Le groupe TotalEnergies a dégagé en 2022 le meilleur bénéfice de son histoire.Le géant pétrogazier, tout comme ses rivaux, a profité d'un contexte favorable.Pour vous aider à comprendre, TF1info a contacté l'économiste Jacques Percebois.
Le groupe français a dévoilé mercredi un bénéfice net de 19,1 milliards d'euros pour 2022, soit le plus important jamais enregistré par la major française et l'un des meilleurs de l'histoire du CAC40. Le géant pétrolier pulvérise ainsi le précédent record établi en 2021, qui était alors de 13,6 milliards d’euros (après la perte historique de 7,2 milliards de dollars en 2020, à cause de la crise du Covid-19). Sans les pertes comptables liées au retrait progressif de ses activités en Russie (pour un montant de 13,8 milliards d’euros), le groupe aurait affiché un bénéfice net de 32,8 milliards d’euros. Comment expliquer ces profits hors normes ? L'éclairage de l'économiste français Jacques Percebois joint par la rédaction de TF1info.
TF1info : Comment le pétrolier français est-il parvenu à engranger autant d’argent en 2022 ?
Jacques Percebois : À partir du moment où les prix des hydrocarbures s'envolent, notamment celui du gaz, les bénéfices suivent, mécaniquement. L'année dernière, les prix du gaz ont été multipliés quasiment par dix sur le marché international. Les prix ont commencé à s'envoler au cours du deuxième semestre de 2021, avec le redémarrage de l'économie après la pandémie et la demande de gaz en Chine. L'augmentation s'est accentuée ensuite fin février 2022 avec l'invasion russe en Ukraine. Ensuite, il y a eu un pic en août lorsque la Russie a annoncé qu'elle allait couper le gaz à l'Europe. Lorsque les prix du marché augmentent, les chiffres d'affaires aussi et les profits suivent, d'où ces bénéfices exceptionnels.
Quand Airbus dépasse Boeing dans ses ventes d'avions, les Européens sont très contents et les Français en particulier.
L'économiste Jacques Percebois
Ces bénéfices ont ravivé les appels à cesser la production d'hydrocarbures et à taxer les "superprofits". Comprenez-vous les critiques dont fait l'objet le groupe TotalEnergies ?
Jacques Percebois : La France devrait plutôt se réjouir de savoir que ses industries fonctionnent et affichent de bons résultats. Quand Airbus dépasse Boeing dans ses ventes d'avions, les Européens sont très contents et les Français en particulier. La France n'est pas un pays producteur de pétrole, et pourtant, elle possède une entreprise qui est un des leaders mondiaux dans ce domaine. Certes, une partie des bénéfices vont être reversés aux actionnaires. Mais les salariés profitent aussi de ces bons résultats à travers des hausses de salaire (en moyenne de 7 % en décembre et 0,5 % en plus aujourd'hui pour 14.000 salariés français). Tout le monde ne peut pas en dire autant en France.
Concernant la question de la taxation des superprofits, il ne faut pas poser une question générale à l'occasion d'un cas particulier. La fiscalité, aussi bien pour les cotisations sociales que pour les impôts au sens strict, c'est une règle du jeu et elle doit être relativement stable. Il n'y a rien de pire qu'un système fiscal qui évolue au gré des résultats de telle ou telle compagnie. Si une réforme fiscale est nécessaire, elle doit être globale, réfléchie et pérenne. Par ailleurs, il vaut mieux une société qui gagne de l'argent qu'une société qui en perd et qui demande à l'Etat de l'aider.
Ce qui est important, c'est ce qu'on en fait. Si on les investit pour la transition énergétique, c'est une activité louable.
L'économiste Jacques Percebois
Une partie de ces profits va être réinvestie : à quoi va-t-il servir au juste ?
Jacques Percebois : Lorsque vous investissez dans une centrale électrique, vous savez qu'elle va produire de l'électricité. Dans le domaine pétrolier, c'est différent. Quand vous investissez dans l'exploration-production, vous n'êtes pas certain de trouver du pétrole à tous les coups. Vous dépensez beaucoup d'argent et parfois vous faites chou blanc. L'activité d'exploration pétrolière est nécessairement financée par autofinancement. Donc, il faut faire des profits pour investir dans le nouveau pétrole. Comme on a encore besoin des hydrocarbures, il faut utiliser les profits qu'on a accumulés et relancer l'exploration-production que la crise du Covid avait mise à l'arrêt. Ce qui est important, c'est ce qu'on en fait. Si on les investit pour la transition énergétique, c'est une activité louable (5 milliards de dollars investis en 2023 contre 4 en 2022 sur 16 à 18 milliards d'investissements totaux, ndlr).
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