SÉCURITÉ SOCIALE - Un amendement du député de l'Isère Olivier Véran, voté en commission des affaires sociales, prévoyait de remplacer dans la Constitution le mot "sécurité" par le mot "protection". Une mesure qui visait à étendre la prise en charge de la dépendance, pour son auteur, mais dans laquelle l'opposition voit se nicher les germes de la privatisation de notre système de protection sociale.
La réforme constitutionnelle portait-elle en elle un changement fondamental pour le fonctionnement de la Sécurité sociale ? C'est la question qui agite et oppose radicalement les responsables politiques spécialistes de la question depuis quelques jours, après que le député La République en marche Olivier Véran a proposé et fait voter, en commission des affaires sociales, un amendement visant à remplacer, aux articles 34, 39, 42, 47-1, 48 et 49 de la Constitution, le mot "sécurité" par le mot "protection".
La protection par l'impôt ou par la cotisation : deux visions radicalement opposées
Une modification qui vise, selon l'exposé de l'amendement, à faire évoluer la protection sociale dans le pays en intégrant les dépenses liées à la dépendance des personnes âgées. Si, pour Olivier Véran, "cela ne change rien au fonctionnement de la Sécurité sociale", la chose est bien moins évidente pour ses opposants. Le député communiste Sébastien Jumel le premier : "Soit il est d'une irréfragable naïveté, ce dont je doute parce que c'est quelqu'un de costaud, soit il est en service commandé pour mettre dans la Constitution un cheval de Troie qui va noyer la Sécurité sociale, et c'est plutôt ce que je crois."
Le changement ne semble en effet pas anodin et s'inscrit sur le long terme. Le dernier projet de loi de finances de la Sécurité sociale, voté fin 2017, a mis en place la fin des cotisations salariales pour l'assurance-chômage et l'assurance-maladie, remplacées par une hausse de 1,7 point de la CSG. Ce qui a pour effet de poursuivre l'oeuvre de nationalisation de ce système de solidarité, entamé avec la création de cet impôt par Michel Rocard en 1992. D'abord exclusivement financé par les cotisations sociales, pour le tenir éloigné des intérêts privés, il est sur la voie d'un financement par l'Etat, donc par l'impôt, ce qui, justifie Olivier Véran, permet de la sécuriser : "Dans une époque où vous avez un chômage de masse à 10%, le financement était devenu trop instable." Un processus, appelé de ses voeux par Emmanuel Macron, que viendrait achever cet amendement, en l'inscrivant dans la Constitution.
C'est précisément là que le bât blesse entre détracteurs et partisans de la mesure. Si, pour la majorité, elle consiste simplement à donner à l'Etat la mainmise sur ces dépenses, pour l'opposition, cela comporte le risque d'y faire entrer massivement le privé, à travers les mutuelles, dans le cas où le budget alloué à la future protection sociale serait diminué dans les futurs votes parlementaires.
Le tout rapprocherait alors le système de protection sociale français des modèles anglo-saxons, où pour être bien remboursés, il faut contracter une mutuelle. Autant dire un chiffon rouge pour l'aile gauche du Parlement. "C'est la boîte de Pandore ouverte à la privatisation de la protection sociale, au remplacement du système français par un système à l'anglaise, où se soigne qui a l'argent, craint Sébastien Jumel. Si vous êtes au chômage ou que vous avez un petit salaire qui ne vous permet pas de vous assurer, vous pouvez vous retrouver en banqueroute totale. C'est un système de protection sociale à plusieurs vitesses : un pour les très riches, un pour les classes moyennes, dégradé, et un système très faible pour les plus pauvres ou une couverture très, très basse. Regardez les Etats-Unis, où Barack Obama a tenté de mettre en place une couverture santé obligatoire universelle, que Donald Trump a aussitôt voulu détricoter."
Le spectre de la privatisation
Invité de LCI jeudi 5 juillet (voir la vidéo ci-dessus) Adrien Quatennens y voit la "profonde cohérence" de l'action du gouvernement. "Ça avait commencé avec le financement de la Sécurité sociale au début de la mandature, quand on avait demandé plus de 4 milliards d'économies à la Sécurité sociale, le basculement des cotisations vers la CSG et là, donc, dans la Constitution, remplacer la sécurité par la protection". Un changement sémantique pas anecdotique pour les deux hommes : "La Sécurité sociale a une définition juridique qui assure que chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins", commence le député du Nord, tandis que la protection, pour Sébastien Jumel, "est une notion statistique qui ouvre la voie à toute forme de financement, y compris privé".
Interrogé sur les risques de reproduction des dérives du modèle anglo-saxon, Olivier Véran se défend : "Qu'on m'explique par quelle magie noire le passage à un financement public déclenchera la privatisation. Moi je m'intéresse aux faits et là, ça ne bouge pas. Au contraire, cela permettra justement de renforcer le financement". "C'est un mauvais procès", poursuit-il. "Je suis très attaché à la Sécurité sociale et je ne veux pas qu'on n'y touche. Ce qui change avec cet amendement, c'est la prise en charge du risque dépendance. Depuis des années, tous les gouvernements se sont demandés comment le financer : par le droit privé ou le droit public ? Là, on va le renforcer par de l'argent public, en faisant appel à la solidarité nationale."
Preuve de la bonne volonté du gouvernement ? Les récentes annonces sur le reste à charge 0 pour certaines lunettes, les prothèses dentaires et auditives. Avec prière intimée par le président Macron aux mutuelles de ne rien changer à leur niveau de cotisation pour ne pas pénaliser les plus pauvres... quand bien même un cabinet en vue a anticipé une hausse de ces dernières de 5 à 9%.
Quoi qu'il soit, ce geste social qui n'empêchera pas le groupe communiste au Parlement de lancer, au moment du Congrès, le 9 juillet prochain, une campagne pour un référendum. "Macron, c'est Thatcher à peine masqué désormais décomplexé et assumé, finit Sébastien Jumel. C'est un truc de fou. Faire ça en plein été, alors que les gens ont les yeux rivés sur la plage, c'est inacceptable. Mais s'il veut nous faire sortir de ce système de solidarité, chiche : on demande aux Français."
Face aux oppositions multiples à son projet de réforme constitutionnelle, qui pourrait l'empêcher de réunir les 3/5 de parlementaires nécessaires à la modification du texte, le gouvernement n'y est pas forcément opposé. Même si ce n'est jamais une voie certaine pour un pouvoir en place d'obtenir ce qu'il veut.
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