Le comité national des pêches a appelé à deux journées mortes dans les ports français jeudi 30 et vendredi 31 mars.Un mouvement qui intervient alors que la colère gronde chez les professionnels du secteur.En cause : une série "d'attaques" fragilisant le secteur, selon les professionnels.
Pour eux, "la coupe est pleine". Le comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) a appelé, jeudi 30 et vendre 31 mars, à deux journées mortes dans les ports français, une première. Cette opération est menée pour exiger du gouvernement des réponses à une série "d'attaques" fragilisant le secteur, dans un climat de tensions jamais vu depuis la crise du Brexit.
Depuis plusieurs jours, la situation est explosive avec des manifestations musclées à Rennes ou Lorient, le blocage du port de Boulogne-sur-Mer, principal port français, et des altercations avec des ONG de défense de l'environnement. En cause : plusieurs réglementations européennes dont l'une prévoyant l'interdiction du chalutage de fonds dans les aires marines protégées et la fermeture de certaines zones de pêche afin de préserver les dauphins. TF1info fait le point sur la crise qui touche le secteur de la pêche en France.
Le débat des aires marines protégées
C'est l'une des raisons de leur colère. Les pêcheurs français dénoncent des "réglementations européennes inadaptées". Ils visent notamment la récente interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées (AMP) d'ici 2030. Une décision qui inquiète particulièrement dans le Pas-de-Calais. Le président du Comité régional des pêches des Hauts-de-France, Olivier Lepêtre, pointe qu'avec une telle mesure, seules 20% des eaux du détroit du département resteraient accessibles à la pêche, dénonçant un plan "contreproductif" qui "risque de détruire la pêche européenne et favoriser les importations depuis des zones où la pêche n'est pas réglementée".
Le comité des pêches estime que la seule interdiction des chaluts de fond reviendrait à "faire disparaître un tiers de la flotte", car les AMP représentent actuellement 12% des eaux européennes, mais jusqu'à "74% des eaux en Bretagne". Le président, Olivier Le Nézet appelle les autorités à "faire au cas par cas" et "examiner les particularités de chaque zone". Des inquiétudes auxquelles a tenté de répondre le secrétaire d'État à la Mer Hervé Berville qui a estimé que la décision européenne sur le chalutage de fonds "a été un véritable coup de massue et doit être retirée".
Pourtant, cette pratique est largement dénoncée par les défenseurs de l'environnement, qualifiée de "pire technique de pêche au monde" dans un rapport publié en 2021 par une quarantaine de scientifiques, ONG, universitaires et consultants pour l'environnement. Le chalutage de fond participe à la destruction des fonds marins, ne pratique aucune sélection dans les poissons pêchés et est une forte consommatrice de carburant et émettrice de CO2. L'UE l'interdit déjà depuis 2016 en-dessous de 800 m, pour aider à restaurer les écosystèmes vulnérables des fonds marins. Mais l'usage d'engins de fond mobiles (chaluts, dragues, senne démersale, casiers...) "reste très répandu", notamment dans 80% à 90% des zones exploitables de l'Atlantique Nord-Est et "de nombreux sites 'Natura2000' et autres zones protégées", déplore Bruxelles.
La préservation des dauphins
Autre annonce qui a mis le feu aux poudres : celle du Conseil d'État qui a ordonné, le 20 mars dernier au gouvernement, de fermer certaines zones de pêche en Atlantique afin de préserver les dauphins. Alors que les pêcheurs assurent déjà participer à des programmes scientifiques et techniques pour déterminer des solutions d'évitement comme les sonars répulsifs ou des filets spéciaux, "le Conseil d'État vient tout remettre en cause", a déploré Olivier Le Nézet estimant que c'est précisément la "bonne gestion" de la ressource halieutique dans le golfe de Gascogne qui attire les cétacés et explique au moins en partie l'augmentation des échouages. Des affirmations pourtant contredites par les observations des scientifiques qui pointent les prises accidentelles dans les filets des pêcheurs comme la principale cause de mortalité des dauphins.
Dans la foulée, Olivier Le Nézet a également dénoncé "des associations de défense de l’environnement radicalisées", des "groupuscules aux pratiques à la limite de la légalité" qui "promeuvent une écologie radicale". "C’est très clair, on veut tout simplement mettre fin à notre métier", a-t-il écrit dans une lettre ouverte au président de la République. Preuve de ces tensions entre pêcheurs et ONG environnementales, une trentaine de pêcheurs bretons ont manifesté le 20 mars devant la maison de la présidente de l'association de défense des océans Sea Sheperd, Lamya Essemlali alors que deux membres de l'ONG de défense des océans ont récemment été agressés.
"Ils pensent qu'on est responsable de tout ce qui leur arrive, qu'on veut la mort des petits pêcheurs", a dénoncé Lamya Essemlali assurant n'avoir jamais "dit qu'on voulait que la pêche s'arrête" mais souhaiter "préserver l'océan et limiter les techniques de pêche désastreuses et qu'il y ait plus de contrôle", plaidant pour "une meilleure valorisation de la pêche" face à un système qui "pousse à pêcher toujours plus".
D'après la LPO, "près de 1000 cadavres de cétacés ont été retrouvés sur la côte Atlantique depuis le mois de décembre" contre 669 sur toute l'année 2022. Mais, sachant que plus de 80% des dauphins morts coulent ou se décomposent en mer plutôt que de s'échouer, la mortalité annuelle sur les côtes atlantiques est estimée entre 8000 et 11.000 individus. Dans un rapport publié début février, l'observatoire Pelagis, qui recense depuis 1970 les échouages de cétacés sur la façade atlantique, souligne d'ailleurs que la population de dauphins de l'Atlantique Nord-Est décroit depuis plusieurs années et "pourrait s'éteindre d'ici 40 à 50 ans" si rien n'est fait.
Gazole, mille-feuille administratif et Brexit
Ces décisions interviennent dans un contexte tendu pour les pêcheurs, touchés de plein fouet par la hausse des prix du carburant et alors qu'ils réclament le paiement des aides gazole, dont "certaines n'ont pas été versées depuis six mois". Au cœur de leurs demandes également : l'harmonisation des règles de contrôles des pêches comme de sécurité des navires en France, où un mille-feuille administratif complexe paralyse les investissements faut de visibilité.
"L’accumulation des normes, des menaces, des contentieux remet en cause le fondement même de notre métier en nous culpabilisant d'exercer nos métiers : le seul objectif est pourtant de nourrir les Français et les Européens", a récemment alerté le comité des pêches alors que la flotte française a déjà diminué de plus d'un quart en 20 ans et que la pêche nationale ne représente que 25% du poisson vendu sur les étals.
Après la crise sanitaire et le Brexit, qui a abouti à l'envoi à la casse de 90 navires, les professionnels jugent l'existence même de la filière "compromise par un harcèlement incessant et des soutiens au coup par coup sans accompagnement vers une vision d’avenir". Ils dénoncent notamment le "désengagement de l'État" pour la filière, touchée de plein fouet par la nécessaire transition écologique que doit opérer la France face au changement climatique dû aux activités humaines et aux impératifs de protection de la biodiversité et qui peine encore à trouver sa voie pour opération sa transformation.
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