INTERVIEW - Alors qu'il poursuit ses consultations pour penser "les 1000 premiers jours" des enfants, un dispositif d'accompagnement des parents qui devrait être lancé d'ici la fin de l'année, le secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, livre à LCI ses premières pistes de réflexion.
1000 jours... C'est le temps qui s'écoule entre la grossesse et les 2 ans d'un enfant. Une période cruciale pour son développement, tant physique que psychique, s'accordent à dire les spécialistes de la petite enfance. Mais les parents ne sont pas en reste : ils doivent faire face à de nombreux doutes, et parfois à des inquiétudes. Pour les accompagner, le gouvernement a lancé en septembre dernier "le parcours des 1000 jours", une initiative qui s'inspire fortement du modèle finlandais, et s'appuie notamment sur les conclusions d'une commission de 18 experts présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
Parallèlement, le Secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance a lancé l'opération "1000 parents pour penser les 1000 jours", une grande consultation nationale en ligne. Adrien Taquet a aussi pris son bâton de pèlerin pour aller à leur rencontre,
et écouter leurs besoins et leurs difficultés. Il participait justement ce jeudi à l'Assemblée à une journée de réflexion citoyenne sur le sujet. L'occasion de faire le point avec lui, alors que des propositions doivent être remises au chef de l'Etat au printemps prochain.
Améliorer le suivi et l’accompagnement des parents
LCI - En quoi consiste ce "parcours des 1000 jours" qui doit être lancé d'ici la fin de l'année ?
Adrien Taquet - Il s’articule autour de quatre priorités. La première est d’apporter des réponses claires et des informations fiables à toutes les questions que se posent les parents pendant la grossesse et les premiers mois de l’enfant. Nous voulons également améliorer le suivi et leur accompagnement durant cette période décisive. Enfin, nous souhaitons ouvrir deux chantiers majeurs à moyen terme pour repenser à la fois le système des congés parentaux et celui des modes de garde. Le parcours des 1000 premiers jours regroupera l’ensemble de ces services et repères, qui permettront de soutenir les parents sur cette période et de répondre aux besoins des enfants dès le plus jeune âge.
Pour rendre vos conclusions, vous vous appuyez notamment sur une commission de 18 experts spécialistes de la petite enfance...
Ils ont été choisis pour leur expertise scientifique sur cette période de la vie de l’enfant, décisive pour sa santé immédiate et future, pour son développement cognitif et affectif, pour la vie d’adulte qu’il mènera plus tard. Tous viennent de disciplines différentes mais partagent la conviction qu’intervenir sur ces 1000 premiers jours est indispensable pour s’attaquer aux racines des problèmes et réduire les inégalités sociales.
La priorité la plus plébiscitée à ce stade est celle de l’amélioration des congés parentaux.
Adrien Taquet
Vous avez par ailleurs lancé en novembre une grande consultation en ligne pour recueillir l’avis des parents. Quelles sont leurs attentes ?
Nous allons franchir très prochainement la barre des 10.000 contributions en ligne. Les témoignages sont très variés et les propositions nombreuses. Nous avons demandé aux répondants de choisir par ordre de préférence entre les quatre priorités du projet des 1000 premiers jours, avec un système de points. La priorité la plus plébiscitée à ce stade est celle de l’amélioration des congés parentaux, notamment en allongeant le congé permettant au conjoint de rester auprès de la mère et de l’enfant pendant les premières semaines après l’accouchement, voire avant. C’est également ce que me disent beaucoup de parents que je rencontre partout en France depuis plusieurs mois.
La problématique de l’exposition des jeunes enfants aux écrans est également au centre de ce dispositif. Que comptez-vous faire pour y remédier ?
C’est un enjeu majeur, sur lequel nous devons être au rendez-vous pour soutenir un très grand nombre de parents qui se trouvent aujourd’hui dans une situation impossible : eux-mêmes dépendants à leur smartphone, ils ressentent une forme de culpabilité à exposer leurs enfants aux écrans tout en constatant que la tolérance vis-à-vis d’un enfant qui pleure ou joue dans un lieu public s’est considérablement réduite. Nous devons leur donner des conseils scientifiquement appuyés, comme le fait d’éviter les écrans avant trois ans, et mieux les accompagner, sans les culpabiliser, pour que l’utilisation des écrans reste, à une fréquence raisonnable, un moment ludique et convivial. La commission des 1000 premiers jours va nous aider à avancer sur ce sujet.
Faciliter l'identification des professionnels de la petite enfance
Vous avez d’ores et déjà fixé deux objectifs : que toutes les futures mamans passent la visite médicale du quatrième mois et que toutes reçoivent une visite à domicile après l'accouchement. Pourquoi est-ce essentiel selon vous ?
L’entretien prénatal précoce du quatrième mois permet à la future maman de faire le point sur sa santé, y compris psychique, et pour le médecin de lui proposer l’accompagnement adapté pour la rassurer. A ce stade de la grossesse, le lien d’attachement entre la mère et l’enfant commence déjà à se nouer. L’enfant ressent également les effets du stress chez la mère, qu’il faut donc éviter. La visite à domicile après l’accouchement permet quant à elle de connaître et potentiellement adapter l’environnement de vie de l’enfant, dont on sait qu’il est très important pour son développement lors des 1000 premiers jours.
Quels autres services préconisez-vous pour les jeunes parents ? Allez-vous par exemple vous inspirer des "baby boxes" de la Finlande (à la naissance d'un bébé, les parents y reçoivent gratuitement une boîte en carton contenant des jouets, des vêtements, des couches ainsi qu'un matelas, ndlr) ?
Nous voulons tout d'abord faciliter pour les parents l’identification des lieux et des professionnels qui peuvent les accompagner pendant ces 1000 premiers jours. Cela pourrait passer par une labellisation dans chaque territoire, de la sage-femme à l’assistante maternelle, en passant par la maternité, la PMI et les lieux d’accueil collectifs (halte-garderie, crèche, etc.). Pour matérialiser cette période, je crois qu’une offre similaire à la "baby box" finlandaise, qui contiendrait à la fois des vêtements pour bébé, des produits de soins, et des fascicules d’information sur cette période, est un outil intéressant. Nous travaillons également sur la digitalisation des services d’accompagnement proposés aux parents afin de s’adapter aux usages d’aujourd’hui.
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