La bataille des retraites

Réforme des retraites : la France, mauvais élève de l'UE pour l'emploi des seniors

Publié le 23 janvier 2023 à 16h31, mis à jour le 23 janvier 2023 à 18h01

Source : JT 20h Semaine

En France, en 2021, le taux d'emploi des 55-64 ans était de 56%.
Si ce taux augmente ces dernières années, il reste bas par rapport à la moyenne européenne, située à 60,5%.
En cause, le basculement progressif vers la retraite, mais aussi des préjugés qui ont la vie dure contre les salariés les plus âgés.

C'est l'un des objectifs de la réforme avancés par le gouvernement. En défendant le nouveau projet de loi sur les retraites, les différents ministres ont mis en avant leur volonté d'augmenter le taux d'emploi des seniors, qui est en France particulièrement bas, par rapport aux autres tranches d'âges. En 2021, le taux d'emploi des seniors en France se situait à 56%, rapporte effectivement la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (Dares) dans une étude publiée en janvier 2023, tandis qu'il était à 81,8% pour la tranche 25-49 ans.

La France, mauvaise élève de l'emploi des seniors en Europe

Si la seule tranche 60-64 ans est étudiée, le taux d'emploi descend même à 35,5%. De même, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) note qu'à l’approche de l’âge de 60 ans, le risque d’être principalement au chômage s’accroît. Cela est d'autant plus vrai pour les femmes. "S’agissant de la génération 1950, c’est le cas pour 8 % des femmes et 6 % des hommes à 55 ans, contre 12 % des femmes et 9% des hommes à 59 ans", met en avant la direction dans son rapport publié en 2022. Quant aux 60-64 ans, 2 à 3% de cette génération reste confrontée au chômage. 

Le taux d'emploi diminue donc nettement avec l'âge et cela semble une particularité française. En effet, le taux d'emploi est bien plus élevé dans d'autres pays européens. En 2021, il se situait 4,5 points en dessous de la moyenne de l'Union européenne, à 60,5%. En Suède, le taux d'emploi est ainsi bien plus élevé, et se situe à 76,9%, de même en Allemagne où il est à 71,8%.

Une transition vers la retraite, contrainte ou volontaire

Comment l'expliquer ? Pour la Dares, cette baisse serait notamment la conséquence des transitions progressives vers la retraite. "Jusqu’à 55 ans, la part de personnes en retraite est marginale, alors qu’à 60 ans, une personne sur six environ est retraitée, et que deux sur trois le sont à 63 ans", note la direction. Dans certaines entreprises, comme dans la fonction publique, la question du salaire peut faire pencher la balance vers une mise à la retraite progressive. 

Alors qu'en fin de carrière, les salaires sont censés être plus élevés, "les employeurs peuvent décider de sortir les personnes les plus âgées pour retirer le plus gros salaire", met en avant auprès de TF1info Nathalie Hanet, présidente de l'association Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC) qui a notamment publié un rapport sur les seniors et l'emploi. La demande de départ peut également venir des salariés, simplement fatigués par leur travail et qui cherchent à partir le plus tôt possible.

Des préjugés liés à l'âge

Mais le faible taux d'emploi s'explique aussi par des préjugés liés à l'âge. Il serait plus difficile de manager des seniors ou que ceux-ci intègrent une équipe plus jeune. Les seniors seraient encore moins adaptables, moins rapides, moins perméables au changement. Ces préjugés joueraient alors sur le recrutement des personnes plus âgées. Selon une étude de l'Apec, réalisée en 2022, près de 9 cadres seniors sur 10 estiment que leur âge les désavantage dans leur recherche d’emploi.

L'utilisation d'algorithmes ou de l'intelligence artificielle pour mécaniser le recrutement dans des postes moins qualifiés serait un facteur aggravant. "Il suffirait de les programmer différemment, mais dans les faits, on observe que quand la première sélection des CV se fait de façon mécanique, elle exclut directement les personnes au-delà d'un certain âge", souligne Nathalie Hanet. 

La proportion d'emploi des séniors est néanmoins en train de bouger, selon le rapport de la Dares. Ainsi, le taux d'emploi augmente depuis les années 2000, un changement provoqué mécaniquement par les différentes réformes sur la retraite qui se sont succédé. Elles ont allongé les durées de cotisation, puis ont reculé l'âge légal de départ à la retraite, conduisant les entreprises à garder plus longtemps leurs salariés les plus âgés. "Si l'âge légal passe à 64 ans et qu'on accélère le passage de 41 à 43 trimestres, mécaniquement, on va observer une augmentation de l'emploi des seniors jusqu'à 64 ans", assure par conséquent Nathalie Hanet.

De même, en 2021, le taux de chômage des seniors, à 6,3%, était en légère baisse par rapport à 2019 (6,8%). Avec cette réforme qui s'ajouterait aux nouvelles règles concernant l'assurance chômage, le SNC s'inquiète cependant pour les seniors qui n’auront pas la ressource et/ou la possibilité de rester en emploi, notamment ceux qui sont peu qualifiés. Ces personnes qui peuvent être déjà en difficulté sur le marché de l'emploi, vont, avec la réforme, être exposés à des situations de précarité plusieurs années supplémentaires, sans forcément atteindre le minimum de retraite de 1200 euros promis aux carrières complètes.


Aurélie LOEK

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