Des sénateurs, experts et citoyens accusent les sociétés concessionnaires d'autoroutes de s'enrichir plus que ce qui était prévu.Bruno Lemaire a reconnu que l'avantage financier que pouvaient tirer les sociétés concessionnaires de l'opération a été "sous-évalué".Il demande, comme des sénateurs, un raccourcissement de la durée de certaines concessions.
La polémique enfle depuis 17 ans. Les sociétés privées d'autoroutes, à qui l'État français a concédé la quasi totalité de son réseau pour 14,8 milliards d'euros en 2006, se sont-elles enrichies plus que prévu et ce, aux dépens des Français ? C'est ce qu'affirment certains sénateurs, experts, mais aussi des citoyens. Ils accusent notamment Vinci et Eiffage de faire payer plus que nécessaire les péages aux automobilistes.
De 32 à 39 euros pour aller de Paris à Lyon
Le constat est sans appel : le prix des péages, qui représente 90% des recettes des sociétés d'autoroutes, a augmenté, depuis 2006, de façon plus importante que le niveau de l'inflation. Et plus les années passent, plus l'écart se creuse, selon les données recueillies auprès du ministère des Transports. Le trajet Paris-Lyon par l'autoroute A6 coûtait, par exemple, 32 euros il y a 10 ans. Il faut désormais débourser 39 euros, soit une augmentation de plus de 20%, le double de l'inflation sur la même période.
Dès 2014, l'Autorité de la concurrence alertait déjà sur cette hausse. "La marge nette des sociétés d'autoroutes est importante et injustifiée", écrivait-elle. Selon Frédéric Fortin, expert en finance d'entreprises, la société d'actionnaires "Autoroutes du sud de la France" a ainsi pu se rembourser "environ 40% du prix d'acquisition" de ses kilomètres de route "en quelques mois".
Une erreur dans les calculs
Un remboursement plus rapide que prévu. Bruno Lemaire, désormais ministre de l'Économie, à l'époque directeur du cabinet du Premier ministre, Dominique de Villepin, en charge de la privatisation des autoroutes, a reconnu une erreur dans les calculs effectués en 2006. "Nous nous sommes trompés et nous avons sous-évalué l'avantage financier que pouvait en tirer la société concessionnaire", a-t-il admis le 22 mars dernier devant les commissions des Finances et du Développement durable de l'Assemblée nationale.
Face aux accusations de superprofits, le président de Vinci Autoroute se défend. Selon lui, cet argent est réutilisé pour des rénovations et la création de nouveaux kilomètres d'autoroutes. "J'ai recalculé que depuis 2005, l'ensemble des sociétés concessionnaires ont investi 30 milliards d'euros sur les réseaux avec des extensions, des élargissements ou des ouvrages d'adaptation", a attesté Pierre Coppey devant les sénateurs le 29 mars dernier, estimant que "vu de 2005, l'État a fait une bonne affaire" en concédant le réseau autoroutier.
Vers un raccourcissement des contrats de concession ?
Contactées, les deux principales sociétés d'autoroutes ont refusé les demandes d'interview de TF1. "Trop polémique et irrationnel pour que nous nous exprimions sur ce sujet", se justifie Vinci. "Au vu du contexte médiatique sur les concessions autoroutières, Eiffage décline votre proposition", se défend la deuxième.
Elles préfèrent toutes deux attendre la fin des contrats de concessions, en 2036, pour déterminer si les autoroutes ont été trop rentables. Mais pour Vincent Delahaye, vice-président du Sénat à l'origine d'un rapport sur le sujet, il est inutile de patienter. "Les autoroutes ont un trafic relativement stable donc on peut calculer une rentabilité actionnaire jusqu'à la fin des contrats", explique-t-il à TF1. "Si on ne touche à rien aujourd'hui, on va être à 12% pour Vinci, au lieu des 8% attendus au départ", abonde-t-il.
Selon le rapport du Sénat, ces sociétés seront remboursées intégralement de leur investissement d'ici quelques mois, soit plusieurs années avant la fin des contrats. Les parlementaires réclament un raccourcissement des concessions ou que les prix des péages soient divisés par deux. Le ministre de l'Économie Bruno Lemaire a lui-même saisi le Conseil d'État pour qu'il évalue la possibilité de raccourcir "de quelques années" la durée de certaines concessions.
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