CRISE SANITAIRE - Coiffeurs ouverts mais esthéticiennes fermées, vêtements en vente sur les marchés mais pas en boutique, rayons bâchés dans les supermarchés... Face aux nouvelles mesures instaurées dans les zones confinées, clients et commerçants n'y comprennent plus rien.
Des supermarchés bondés, des coureurs qui prennent d'assaut les espaces verts ou encore des transports engorgés. À première vue, rien n'a changé. Mais en s'attardant devant quelques vitrines délaissées, on se souvient d'une chose : le confinement acte 3 qui s'étendra sur quatre semaines est enclenché. Au total, seize départements concernés, 21 millions de Français et 90.000 commerces jugés non-essentiels ont dû fermer leurs portes. Si la liste des boutiques pouvant rester ouvertes a été dévoilée samedi, les commerçants soupirent face à de nombreuses incohérences.
Commençons par la question du prêt-à-porter. Les boutiques de vêtements ont tiré leur rideau, sauf pour le "click & collect", où les clients peuvent commander en ligne et récupérer leurs achats sur place. Pour éviter toute concurrence déloyale, les rayons dédiés à l'habillement dans les supermarchés ont été recouverts d'une bâche en plastique. Interdiction d'y toucher. "Par souci d'équité, les restrictions de vente s'appliquent aux mêmes produits, qu'ils soient vendus dans un rayon de grande surface, un commerce spécialisé ou un petit commerce de centre-ville", avait indiqué jeudi le Premier ministre Jean Castex.
Pourtant, cette logique ne suit pas sur les marchés en extérieur, comme le montre le reportage de TF1 en tête de cet article. Pendus à des cintres métalliques, des sarouels colorés et des sweats à capuche tentent de trouver preneur. "Je croyais qu'ils n'avaient pas le droit", lâche, dubitative, une passante. Dans l'allée voisine, une dame aux cheveux blancs tente une explication : "Oui, mais on est à l'extérieur, c'est pour ça?". Un peu plus loin, un couple s'agace : "on ne comprend rien, c'est du n'importe quoi." Même son de cloche du côté des marchands. L'un d'eux grogne : "Pour certains marchés, c'est toléré, pour d'autres, ce n'est pas le cas. C'est aberrant."
Marchés non-alimentaires : la cacophonie
Alors, que dit le gouvernement ? Selon le décret paru samedi au Journal officiel, "les marchés mixtes en extérieur resteront également ouverts." Mais aucune règle homogène ne semble prévaloir sur le territoire. L'antenne régionale de France 3 rapporte que la préfecture de Seine-Maritime a indiqué aux maires que "les règles applicables aux marchés en extérieur restent inchangées. Ils peuvent se tenir avec des étals de différentes natures (alimentaires ou non)." Même son de cloche dans le quotidien La Voix du Nord qui assure dans ses colonnes que les marchés non-alimentaires sont autorisés. De son côté, le Le Figaro est catégorique dans un article publié 20 mars : "Les stands 'non-alimentaires' sont interdits." La cacophonie est de mise.
On ne fait qu'appliquer ce qu'on nous demande
Maxime Quénard, gérant d'un Intermarché (Boulogne-Billancourt)
D'autres modifications seront-elles apportées dans cette liste ? Dimanche, le ministre délégué aux PME, Alain Griset, a déclaré que la liste des commerces autorisés à rester ouverts dans le cadre du confinement serait regardée "au cas par cas" et pourrait évoluer lorsqu'il y a une "aberration". Ce lundi après-midi, les professionnels des jeux vidéo assurent qu'ils font eux aussi désormais partir de la liste des magasins essentiels pouvant ouvrir en zones confinées, un revirement faisant suite au coup de pression du secteur en fin de semaine dernière.
De leurs côtés, les toiletteurs pour animaux ont obtenu le droit de poursuivre en partie leur activité - uniquement sur rendez-vous et à condition que les clients restent à l'extérieur. Dans le doute, certains restent ouverts comme André Sinthomez responsable d'une galerie d'art. "On est considéré comme des vendeurs de livres", justifie-t-il. Les marchands de chaussures n'ont pas la même chance : ils ont été obligés de fermer boutique alors que les cordonniers, eux, peuvent accueillir des clients.
En attendant, il suffit de se rendre dans un supermarché pour noter plusieurs incohérences dans les rayons colorés. Alors que les parfumeries ont baissé le rideau, les flacons d'eau de toilette restent vendus dans les grandes surfaces. Mais la logique s'inverse concernant les jouets pour enfants. Les magasins spécialisés concernés ont fermé donc on cache les Lego et les peluches dans l'arrière-boutique des supermarchés. Lorsqu'on demande au gérant de nous expliquer cette logique, il botte en touche : "On n'a pas forcément toujours l'explication rationnelle. On ne fait qu'appliquer ce qu'on nous demande."
Si les employés de rayon obéissent à la liste de l'exécutif, d'autres fulminent en observant ces différences de traitement. Planté devant la façade de son salon de beauté, Damien Patureau regarde avec envie les coiffeurs qui, eux, sont restés ouverts. "Ils s'occupent des cheveux, nous, on s'occupe des poils", dit-il en haussant les épaules. Cette exception est le fruit du mécontentement des Français après la fermeture des salons de coiffure lors des deux premiers confinements. Dans ce cas précis, l'opinion publique a pesé dans la balance.
Lorsque Damien Patureau pénètre dans sa boutique aux portes désormais closes située à Levallois-Perret (92), le jeune homme s'arrête : en temps normal, "vous voyez, tous nos clients sont pris en charge dans des cabines individuelles. En plus, c'est sur rendez-vous, donc il y a très peu de contacts". Derrière ce sentiment d'injustice, le responsable paie cher les choix du gouvernement : pour quatre semaines de fermeture, il risque jusqu'à 30.000 euros de pertes.
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