Le gouvernement veut des policiers dans les écoles (dans certains cas) : qu'en pensent les forces de l'ordre ?

Publié le 26 octobre 2018 à 19h52, mis à jour le 30 novembre 2018 à 18h12
Le gouvernement veut des policiers dans les écoles (dans certains cas) : qu'en pensent les forces de l'ordre ?

POUR OU CONTRE ? - Faire entrer les policiers dans les établissements scolaires : c'est l'une des solutions proposées par le gouvernement pour lutter contre les violences scolaires. Que pensent les policiers de la mesure ?

Pour lutter contre la violence à l’école, le ministre de l’Intérieur Jean-Michel Blanquer, de l’Intérieur Christophe Castaner et de la Justice Nicole Belloubet ont réuni vendredi 26 octobre un "comité stratégique" afin de mettre en œuvre un plan d’action pour lutter contre la violence à l’école. Pour éviter que se reproduisent les faits survenus à Créteil dans un établissement de Créteil, et le braquage d’une professeure par un élève, les trois membres du gouvernement ont présenté un arsenal de mesures sécuritaires. Dont la présence des forces de l’ordre au sein des établissements scolaires.  

"Dans les quartiers les plus difficiles, je pense en particulier aux Quartiers de reconquête républicaine, je n’exclus pas la possibilité (…) à des moments de tensions particulières dans la journée, de présence physique de forces de l’ordre dans l’établissement, évidemment avec l’accord du chef d’établissement", a déclaré le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, prônant "une approche quartier par quartier" plutôt qu’une circulaire nationale.

Ce samedi, Jean-Michel Blanquer a apporté quelques nuances : la présence de forces de l'ordre dans les école pourra arriver "dans des cas particuliers, mais ça ne deviendra pas une généralité", a assuré sur Europe 1 le ministre de l'Education nationale. 

"Je m’associe à ces mesures", s’est réjoui Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP Police FO auprès de LCI. "Enfin on brise le carcan de l’après-68 où il ne fallait surtout pas voir du bleu, du flic dans les établissements scolaires. (…) Je craignais que d’ici quinze jours, trois semaines, un mois, on n’ait rien fait, qu’on dise : 'Ce n’est pas grave, ce sont de braves garçons, et après tout, ce n’était qu’une arme factice'. Mais non, le gouvernement a la volonté de mettre un terme définitif à ces actes", a-t-il souligné.

Ce n'est pas notre boulot d'être partout.
Philippe Capon, Unsa Police

Du côté des deux autres syndicats que nous avons interrogés, l’accueil est plus nuancé. "Ce n’est pas notre boulot d’être partout", a critiqué auprès de LCI Philippe Capon, secrétaire général d’Unsa Police. "Le policier ne peut pas tout régler, ce n’est pas le pansement qu’on met sur une plaie béante en pleine hémorragie pour faire arrêter ce qu’il se passe", nous a répondu Benoît Barret, secrétaire national adjoint d’Alliance.

Les syndicats Unsa et Alliance pointent également du doigt le fait que des policiers interviennent déjà dans les collèges et lycées scolaires à la demande des chefs d’établissement, une mesure privilégiée par certains représentants des chefs d'établissements. "Autour de certains établissements, des policiers patrouillent plusieurs fois dans la journée", confirme Philippe Capon, faisant remarquer également que le lycée Edouard-Branly de Créteil dans lequel ont été tournées les images de la professeure braquée, n’est pas classé comme "sensible". "Le policier doit apporter un soutien particulier dans les moments sensibles. Mais il faut laisser l’Education nationale et ses équipes gérer ces situations tendues. Seulement, quand ça dépasse les bornes, il est possible de faire intervenir des policiers. Mettre des flics en permanence dans les collèges et lycées, nous sommes clairement contre." 

Même son de cloche du côté d’Alliance : "Certains commissariats ont des partenariats avec l’Education, et des agents sont désignés pour être les interlocuteurs privilégiés des chefs d’établissements" a précisé Benoît Barret, alors que Christophe Castaner a annoncé ce vendredi 26 octobre qu'il envisageait de créer des "permanences de policiers ou de gendarmes dans les établissements" afin de créer des lieux d'échanges "dans les quartiers les plus difficiles". 

Avec quels moyens ?

En désaccord sur le fond, tous les syndicats se rejoignent toutefois pour dire que, sans donner plus de moyens aux policiers et sans augmenter leurs effectifs, cette mesure ne pourra pas être mise en place. "Nous n’avons pas assez de flics pour les mettre sur la voie publique, alors comment faire pour en mettre dans les établissements scolaires ?" s’interroge Yves Lefebvre. "Impossible de ne pas répondre à ce qui se passe de la part des politiques, compatit Benoît Barret. Le souci, c’est que je ne vois pas où on va trouver les effectifs pour faire ça". "Si on joue au jeu des chaises musicales, en prenant des policiers d’ordinaire positionnés sur la voie publique, ça sera possible oui. Mais temporairement, pour répondre à une actualité ; pas sur le long terme", abonde Philippe Capon.

Et côté professeurs, qu'en dit-on ? Auprès de l'AFP, Stéphane Crochet, secrétaire général du Syndicat des enseignants de l'Unsa a estimé que les mesures annoncées ne répondaient pas "aux situations de violence qui sont les plus marquantes mais qui ne correspondent pas à celles que vivent au quotidien les professeurs. (...) Les profs ont surtout besoin d'un arsenal pour améliorer le climat scolaire et d'espaces de dialogues, au sein des établissements, pour faire part de leurs difficultés chroniques". Un volet qui n'a pas été abordé par les trois ministres réunis ce vendredi matin.


Justine FAURE

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