"Toujours pas de contact avec un tiers de mes élèves" : le chemin de croix de l'école à la maison

Publié le 7 avril 2021 à 16h34

Source : JT 20h Semaine

ENSEIGNEMENT - Au lendemain de bugs liés à des serveurs défaillants et des attaques informatiques, l'enseignement à distance rencontrait encore mercredi des couacs. Une situation exaspérante pour les enseignants et leurs élèves.

Bis repetita. Pour la seconde journée consécutive, l'école en ligne se prend les pieds dans le tapis. Le Cned (Centre national d'enseignement à distance) ne parvenait pas ce mercredi matin à accueillir les dizaines de milliers d'enseignants et d'élèves qui tentent de se connecter. En cause ? Des attaques des serveurs venues de l'étranger, a assuré mardi Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale. Le parquet de Paris a ouvert une enquête, et le Cned envisage de porter plainte. Entre temps, la continuité pédagogique, elle, avance au ralenti aux quatre coins de la France. 

"C'est bien simple : j'ai mis mon réveil pour un cours de français prévu ce matin. Il n'a duré que 20 minutes, tout le reste de l'heure le Cned a bugué", raconte à LCI Julien, lycéen à Évreux. Pour certains, le cours n'a même pas débuté : "Mon fils est resté une demi-heure dans la salle d'attente virtuelle de sa classe. Sauf que le professeur ne l'a pas vu, il a attendu pour rien avec la majorité de ses camarades. Seuls quelques-uns ont pu assister au cours", nous explique Sophie, dont le fils est en seconde dans un lycée de Normandie. 

Des cas isolés ? Pas vraiment. Sur Twitter, ils sont des dizaines ce mercredi à publier des images de leurs écrans où les serveurs du site sont en rade. La goutte d'eau qui fait déborder un vase déjà plein.

"Le lien avec mes élèves est coupé"

Depuis plusieurs jours, la plupart des enseignants avaient pris leur disposition pour affronter cette semaine de cours à distance. "En fin de semaine dernière, après avoir appris que les classes allaient fermer, je suis resté à l'école pour préparer cette semaine à distance. J'ai continué ce week-end pour préparer des ateliers adaptés. Résultat, depuis mardi, impossible de les mettre en œuvre. Le lien avec mes élèves est coupé", se désole Patrick. Depuis mardi matin, cet enseignant dans le primaire à Paris ne parvient pas à rejoindre le dispositif du Cned baptisé Ma Classe à la Maison. 

"Tous les comptes ont été réinitialisés, il fallait se recréer un compte, enseignants comme élèves", nous détaille Alice, professeure de philosophie dans un lycée de la banlieue lyonnaise. "Certains n'ont pas reçu de mails, ceux qui l'ont eu devaient cliquer sur un lien, mais il ne marchait pas… Je n'ai toujours pas établi le contact avec un tiers de mes élèves." Un souci, surtout quand ces derniers doivent passer des examens en fin d'année. 

"Leur bac de philosophie n'a pas été annulé, je dois les préparer", reprend l'enseignante. "Or c'est une année compliquée. Il y a des inégalités, certains sont aidés à la maison, d'autres ont une famille avec seulement un ordinateur pour cinq. Ils sont tressés pour leur avenir. Cette semaine, ils doivent envoyer leur lettre de motivation pour ParcoursSup. J'aurais aimé les avoir en visio pour en parler avec eux…"

"Tout le monde le voyait venir, sauf le ministère"

Au-delà de ces couacs, c'est un sentiment d'exaspération plus général qui domine ces jours-ci chez de nombreux enseignants et leurs élèves. "Il y a une semaine jour pour jour, on apprend que les classes ferment. Cet afflux sur les plateformes en ligne, tout le monde le voyait venir, sauf le ministère ? Comment on peut demander à des millions d'enfants et d'enseignants de travailler depuis chez eux sans renforcer les serveurs ?", s'agace Patrick. 

Les chiffres vont dans son sens : mardi matin, le ministère de l’Éducation a comptabilisé environ 500.000 élèves - sur un total de 12,4 millions - accédant aux plates-formes en ligne, ainsi que 150.000 classes virtuelles actives. Concernant Ma Classe à la Maison, "1.202.000 élèves et enseignants ont pu suivre des classes virtuelles ce jour", a précisé le Cned sur Twitter. 

Chez ceux qui sont restés sur le carreau, la lassitude gagne du terrain. "On a l'impression d'être tout le temps tout seul", regrette Alice. "La fermeture des classes, on ne s'y attendait pas : le ministre a répété depuis des semaines que ce ne serait pas le cas. Par conséquent, on a travaillé tout le lundi de Pâques. On fait tout à la dernière minute…"


Thomas GUIEN

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