabilité deviendraient soudain incontestables et inviolables, résistant tant au vol, à la copie, et aux faussaires.
Nous assistons au commencement d'un nouveau chapitre dans l'histoire de l'art, de l'art numérique.
Mike "Beeple" Winkelmann, artiste numérique
Depuis environ six mois que le "NFT" est entré dans le vocabulaire d'un cercle plus large d'internautes, les records se succèdent à un rythme échevelé et, artistes, entrepreneurs, collectionneurs sont de plus en plus nombreux à vouloir en être. Parmi les autres "NFT" très en vue : le premier tweet de Jack Dorsey, fondateur de Twitter, posté en 2006. Les enchères sont en cours sur la plateforme Valuables, et la plus élevée - pour l'instant - atteint 2,5 millions de dollars. Témoin de son goût pour les nouvelles technologies, la ligue professionnelle nord-américaine de basket (NBA) a elle aussi lancé sa plateforme "NFT", Top Shot, qui commercialise des extraits vidéo de quelques secondes d'actions de jeu. En février, un clip d'un envol de la star des Los Angeles Lakers LeBron James s'est vendu 208.000 dollars, record pour un "moment", le nom de ces extraits.
En musique, le groupe américain de rock Kings of Leon a mis en vente, la semaine dernière, une version "NFT" de son nouvel album "When You See Yourself". Et le mouvement ne devrait pas s'arrêter. "Des artistes utilisent du stockage de données et des logiciels pour créer de l'art et le diffuser sur internet depuis plus de vingt ans, mais il n'y avait pas de véritable moyen pour le posséder et le collectionner", a commenté Mike "Beeple" Winkelmann, dans un communiqué publié par Christie's après la vente de son oeuvre. "Avec le NFT, tout ça a changé." Pour l'artiste, "nous assistons au commencement d'un nouveau chapitre dans l'histoire de l'art, de l'art numérique".
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