EMPLOI - Le gouvernement espagnol a débloqué mi-octobre un fonds de soutien pour 200 entreprises volontaires, qui expérimentent le passage à la semaine de quatre jours. L'objectif : booster la productivité, améliorer le bien-être au travail et favoriser l'embauche.
Même les plus grandes entreprises tentent l’expérimentation : au siège de la célèbre marque de prêt-à-porter espagnole Desigual à Barcelone, tout le monde part en week-end le jeudi soir. Le passage à la semaine de quatre jours de travail a été approuvée le 7 octobre dernier par 86% des employés du site, une aubaine selon la direction. "Nous sommes convaincus que cela rend la compagnie plus attractive, que cela nous permettra d’attirer de nouveaux talents et que tout le monde sera plus motivé", explique Alberto Ojinaga, directeur général de l’entreprise dans le reportage en tête de cet article.
Le changement d’emploi du temps permet aussi à la société de réaliser des économies. Si cette initiative ne s’applique pas aux vendeurs des boutiques, au contact des clients, les 500 employés de bureau concernés passeront eux de 39,5 heures de travail par semaine à 34,5 heures. Et verront ainsi leur salaire baisser de 6,5%.
"Naturellement, il y a quelques employés qui ne veulent pas s’associer à ce projet, et nous ne pouvons pas les forcer à travailler sous ces nouvelles conditions, explique le directeur général. Ils ont la possibilité de résilier leur contrat de travail." Ils sont donc obligés de perdre leur emploi, et pourront bénéficier d’une assurance chômage.
Travailler moins pour gagner moins
Mais la perspective a convaincu une majorité de salariés, dont Aixa Cama Escrigas, ravie par ce changement et prête à travailler moins pour gagner moins. "C’est vrai que l’on arrive avec plus d’énergie le lundi, on est plus reposés, c’est comme avoir des petites vacances chaque semaine, souligne-t-elle. On se plaint toujours de ne pas avoir assez de temps pour nous, alors je compte profiter de ce nouveau temps libre pour prendre des cours par exemple."
Le gouvernement espagnol socialiste espère toutefois favoriser ce changement d’emploi du temps sans baisser les salaires. Pour ce faire, il a débloqué le 11 octobre dernier 10 millions d’euros pour aider les entreprises qui souhaitent réduire le temps de travail de 40 à 32 heures hebdomadaires. Une initiative lancée par le parti de gauche Más País, qui espérait toutefois obtenir 50 millions d’euros d’investissements.
Dans un pays à fort taux de chômage - 15% environ contre 8% en France - l’idée est de créer de l’emploi en réduisant le temps de travail individuel. L’entreprise de logiciel DelSol, la première entreprise espagnol à tenter la semaine de quatre jours au début de l’année 2020, a embauché 20 nouvelles recrues et a vu son chiffre d’affaires augmenter de 20%, relèvent Le Parisien et franceinfo.
Un dispositif surtout adapté au secteur des nouvelles technologies
Mais pour Rafael Pampillón, professeur d’économie à l’université Ceu San Paulo de Madrid, ce changement s’annonce inapplicable dans certains secteurs. "Dans les entreprises de l’industrie ou de la construction, où les machines doivent tourner et être inspectées sans arrêt, vous ne pouvez pas vous permettre de supprimer des heures de travail", estime-t-il. Certains détracteurs affirment aussi que l’économie espagnole s’appuie beaucoup sur de petites entreprises, qui auraient du mal à mettre le dispositif en place.
Ce n’est donc pas étonnant que ce soit surtout les secteurs des nouvelles technologies, plus flexibles, qui aient sauté le pas. Dans une société de communication madrilène, le passage à la semaine de 32 heures s’est faite sans aucune réduction de salaire. "La pandémie et le télétravail nous ont fait prendre conscience que nous pouvions augmenter notre productivité et que nous étions capables de fournir autant de travail voire plus, en quatre jours seulement, indique Fernando Polo, directeur général de la société Good Rebels. À nous de nous organiser en faisant par exemple des réunions plus efficaces, plus courtes."
Ce nouveau modèle sera testé en Espagne par 200 entreprises volontaires sur les trois prochaines années, avec une compensation de la hausse du coût des salaires. En France, le ministère du Travail indiquait au Parisien en octobre que le passage aux quatre jours de travail est envisageable au cas par cas, par un accord d’entreprise : "Cet accord décide si la réduction du temps de travail donne lieu à des journées de RTT supplémentaires, par exemple, car il y a différents modèles envisageables".
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