INTERVIEW - La flambée du prix de l'énergie que connaissent les Français devrait se poursuivre à plus long terme, explique François Lenglet, spécialiste économie de TF1/LCI.
Les prix de l'énergie s'envolent. Les tarifs réglementés du gaz, en hausse continue depuis des mois, vont à nouveau augmenter de 12,6% dès vendredi 1er octobre. En février, ceux de l'électricité connaîtront le même sort. Cette hausse va-t-elle se poursuivre sur le long terme ? L'ensemble des prix vont-ils suivre un rythme similaire ? François Lenglet, journaliste spécialiste de l'économie de TF1/LCI, nous éclaire.
La hausse des prix de l'énergie est-elle inexorable ?
À court terme, tous les déterminants sont orientés vers la hausse, car la demande mondiale est forte. En effet, l'épidémie de Covid-19 s'est arrêtée partout au même moment, nous assistons donc à une reprise mondiale synchrone. Cela occasionne des tensions beaucoup plus fortes que d'habitude sur la demande. D'autant que du côté de l'offre, avec les pannes, des incendies dans les centrales, l'absence de vent en Europe, ou encore une sorte de chantage géopolitique de la Russie, principal producteur mondial de gaz, il y a eu un alignement d'événements improbables.
Et à moyen terme ?
Nos ressources physiques sont limitées, tandis que la population mondiale ne cesse de progresser. Il y a aussi les problèmes climatiques : pour diminuer la consommation, il va falloir augmenter les prix. Sur le moyen terme, l'inexorabilité de la hausse des prix de l'énergie est avérée.
Les prix du gaz, de l'électricité ou encore du pétrole sont-ils liés ?
Oui. En Europe, le prix de l'électricité est indexé sur les cours des énergies carbonés, comme le gaz. Au-delà de ce mécanisme, pour créer de l'électricité, on peut utiliser le pétrole, le charbon, le gaz... Donc si le gaz est trop cher, vous vous tournez vers le pétrole. Mécaniquement, cela augmente son prix. Naturellement, tout fonctionne ensemble.
La hausse du prix de l'énergie est la répétition générale d'un mouvement beaucoup plus large
François Lenglet, journaliste spécialiste de l'économie de TF1/LCI
Peut-on malgré tout anticiper une décrue ?
Il y aura sûrement des fluctuations, mais je pense qu'à long terme, la tendance est aussi à la hausse. Nous sommes dans un monde de pénurie croissante. Il suffit de regarder pour le gaz : les gisements sont quasiment éteints aux Pays-Bas ou en Écosse, la Norvège a réduit ses investissements, car le pays veut imiter ses émissions de carbone... Il reste la Russie, mais lorsqu'il y a seulement un gros fournisseur, c'est lui qui fait les prix. Et il est tenté de les augmenter.
Justement, le prix des tarifs réglementés du gaz ne cesse d'augmenter mois après mois. Est-ce inédit ?
Oui. Des augmentations à ce niveau, c'est absolument sans précédent. Toutefois, la hausse doit s'apprécier sur une longue période. L'an dernier, nous avions connu une très forte baisse. Par rapport à la moyenne des dernières années, l'augmentation n'est donc pas aussi forte que le suggèrent les indicateurs les plus récents.
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Au-delà de l'énergie, doit-on s'attendre à une hausse généralisée des prix ?
Je pense effectivement que la hausse du prix de l'énergie est la répétition générale d'un mouvement beaucoup plus large. Les pénuries se développent partout, même le prix du coton explose, donc les vêtements vont augmenter. Il en est de même pour les pièces détachées des voitures, les matériaux de construction... En cause notamment, l'extraordinaire création monétaire déclenchée pour résister aux conséquences de l'épidémie de Covid-19. Nous retrouvons les lois fondamentales de l'économie, qui veulent que lorsque l'on crée de la monnaie, les prix augmentent mécaniquement. Il me paraît donc inévitable que les salaires suivent, ce qui entretiendra la spirale de la hausse.