Présidentielle : les candidats peuvent-ils baisser la TVA sur le carburant pour réduire le prix d'un plein ?

Publié le 7 avril 2022 à 9h36

Source : JT 20h WE

Les prix des carburants ont explosé avec la hausse de l'inflation et la guerre en Ukraine, au grand dam des automobilistes.
En conséquence, plusieurs candidats proposent de baisser le taux de TVA sur les carburants.
Mais cette mesure serait très difficilement réalisable.

Face à la hausse des prix du carburant, l'idée est séduisante : certains candidats à la présidentielle proposent une baisse du taux de TVA sur ce bien afin de réduire le prix du plein. C'est le cas par exemple d'Anne Hidalgo mais aussi de Marine le Pen, qui se sont toutes deux déclarées en faveur d'une baisse de la TVA de 20 à 5,5%. 

Celle-ci a par ailleurs promis, par l'intermédiaire du président du RN, Jordan Bardella, que Marine le Pen l'abaisserait dès le lendemain de son élection. Problème : la TVA est une taxe qui relève des compétences de l'Union européenne et des règles bien spécifiques s'appliquent, qui rendent impossible tout changement à la simple échelle nationale.

En effet, tous les biens au sein de l'Union européenne sont soumis à des taux de TVA, qui peuvent être des taux standard, fixé à 20% en France, ou réduit, soit au minimum 5% dans notre pays. Supprimer de manière pure et simple la TVA sur des biens, comme l'énergie du côté de la candidate des Républicains Valérie Pécresse, ou le carburant, pour le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, n'est donc pas possible pour les règles européennes. 

De même, la liste des biens pouvant bénéficier d'un taux de TVA réduit est clairement établie par les États membres. Celle-ci a d'ailleurs fait l'objet d'une nouvelle négociation en décembre de l'année dernière et de nouveaux biens doivent y être inscrits. Or, si le texte doit être officiellement adoptés par les ministres des Finances de l'UE ce mardi 5 avril pour une entrée en vigueur dès sa publication au Journal officiel de l'Union européenne, les carburants n'ont toujours pas été inclus à cette liste. Le taux standard de la TVA, soit 20%, doit continuer de s'appliquer aux carburants.

Un changement mené au niveau européen

Pour réussir à baisser le taux de TVA sur les carburants, comme le promettent donc Marine Le Pen, Anne Hidalgo ou encore Fabien Roussel, ces candidats doivent s'engager dans des négociations avec les autres États membres et obtenir un changement de règle permettant d'inclure les carburants dans la liste des biens bénéficiant de la TVA à taux réduit. Difficulté supplémentaire, ces modifications doivent être adoptées à l'unanimité.

Il n'est pas impossible de faire modifier une directive. En 2002, le candidat Jacques Chirac propose une baisse de la TVA pour la restauration. Lorsqu'il fait cette proposition, aucun texte européen ne permet un tel changement. C'est une fois élu que le président de l'époque s'engage dans une négociation avec ses partenaires européens pour que la directive européenne soit modifiée. Cela a pris du temps. Cette promesse électorale ne sera appliquée qu'en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Des négociations qui ont peu de chance d'aboutir

Les candidats, s'ils sont élus et s'ils souhaitent appliquer leur promesse de réduction de la TVA, devront donc se confronter à des telles démarches auprès de leurs partenaires de l'UE avant d'obtenir à une nouvelle catégorisation des carburants. Dans ce contexte, la promesse de Marine le Pen d'appliquer une baisse de la TVA au lendemain de son élection est irréalisable.

Par ailleurs, il est même peu probable que les négociations au niveau européen aboutissent, selon Marie-Odile Duparc, avocate conseil spécialisée sur la TVA au sein du cabinet Francis Lefèvre Avocats. Pour elle, cela ne correspond pas du tout à la direction que semble avoir prise l'Union européenne. "Dans ce texte, on voit bien qu'il y a une volonté des États membres de favoriser le renouvelable, les transports verts, certainement pas les énergies fossiles", observe-t-elle.

En effet, parmi les nouveaux biens ou services pouvant bénéficier d'un taux de TVA réduit, on trouve la vente de panneaux solaires, la réparation de bicyclette... Des produits et des services "qui protègent la santé publique, ceux qui sont bénéfiques pour l'environnement et ceux qui favorisent la transition numérique", résume le communiqué de presse de la Commission européenne annonçant les nouvelles règles.  

La fourniture de gaz est aussi dans cette liste avec toutefois une spécificité. Le taux réduit ne pourra plus s'appliquer pour toute énergie fossile à partir de 2030. Le gaz bénéficie donc toujours d'une TVA réduite, mais plus pour longtemps. "Le sens de l'histoire aujourd'hui, c'est de ne pas sous taxer les énergies fossiles et au contraire, encourager les énergies renouvelables", conclue Marie-Odile Duparc. Dans ce contexte, difficile pour les candidats de compter sur une réduction de la TVA pour baisser le prix du carburant.


Aurélie LOEK

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