COLLE-SERRE - Qu’on l'ait passé en couple ou en famille, le confinement a été pour beaucoup une épreuve difficile. Alors que la Chine, la Russie ou encore l'Espagne connaissent un boom des divorces, peut-on craindre le même phénomène en France ? Nous avons interrogé des conseillers conjugaux, et une avocate, sur le sujet.
Cloîtré à la maison, sans échappatoire possible, le confinement a mis à rude épreuve les familles. Et le challenge était le même, que l'on soit en vase clos, à deux, ou avec des enfants : il a fallu (ré)apprendre à vivre ensemble à temps plein. Sauf que cela n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Dès la mi-mars, la Chine, qui avait essuyé les plâtres, faisait part d'une hausse des divorces dans le pays. Ainsi, selon le quotidien de Pékin, Global Times, dans certaines villes, les bureaux d'état civil ont été pris d'assaut dès la fin de ce huis-clos imposé. Même chose en Russie.
Plus près de nous, l'Espagne semble également en faire les frais, comme le souligne Courrier International, qui parle même d'un "effet été" après le confinement - faisant allusion au rebond des séparations après les vacances d’été -, constaté ces derniers jours par les avocats spécialisés en droit du divorce. En France, il se pourrait bien que la tendance soit identique, même s'il est encore prématuré pour donner des chiffres. D'après un sondage, réalisé début mai par l'Ifop pour Charles.co, un site de consultations en ligne de sexologues, un couple sur dix souhaite prendre ses distances après cette épreuve, et 4% envisagent même la rupture.
"Cela concerne plutôt les jeunes couples, sans doute les plus fragiles. Pour eux, le confinement a été un poison et non un ciment", analyse François Kraus, le directeur du pôle Actualité à l'Ifop. Qu'en est-il vraiment ? Pour le savoir, on a interrogé les premiers concernés, à savoir les conseillers conjugaux, nettement plus sollicités depuis une semaine.
Des difficultés exacerbées
Pour Caroline Kruse, conseillère conjugale et familiale à Paris, et auteure du livre "Faut qu'on parle" (Editions du Rocher), il est clair que depuis le déconfinement, les contacts avec ses clients ont repris de plus belle. D'autant qu'ils avaient dû, eux-aussi, être mis sous cloche "car trop compliqués à faire en visioconférence, avec les enfants qui jouent dans la pièce d'à côté", reconnaît-elle. Pour elle, ce huis-clos imposé a exacerbé un certain nombre de difficultés, mais en a aussi colmaté d'autres.
"Ceux qui ont eu des conflits aigus pendant le confinement sont des couples dont le malaise était vraisemblablement profond et la proximité forcée n’a fait que l’exagérer. Dans ce cas, ces deux mois auront servi de révélateur et on peut imaginer qu’ils s’orienteront vers une séparation, souligne-t-elle. Il y a aussi ceux qui se 'maintenaient' parce que l’extérieur (les activités professionnelles, culturelles, sportives...) réduisaient au maximum le temps passé ensemble, là le confinement a pu faire exploser cette fiction en apparaissant comme un miroir grossissant de leur vide relationnel ; et ils risquent de ne pas 'survivre' au déconfinement."
Mais la thérapeute reste positive et constate aussi des effets positifs : "je pense notamment à ceux qui, avant le confinement étaient en conflit, mais qui ont réussi à trouver en eux suffisamment de ressources pour ne pas ajouter du stress au stress, pour ne pas importer les tension en cours. Ce sont des leçons qu’ils pourront exploiter par la suite, et c'est un signe plutôt favorable que d’avoir pu tenir bon ensemble dans une période potentiellement anxiogène", assure-t-elle.
Est-ce le confinement qui est responsable de cet afflux ? Pour le moment c'est difficile de tirer un bilan.
Maïder Ferras, thérapeute conjugale
Même impatience dans le cabinet de Maïder Ferras, thérapeute conjugale à Paris. Cette dernière a rouvert ce lundi (18 mai) et son carnet de rendez-vous croule déjà sous les demandes avec beaucoup de couples qui ne l'avaient jamais sollicitée auparavant, "en moyenne un à deux par jour pour cette semaine, en plus des couples que je suis habituellement", dit-elle. Toutefois, elle préfère relativiser : "est-ce que ce sont des rendez-vous qui se seraient étalés pendant deux mois si mon cabinet était resté ouvert ? Ou est-ce le confinement qui est responsable de cet afflux ?", s'interroge-t-elle.
Par contre, elle en est sûr : le confinement a été une épreuve pour le couple. "C'est un peu : ça passe ou ça casse. Par rapport aux couples que j'ai suivi pendant le confinement, il y a ceux qui malgré leurs problèmes (conjugaux, sexuels...) ont finalement partagé un quotidien qui s'est plutôt bien passé, et ils sont prêts désormais à sauver leur histoire, raconte-t-elle. Et d'autres, certainement plus fragiles, dont le confinement a cristallisé leurs difficultés, et qui ont explosé en vol. En font partie, ceux par exemple qui avaient besoin d'un sas de décompression sans famille et qui n'ont pas pu l'avoir pendant cette période, cela a contribué à réactiver toutes leurs tensions", poursuit-elle.
Une hausse des divorces cet été ?
Pour certains couples, il n'est plus temps d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être, ils sont d'ores et déjà passé à la case "avocat". Ainsi, Me Sylvie Diefenthal, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille, constate un peu plus de demandes depuis quelques jours : "au moins quatre couples m'ont déjà contactée depuis une semaine pour enclencher une procédure de divorce. Et j'ai aussi eu deux couples qui l'ont fait pendant le confinement", admet-elle, reconnaissant que "cette longue parenthèse a été vécue comme un révélateur de situations déjà bancales, pour laquelle il était difficile de prendre une décision avant".
Il faut dire que dans les grandes villes, notamment à Paris, il y a souvent la question financière et celle du logement qui fait hésiter. Mais ce huis-clos a clairement servi de déclencheur : "J'ai eu par exemple un couple qui avait déjà envisagé de se séparer il y a un an, et dès le déconfinement l'un des conjoints m'a appelée en me disant : 'ça y est, j'ai pris ma décision, je divorce !'", témoigne-t-elle.
Dans un autre genre, cette avocate a également reçu une demande provenant d'un couple de restaurateurs, qui se sont retrouvés au chômage forcé tous les deux en même temps, "cela leur a été fatal", dit-elle, enchaînant avec cet autre couple où la femme avait décidé de se confiner avec les enfants dans un autre lieu. "Une décision pas forcément bien vécue par le mari. Résultat, cette distance imposée s'est transformée en véritable séparation pour les deux conjoints, puisque malgré le déconfinement ils ne souhaitent plus vivre ensemble, poursuit-elle. Ils ont en quelque sorte goûté à une certaine liberté pendant ces deux mois, ce qui a provoqué le passage à l'acte".
Pour la spécialiste, ces premiers cas risquent de dessiner les prémices d'une longue liste de demandes de divorces. "On en parle entre confrères, mais il risque d'y avoir un afflux pendant cet été, voire à la rentrée. D'autant que les vacances estivales sont souvent une période fatidique pour les couples. En tout cas, il est sûr que les décisions latentes vont se transformer en séparation effective, parce que beaucoup de couples vont se rendre compte, après cette période singulière, qu'ils ne sont plus en phase", conclut-elle.
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