ESPACE SENSIBLE - C'est un sujet de plaintes vieux comme l'école : les élèves rechignent à aller aux toilettes. En cause, des problèmes d'hygiène, de vétusté ou encore d'insécurité. La région Ile-de-France a décidé de s'emparer du problème, car sauter la case toilette n'est pas sans conséquences sur la santé, comme le souligne Jean-François Pujol, pédiatre à Libourne, interrogé par LCI.
Qui n'a pas connu les toilettes de l'école au verrou cassé, sans papier pour s'essuyer, ni savon pour se laver les mains ? De quoi vous dégoûter à tout jamais. Et c'est ce qui se joue dans la plupart des établissements scolaires, chiffres à l'appui. Selon une enquête réalisée en 2018 par l'Ifop pour Essity, une entreprise spécialisée dans les produits d'hygiène, un enfant sur deux se retient ainsi volontairement d'aller aux toilettes à l'école et 58 % y ont "remarqué des problèmes".
C'est notamment le manque d'hygiène qui est pointé du doigt. Un rapport sur la qualité de vie à l'école, publié en octobre 2017 par le conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), rappelait d'ailleurs que, dans le secondaire, une insatisfaction quant à la propreté des toilettes est rapportée au chef d'établissement dans près d'un établissement sur deux. Mais les élèves soulignaient également des sanitaires vétustes.
55 millions d'euros
Face à cet état de fait, récurrent depuis des décennies, la région Ile-de-France a décidé de mettre la main au porte-monnaie. Elle vient de voter un plan d’urgence afin de rénover les sanitaires des 465 lycées publics dont elle a la charge en débloquant "55 millions d'euros", sur un budget global dédié aux lycées de 1,27 milliard d'euros.
D’ici 2022, 120 lycées devraient donc bénéficier de toilettes remises aux normes. "On était régulièrement interpellés par les chefs d’établissements compte tenu de la détérioration, dans 200 établissements, des blocs sanitaires, des vestiaires et des douches", précise dans Le Parisien Marie Carole Ciuntu, vice-présidente déléguée aux lycées. Résultat, dès cette année, "80 chantiers devraient être lancés".
"Se retenir peut entraîner de graves infections"
Il faut dire que l'état déplorable des sanitaires dans les écoles n'est pas sans conséquences sur la santé de nos chères têtes blondes. "Se retenir d’uriner peut ainsi entraîner des infections urinaires récidivantes, plus particulièrement chez les filles, provoquées par les germes d’une urine trop longtemps présente dans la vessie", explique à LCI le docteur Jean-François Pujol, pédiatre à l'hôpital de Libourne (Sud-Ouest). Non traitées, il précise que ces infections peuvent dans certains cas donner lieu à une pyélonéphrite, une inflammation du rein et du bassinet.
Et que dire quand les enfants se mettent à moins boire pour moins uriner ? "A ce moment là, il faut à tout prix leur rappeler la nécessité de boire en quantité suffisante en leur expliquant que leurs urines doivent être le plus claires possibles. Si elles sont trop foncées, attention danger", souligne le spécialiste.
Se retenir d’aller à la selle peut aussi s’avérer être une très mauvaise idée, "même si la capacité à retenir ses selles est plus grande". "Dans ce cas-là, on se retrouve avec des adolescents constipés chroniques qui finissent par vivre avec ce problème à l'âge adulte, avance le docteur Pujol. Car plus on se retient, plus les selles sont dures, ce qui fait mal. Donc on se retient, et on rentre dans un cercle vicieux infernal avec des enfants qui vont aux toilettes dans la douleur, tous les trois ou quatre jours, voire une seule fois par semaine !"
Et le pédiatre enfonce le clou, en indiquant que ces états sont longs à soigner et entraînent des douleurs abdominales récidivantes, qui peuvent retentir sur l'humeur et l'attention. "Aux Urgences pédiatriques de Libourne, ce syndrome douloureux, lié à une constipation, concerne 1 à 2 enfants par jour en moyenne, ce qui n'est pas rien, dit-il. Dans ces cas-là, il n'y a pas d'autres solutions que de faire un lavement pour que l'enfant se sente mieux. Une seule règle donc, insiste le pédiatre, il faut à tout prix aller aux toilettes quand le besoin se fait sentir".