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VIDÉO - Carburants : les prix restent-ils élevés à cause des marges des distributeurs ?

par M.L | Reportage TF1 Ludovic Romanens et Simon Humblot
Publié le 10 mai 2023 à 19h49, mis à jour le 10 mai 2023 à 23h33
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Source : JT 13h Semaine

Alors que le prix du pétrole brut chute, les tarifs à la pompe restent élevés en France.
L'association de consommateurs CLCV accuse les distributeurs de gonfler leurs marges : elles atteignent 25 centimes par litre depuis janvier, soit dix centimes de plus qu'entre 2018 et 2021.
Les industries pétrolières, elles, avancent d'autres facteurs pour expliquer les prix à la pompe.

Au moment de décrocher le pistolet, une question revient inévitablement : pourquoi l'essence est-elle toujours aussi chère ? Dans une station où s'est rendue l'équipe du 13H de TF1, le sans-plomb est affiché à 1,87 euro, et le gazole à 1,72 euro, des tarifs quasi similaires à la moyenne nationale. Du côté des automobilistes, certains aimeraient comprendre pourquoi les prix restent si élevés. "Que ce soit plus clair, plus transparent", demande une conductrice dans le reportage en tête d'article. Une association de défense des consommateurs pense avoir trouvé la réponse : selon elle, les coûts de distribution expliquent en partie les tarifs actuels. 

Le prix du pétrole brut a tendance à fléchir de semaine en semaine : depuis le début du mois, les cours oscillent autour de 70 à 75 dollars le baril, du jamais-vu depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022. Mais cette baisse ne semble pas se répercuter à la pompe, la faute aux distributeurs, selon l'association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV).

"Aucune promotion sur le carburant"

Selon elle, la "marge brute" que se dégagent la grande distribution et les groupes pétroliers, c'est-à-dire la différence entre le prix hors taxes du carburant et celui à la sortie de la raffinerie, grimpait aux alentours de 15 centimes le litre entre 2018 et 2021. En 2022, cette marge a chuté jusqu'à être parfois "négative sur certains mois", parce que "les distributeurs ont choisi de ne pas répercuter l’intégralité de la très forte hausse des cours du brut suite à la crise ukrainienne", note l'association dans un communiqué. Mais depuis le début de l'année, elle a décroché "un record historique" : plus de "25 centimes au litre".

"Aujourd'hui, on n'entend absolument aucune grande surface évoquer une promotion sur le carburant. C'est significatif du fait qu'eux aussi sont en train de reconstituer leurs marges, y compris sur le carburant", fustige François Carlier, délégué général de la CLCV, dans le reportage. L'association va même jusqu'à accuser les distributeurs d'avoir engrangé des "marges brutes explosives" au cours des quatre derniers mois, pour rattraper leurs pertes de l'an passé. 

Elle estime que les tarifs devraient désormais "diminuer de 10 centimes" par litre. "Au niveau européen, les prix hors taxe des carburants sont en baisse sauf en France", s'inquiète la CLCV, qui affirme qu'elle "n’hésitera pas à saisir les autorités compétentes si les marges brutes ne reviennent pas à la normale d’ici le début de l’été".

"Un à deux centimes par litre" de marge nette

Mais les grands distributeurs se défendaient déjà cette semaine, auprès de TF1, de vouloir gonfler leurs marges. Celles-ci "sont globalement tout le temps d'un centime par litre", expliquait notamment TotalEnergies, quand Dominique Schelcher, président de Système U, assurait qu'elles étaient "faibles"

Olivier Gantois, président du syndicat des entreprises pétrolières (Ufip), affirme aussi que le rattrapage pointé par la CLCV n'a aucun lien avec le bénéfice des distributeurs. Pour lui, les raisons sont davantage conjoncturelles : des biocarburants sont inclus dans l'essence et le gazole, or les prix de matières premières comme la betterave ou le maïs a augmenté. Il renvoie aussi à la taxe écologique qui pèse sur le tarif à la pompe. Enfin, les grèves d'octobre dernier et de mars ont désorganisé, selon lui, toute la filière. 

Conséquence : les coûts de distribution ont bondi à 28 centimes ce mois-ci pour le sans-plomb et le gazole, soit une hausse respective de sept et dix centimes par rapport au mois de mars. "On estime que la marge nette, autrement dit le bénéfice des distributeurs, est de l'ordre de un à deux centimes par litre, encore maintenant", appuie Olivier Gantois. "Dès qu'un poste de coût augmente, nous répercutons cette augmentation sur les prix à la pompe." Mais pour la CLCV, la marge nette "ne se calcule pas objectivement, puisqu'elle prend en compte d'autres facteurs, comme les salaires", contrairement à la marge brute.

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De son côté, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, veut continuer à maintenir la pression sur les distributeurs : elle a réitéré mardi ses appels à ce que les prix du carburant "baissent plus vite" pour qu'ils puissent refléter "au plus proche" le recul des cours internationaux du pétrole. "Il serait inacceptable que les entreprises augmentent leurs marges sur le dos des Français", avait-elle déjà mis en garde la semaine passée sur Twitter.

Carburants : 10 centimes de trop ?Source : JT 20h Semaine

Depuis le communiqué de la CLCV, grande distribution et pétroliers se renvoient la responsabilité des prix. Sur BFMTV et RMC, le président du comité stratégique des centres E.Leclerc Michel-Edouard Leclerc a assuré que la marge d'une station service de ses enseignes grimpait "au plus haut (...) à 8 centimes et en moyenne à 2,5 à 3 centimes". A contrario, "les marges sécrétées par Total l'année dernière sont au moins aussi élevées que l'année d'avant", a-t-il affirmé. "TotalEnergies est l'un des acteurs qui a répercuté la baisse du prix du baril le plus vite ces dernières semaines", se défend le groupe pétrolier auprès de TF1, dans le reportage du 20H ci-dessus. 

Pour Myriam Maestroni, experte en énergies, "la responsabilité est partagée sur le niveau de prix final pour le consommateur". Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait déjà annoncé qu'il saisirait la répression des fraudes pour contrôler les marges des pétroliers.


M.L | Reportage TF1 Ludovic Romanens et Simon Humblot

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