Verif'

Retraites : y a-t-il vraiment une urgence économique à réformer ?

Publié le 30 janvier 2023 à 16h40, mis à jour le 6 février 2023 à 10h30

Source : JT 20h Semaine

Pour faire passer sa réforme, le gouvernement met en avant le déficit du système des retraites.
Un constat fondé sur les prévisions du Conseil d’orientation des retraites.
L’institution considère toutefois que les dépenses des retraites sont stables à long terme.

Faudra-t-il forcément travailler jusqu’à 64 ans pour sauver le système des retraites ? Pour défendre sa réforme, l’exécutif mise avant tout sur sa nécessité économique. Face à un système en péril et déficitaire, il y aurait "urgence" à repousser l’âge légal de départ et ainsi de renflouer les caisses des retraites.

Selon François Bayrou, dimanche 29 janvier sur Franceinfo, le déficit se chiffrera même à "30 milliards d’euros" si rien ne change. "Notre système de retraites est depuis très longtemps en déficit extrêmement grave", a assuré le président du Modem. "Il y a un déficit de 30 milliards d'euros tous les ans. (…) C'est l'État qui apporte cette somme pour arriver à un équilibre. Si l'État avait cet argent on pourrait discuter, mais ça n'est pas de l'argent que l'État donne, c'est de l'argent que l'État emprunte tous les ans." 

Mais pour l’opposition, cet argument ne vaut rien. Elle se fonde notamment sur les propos de Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), selon qui "les dépenses de retraites sont relativement maîtrisées". Une position qui lui a d’ailleurs été reprochée par la Première ministre, comme le raconte Le Monde.

13,5 milliards d'euros en 2035

Revenons au déficit. En communiquant sur sa réforme, le gouvernement insiste bien sur ce point et le chiffre. "Sans cette réforme, notre système de retraite accumulera durablement des déficits : 12,4 milliards en 2027, 13,5 milliards en 2030 et 21,2 milliards en 2035." Des données qui sont directement issues des prévisions du COR et qui sont bien loin des estimations reprises par François Bayrou qui, lui, renvoie plutôt au déficit du régime de retraite de la fonction publique. 

Sur le court terme, "de 2022 à 2032, la situation financière du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de -0,5 point de PIB à -0,8 point de PIB en fonction de la convention et du scénario retenu", selon l’institution dans son rapport de 2022. Sur le long terme, "la situation financière du système de retraite dépendrait fortement de la convention et du scénario retenus".

Les prévisions gouvernementales, à partir du rapport du COR de 2022
Les prévisions gouvernementales, à partir du rapport du COR de 2022 - Gouvernement / Conseil orientation des retraites

Le COR se charge ainsi d’actualiser tous les ans les projections pour le système des retraites des 50 prochaines années et se focalise sur les dépenses du système de retraite, rapportées au PIB, en prenant en compte plusieurs scénarios. Dans sa dernière version, il observe que "sur la période 2021-2027, couverte par les prévisions du gouvernement établies dans le cadre du programme de stabilité, les dépenses de retraite dans le PIB seraient globalement stables", passant "de 13,8 % en 2021 à 13,9 % du PIB en 2027".

Mais que cela dit-il de l'état du financement des retraites ? D’après le COR, et cela s’écarte de la version gouvernementale, l'équilibre global du système n'est pas menacé sur le long terme, comme nous le développions déjà ici : "De 2032 jusqu’à 2070, malgré le vieillissement progressif de la population française, la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale serait stable ou en diminution". Et c’est justement ce qu’a répété son président devant les députés. Une évolution qui s’expliquerait par "le recul de l’âge de départ à la retraite qui passerait de 62 ans à 64 ans du fait des réformes déjà votées", comme la réforme Touraine, et par "la moindre augmentation du niveau de vie des retraités relativement aux actifs". 

De plus, les diverses hypothèses du COR permettent à chaque camp politique d’y trouver son compte… tout en ne pouvant être confirmées à ce stade. "Les scénarios du COR sont à prendre avec prudence car ils sont bâtis sur du sable", souligne Pascal Perri, spécialiste économique de TF1/LCI. Le COR intègre ainsi dans ses projections une hypothèse de plein emploi, promise par Emmanuel Macron mais pas encore atteinte en France, ou bien une croissance moyenne à 1% par an, contre une estimation de croissance à 0,3% en 2023.

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Caroline QUEVRAIN

Tout
TF1 Info