LE NIVEAU BAISSE ? - Les élèves français seraient les moins bons au monde en mathématiques, regrette François Bayrou. Un constat que les études internationales permettent de nuancer, même si les résultats demeurent médiocres.
Ancien ministre de l'Éducation, le Haut-commissaire au plan François Bayrou intervenait dimanche sur LCI dans le Grand Jury. Au cours de l'émission, il a pointé certaines failles françaises et des domaines dans lesquels il appelle à agir dans le futur. Sensible à la transmission des savoirs et à la formation de la jeunesse, il a notamment regretté "que la France grand pays scientifique [...], soit aujourd'hui le dernier pays au monde en matière de compétence mathématique à l'école". Un tel constat, lance-t-il, "n'est pas possible". Un constat quelque peu exagéré au regard des chiffres, même si le niveau des élèves en maths inquiète depuis de nombreuses années.
Des classements peu flatteurs
Le dernier pays au monde ? Dans son intervention, François Bayrou tend à dresser un tableau plus noir qu'il ne l'est en réalité. Parmi les indicateurs internationaux qui sont généralement cités pour évaluer les élèves des différents pays, c'est à l'étude TIMSS qu'il est le plus souvent fait référence. Diligentée par l'Association internationale pour l'évaluation du rendement scolaire (IEA), elle place la France très loin des leaders mondiaux que sont Singapour, Hong-Kong, ou bien encore la Corée du Sud.
Les élèves Français de CM1 et de 4e sont évalués, mais n'arrivent toutefois pas bons derniers. D'emblée, précisons que seuls 64 pays participent, dont certains ne fournissent que des données trop parcellaires pour être pleinement exploitables. Nous ne disposons donc pas du tout d'une visions exhaustive à l'échelle mondiale puisque l'ONU recense pas moins de 195 pays à travers le globe.
Passé ce préambule, il faut toutefois préciser que les élèves Français affichent un niveau peu reluisant. Avant-dernier des pays de l'OCDE, dernier de ceux de l'UE qui prennent part à l'étude... Avec, qui plus est un score global en recul par rapport aux dernières données, datant de 2015. En France, "on constate une surreprésentation des élèves les plus faibles", glissait l'an passé Fabienne Rosenwald, directrice de la Depp, l'agence des statistiques du ministère. "En mathématiques, 15% des élèves français n'atteignent pas le 'niveau bas', contre 6% des élèves au niveau européen. Cela signifie que ces 15% n'ont pas les connaissances élémentaires en CM1", ajoutait-elle.
Parmi les pays concernés par l'étude, on observe en queue de peloton le Maroc, le Koweit, le Pakistan ou encore les Philippines. Si leurs résultats donnent tort à François Bayrou, les spécialistes s'accordent pour évoquer les difficultés rencontrées par les élèves français en mathématiques. Des carences qui tendent à s'accentuer, du fait d'une multitude de facteurs.
De vastes chantiers à mener
Contacté par LCI, le président de l'Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP) ne fanfaronne pas. Sébastien Planchenault décrit une situation délicate et des "problèmes de transmission de connaissances et de compétences en mathématiques" chez les élèves. Comment expliquer ce recul progressif de niveau, qu'il constate année après année avec ses collègues ? Par de multiples facteurs : "Il y a une raison sociétale, avec notamment cette idée fausse que les mathématiques ne seraient pas faites pour tous", lance-t-il. "Ce concept d'avoir ou non ce que certains appellent la bosse des maths." Bien souvent, il bondit devant le discours de parents expliquant que leurs enfants éprouvent des difficultés, car eux-mêmes n'étaient pas doués dans cette matière lors de leur jeunesse.
Dans le même temps, il pointe une "méconnaissance globale des maths", dont on ne verrait que "la partie scolaire", sans en présenter "le sens premier, qui est de résoudre un problème". Même constat "pour la partie ludique de cette discipline", trop souvent occultée. Par ailleurs, des réformes comme celle du lycée n'aident par à inverser la tendance, puisque les mathématiques ont disparu du tronc commun. Si une "prise de conscience" s'observe côté politique, "l'inquiétude perdure puisqu'elle se heurte à des questions budgétaires et financières".
Sébastien Planchenault salue le travail d'une mission sur les mathématiques, confiée à une équipe menée par Cédric Villani et à Charles Torossian, inspecteur général de l'éducation nationale. Leur rapport, rendu début 2018, s'accompagnait de 21 mesures concrètes. Intéressantes, selon le président de l'APMEP, mais leur mise en œuvre nécessiterait "des financements fléchés, qui sont aujourd'hui loin d'être garantis". Sans doute faudra-t-il également poser la question des recrutements, puisque le nombre d'enseignants en mathématiques diminue et que ces derniers peinent à se renouveler. Le métier n'attire plus autant : "En 2010, quand on est passé à un concours en M2, le nombre de candidats a chuté", assure l'enseignant. Lorsque l'on évoque la formation, il faut aussi rappeler que "80 % des enseignants du primaire n’ont pas suivi un cursus scientifique dans l’enseignement supérieur", un chiffre mis en avant il y a quelques années par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco).
Pour compléter ce tableau peu reluisant, ajoutons enfin que sur les 820 heures d’enseignement dispensées par an en classe de CM1, les chiffres fournis par l'étude TIMSS mettent en avant que 47 sont consacrées aux sciences dans note pays. Assez loin de la moyenne des pays sondés, qui s'établit à 73 heures. Lorsque l'on sait que le retard accumulé étant jeune s'accentue les années passant, il peut aussi s'agir d'un élément à prendre en considération pour espérer enregistrer à l'avenir de meilleurs résultats.
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