Pourquoi, dès la naissance, il est essentiel de parler et de ne rien cacher à son bébé

Publié le 4 décembre 2018 à 15h53, mis à jour le 4 décembre 2018 à 16h48
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

PARLER - Dans le film "Pupille", en salles ce mercredi, la réalisatrice Jeanne Herry suit au plus près le parcours d'un bébé, de sa naissance sous X à son arrivée chez sa mère adoptante. Une fiction documentée qui montre combien il est important de communiquer avec les nouveau-nés.

Dans l’émouvant Pupille, en salles ce mercredi, la réalisatrice Jeanne Herry raconte l'histoire de Théo, abandonné à la naissance par sa mère biologique, et la manière dont les services sociaux se mettent en mouvement pour lui trouver une mère adoptante.  A travers ce bébé, le film met dans la lumière les différents intervenants de la chaîne sociale, de la "recueillante" qui vient voir la mère à l'hôpital à l'assistant familial (Gilles Lellouche) qui s'occupera de lui durant cette période de transition. Très vite, le nouveau-né abandonné ne réagit plus parce que sa mère biologique est partie sans rien lui expliquer, sans rien verbaliser. Preuve que, dès sa naissance, un bébé "ressent" et qu’il faut lui parler, lui dire avec des mots simples ce qui se passe.

"Je pense qu’il y a une conscience très forte et très aiguë de cette nécessité de parler au nouveau-né chez les travailleurs sociaux de la petite enfance, assure à LCI Jeanne Herry, la réalisatrice de Pupille. Les nourrissons ont besoin de ce dialogue. Ils épongent tout, sont sensibles aux voix mais aussi à la formulation des choses et à la charge émotionnelle que l’on met dans chacun de nos mots. Quand les bébés ressentent un trouble ou du stress, cette parole de parent ou d'adulte vient combler quelque chose chez eux." 

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La question qui vient après la séparation, c’est comment construire un lien avec un nouveau-né quand une mère ne souhaite pas le construire.

Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes

Une communication qu’elle-même a pratiquée en tant que mère : "Ma mère (l'actrice Miou-Miou, ndlr) me parlait beaucoup ; avec elle, il fallait tout expliquer, tout exprimer, tout dénouer par la parole. Et en tant que mère, je me suis toujours adressée à mes deux bébés même lorsque je n’allais pas très bien : je leur expliquais qu’ils n’étaient pas responsables de ma tristesse et que ce blues allait passer." Elodie Bouchez, qui incarne dans Pupille cette femme qui se bat depuis dix ans pour avoir un enfant, approuve : "Je fonctionne moi aussi dans la parole, dans le dialogue. On a le droit de ne pas être bien et de le dire. Parler avec son enfant se révèle très libérateur."

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Une communication vitale

"600 nouveaux-nés sont abandonnés chaque année", nous rappelle Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes, qui a souvent expérimenté combien la communication avec eux s’avère on ne peut plus vitale. Le psychanalyste américain René Spitz a été le premier à décrire cette nécessité, détaillant dans son livre De la naissance à la parole les différentes étapes du développement affectif de l’enfant, et particulièrement l’hospitalisme, cet état dépressif qui se manifeste chez certains enfants séparés précocement de leur mère. 

Pour l'éviter, souligne Isabelle Derrendinger, il faut d'abord que la mère biologique dise à son enfant qu'elle le laisse à l'adoption  : "Sans juger, on propose tout d’abord à la mère de passer un moment avec son enfant, de lui parler, de laisser une trace au nourrisson au-delà de l’acte de naissance, comme par exemple une mèche de cheveux. La question qui vient après, c’est comment construire un lien avec un nouveau-né quand une mère ne souhaite pas le construire. L’enfant aura alors une puéricultrice référente pour qu’il n’y ait pas de rupture : elle va s’adresser à lui, peut lui donner un prénom (si elle n’en donne pas, c’est la sage-femme qui donne le premier prénom et la puéricultrice le deuxième, afin que la charge affective ne soit pas portée par une personne), mais aussi prendre des photos pour composer un album de naissance, et donc un carnet de vie qui va l’accompagner."

Il n’existe pas un bouton on où l’on passe simplement du statut de femme enceinte à celui de mère.

Isabelle Derrendinger, secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes

Cette prise de conscience de la nécessité impérieuse d'interagir avec les nouveaux-nés est aux antipodes des considérations des années 70 où, note la secrétaire générale de l'Ordre des sages-femmes, "on négligeait les émotions du nouveau-né. Mais aujourd’hui, on est dans la compréhension du bébé. On le sait sensible aux niveaux sonore, visuel, olfactif". Pendant l'accouchement, poursuit-elle, "des mécanismes chimiques se mettent en place comme la production d’ocytocines, soit l’hormone de l’attachement. Mais il n’existe pas un bouton on où l’on passe simplement du statut de 'femme enceinte' à celui de 'mère'. C’est exactement le même mécanisme émotionnel pour le père". D'où l'importance du rôle des sages-femmes et des puéricultrices qui, durant le séjour à la maternité en particulier, rassurent les parents sur leurs compétences, les accompagnent dans l’élaboration de cette relation. Et ainsi leur "montrent les compétences de l’enfant, comment il écoute, comment il se repère, comment il reconnaît la voix d'une mère qu’il connaît après avoir évolué pendant neuf mois dans un univers neutralisé en termes de bruits, de température, de stimulation lumineuse. Lui parler dès la naissance contribue à rendre son environnement meilleur."

Pour revenir au sujet de Pupille, Isabelle Derrendinger, elle-même fille d’une maman ayant été pupille, tient à préciser : "L’abandon, s’il est vécu comme quelque chose de douloureux, voire de traumatique du côté de la mère, peut aussi se révéler une très belle aventure pour l’enfant qui va être adopté et ainsi recevoir une infinie preuve d'amour". 


Romain LE VERN

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