Transport routier : 75% des entreprises "sont en difficulté", avec seulement "2 à 3 jours" de stock de carburants

Propos recueillis par Matthieu Delacharlery
Publié le 11 octobre 2022 à 18h11, mis à jour le 14 octobre 2022 à 12h16
Transport routier : 75% des entreprises "sont en difficulté", avec seulement "2 à 3 jours" de stock de carburants

La grève dans les raffineries TotalEnergies et Esso-ExxonMobil a été reconduite ce mardi, faisant croître l'inquiétude dans le secteur du transport routier.
Une nouvelle réunion est prévue ce mardi soir au ministère du Transport.
La rédaction TF1info a contacté Jean-Marc Rivera, délégué général de l'Organisation des transports routiers européens (OTRE).

En dépit des négociations en cours, le mouvement grève se poursuit toujours, ce mardi 11 octobre, dans les raffineries TotalEnergies et Esso-ExxonMobil. Le vendredi précédent, à la veille du week-end, le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, a donné l’ordre aux préfets de libérer les stocks stratégiques. La circulation des camions citernes a également été autorisé exceptionnellement le week-end. En dépit de ces mesures, l’inquiétude est toujours palpable chez les professionnels du secteur.

"Normalement, on aurait déjà dû commencer à observer des effets positifs. Or, la situation n’avait pas évolué mardi matin. Et cela nous inquiète au plus haut point", explique Jean-Marc Rivera, délégué général de l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), joint par TF1info. "Les cuves diminuent à vue d’œil avec la perspective d’un arrêt de l’activité sous deux ou trois jours pour certaines entreprises", alerte-t-il. 

Pour répondre à la crise, le représentant des transporteurs routiers européens appelle les autorités françaises "à mieux flécher le carburant" qui sort des stocks stratégiques ou des pays limitrophes et réclame "un meilleur équilibrage" entre la distribution des professionnels (via le réseau AS24, géré par TotalEnergies) et la distribution des stations-service à destination des particuliers. "Le citoyen a besoin de carburant pour aller travailler. Mais il a besoin aussi que les produits de première nécessité arrivent jusqu’à lui", souligne le délégué général de l'OTRE.

À terme, si la grève se poursuit, insiste Jean-Marc Rivera, c’est toute l’économie française qui risque d'être fortement impactée. "Depuis début septembre, les pompes sont dans le dur et les quantités livrées dans les entreprises se sont vues réduites et avec des délais plus long. On l’a ressenti dès septembre. On a commencé à alerter le ministère. C’était avant la grève", explique Jean-Marc Rivera. "Si les véhicules, mécaniquement, ne peuvent plus rouler faute de carburant, c’est de la matière première en moins pour les entreprises, ce qui aura un impact sur la production. Et pour la partie alimentation, en l’absence d’approvisionnement, cela va conduire à des pénuries de produits dans les rayons", ajoute-t-il.

75% des entreprises du secteur en difficulté

L’association La chaîne logistique du froid, qui fédère 120 entreprises de transport frigorifique, a d’ailleurs mis en garde, ce mardi, contre des ruptures sur les produits alimentaires pour les Français. "Chez les transporteurs qui disposent de cuves, les réserves disponibles sont, dans certains cas, inférieurs à une semaine" tandis que "les autres transporteurs sont tributaires des stocks disponibles en station-service", explique l’association dans son communiqué.

Selon l'Organisation des transporteurs routiers européens, plus de 75% des entreprises du secteur se retrouvent en difficulté. "Les entreprises n’ont aucune visibilité sur la date de livraison et la quantité, ce qui génère de l’inquiétude et du stress. Pour certaines, la situation devient même critique, au point peut-être pour certaines de mettre à l’arrêt une partie de leur flotte de véhicules", avance le délégué général de l'OTRE.

Des stations du groupe E.Leclerc privilégient leur propre flotte de véhicules au détriment des autres
Jean-Marc Rivera

En première ligne, les petites sociétés avec moins de dix salariés. "Elles sont particulièrement exposées car elles disposent rarement de cuves privées pour alimenter leur véhicule. Et elles n’ont pas accès non plus aux réseaux professionnels", souligne-t-il. Pour eux, pas d’autre choix que de se servir dans des stations-service, du moins quand celles-ci sont équipées de pompes dédiées aux véhicules lourds et qu’elles ne sont fermées. 

"Certaines stations-service ferment leurs pompes de véhicules lourds pour maintenir les pompes de véhicules légers ouvertes. On considère que c’est un refus de vente. Et, c’est illégal !", dénonce le délégué général de l’OTRE. "On a aussi des remontées fortes sur le terrain dans des stations du groupe E.Leclerc qui privilégient leur propre flotte de véhicules au détriment des autres", s’agace Jean-Marc Rivera.

Pour l’organisation qui représente la filière, il en va de l’avenir des entreprises de transport, qui ont subi successivement, au cours des trois dernières années, la crise sanitaire, la crise du coût de l’énergie avec la guerre en Ukraine et maintenant la pénurie de carburant. "D’autant qu’il va falloir du temps pour retrouver des volumes importants et que la situation se stabilise", souligne le représentant de l’OTRE. Une nouvelle réunion, après celles de vendredi et de lundi, est prévue ce mardi en fin d'après-midi au ministère du Transport. 


Propos recueillis par Matthieu Delacharlery

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