"Oui, elle agit sur nos vies" : les éclaircissements de Louis Bodin sur notre sensibilité à la météo

Publié le 14 novembre 2019 à 17h03
"Oui, elle agit sur nos vies" : les éclaircissements de Louis Bodin sur notre sensibilité à la météo
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INTERVIEW - Le mauvais temps qui sévit depuis le début de l'automne, et particulièrement en cette fin de semaine, vous stresse ? Vous faites peut-être partie des "météo sensibles"... Car, "oui, la météo agit sur nos vies", affirme dans son dernier livre Louis Bodin, le présentateur des bulletins météo sur TF1. Il nous explique.

Même si nous vivons en ville, notre premier geste du matin est de scruter le ciel avec l'envie pressante d'y découvrir un rayon de soleil. Mais lorsqu'il ne fait pas bon mettre le nez dehors, comme c'est le cas en ce moment avec les pluies abondantes et le froid qui s'invitent depuis le début de l'automne dans notre quotidien, notre humeur devient souvent aussi maussade que le temps. 

"Cela devrait encore durer quelques semaines", nous prévient Louis Bodin, le présentateur des bulletins météo sur TF1. Mais pas de panique. Car même si "nous sommes tous météo sensibles", comme le souligne le titre de son dernier livre publié cette semaine chez Albin Michel*, les aléas du climat n'ont pas forcément une influence négative sur notre moral.

Des "baropathes" en puissance

LCI : En quoi la météo agit-elle sur notre humeur ?

Louis Bodin : Bien plus que les conditions météorologiques elles-mêmes, c’est leur harmonie ou, au contraire, leur décalage avec les émotions du moment qui provoquent le bonheur ou la contrariété. Ainsi, quand on est un peu fragilisé, ou plus sensible, le temps qu'il fait va prendre toute son importance. Nous sommes donc tous météo sensibles ou "baropathes" en puissance, mais chacun à notre façon. Il faut dire que l'on vit au contact de ces éléments extérieurs, on ne peut pas s'en détacher. Cette sensibilité à la météorologie nous rappelle que nous faisons partie intégrante de la nature. Toutefois, plutôt que de subir, il faut au contraire s'en accommoder.

Comment s'en détache-t-on ?

Le plus difficile, c'est quand le mauvais temps s'enchaîne, comme ce que l'on vit actuellement. Mais il faut aussi voir le bon côté de la pluie. Moi, par exemple, j'adore marcher dans la rue quand il pleut ; c'est peut-être parce que je suis Breton. Mais, plus sérieusement, elle est aussi bienfaitrice. Ces averses qui traversent notre pays en abondance sapent peut-être le moral du plus grand nombre, mais elles remplissent aussi nos nappes phréatiques et on en avait bien besoin après des mois de sécheresse depuis le printemps. Et si ça continue encore pendant un mois - ce qui semble bien partie -, on aura remis les niveaux d'aplomb. C'est une très bonne nouvelle, notamment pour les agriculteurs. Il faut regarder un peu plus loin que son nombril, c'est ce que la nature nous dit aussi.

Finalement, ne faut-il pas arrêter de faire de la météo le bouc-émissaire idéal ?

La météo est un sujet universel. On est tous concernés, c'est d'ailleurs souvent par là que l'on débute une discussion. Cela facilite les échanges, je le constate tous les jours avec les personnes qui m'abordent. Mais il ne faut pas l'accuser de tous les maux. Par exemple, aussi incroyable que cela paraisse, le temps, et plus particulièrement la température, peut bel et bien nous rendre meilleurs, bienveillants. L’hiver serait ainsi la saison la plus propice aux élans de générosité. C’est en tout cas en cette saison que les Français donnent le plus : 40 % des dons ont lieu sur le dernier trimestre de l’année, dont la moitié sur le mois de décembre. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, le froid ne fait pas chuter le moral des troupes. Selon les médecins et les psychologues, les basses températures permettraient même de réduire mauvaise humeur, déprime et fatigue et, plus encore, d’accroître et favoriser notre capacité à entretenir nos relations sociales. D’abord parce que nous dormons mieux. Ensuite parce que le froid aide à la concentration.

Ce qui est le plus déprimant c'est l'enchaînement de journées très grises, très pluvieuses, c'est ça qui va amener à des comportements dépressifs.
Louis Bodin

Ainsi, parler de dépression saisonnière en automne est selon vous une idée reçue. Pour quelle raison ?

Cela ne veut rien dire. En fait, ce qui est le plus déprimant, c'est l'enchaînement de journées très grises, très pluvieuses, c'est ça qui va amener à des comportements dépressifs, et ces moments-là arrivent plus fréquemment en automne et en hiver, voire au début du printemps. Mais finalement, peu importe la période ; un été pluvieux peut être tout aussi déprimant. Par ailleurs, comme l'ont établi en 2018 des scientifiques de l'université de Stanford, aux Etats-Unis, c'est lorsque le mercure du thermomètre monte que le nombre de suicides augmente, et non l'inverse. Il faut dire qu'en hiver, on vit tous un peu reclus, enfermés sur nous-mêmes. Mais quand arrivent les beaux jours, que les gens sortent, retrouvent le sourire, celui qui n'est pas bien ressent davantage son malaise.

L'arrivée des beaux jours, c'est aussi la saison des amours. Pourquoi, au printemps, cherche-t-on à séduire ?

La réponse est à 100% biologique. Lorsque les températures avoisinent les 20 à 25°C, l'organisme a tendance à sécréter plus d'endorphines. Tandis que l’été, par notre sueur, nous sécrétons les fameuses phéromones, grandes responsables de l’attirance sexuelle. Résultat,  les corps sont plus enclins au rapprochement. A contrario, la période hivernale serait, elle, propice à la pérennisation des couples. Selon les statistiques nationales sur le Pacs, c’est en décembre que ce contrat de vie à deux est le plus conclu (quelque 20.000 Pacs enregistrés en décembre 2015 et 2016, contre 10.000 en août, le chiffre le plus faible, ndlr).

Vous dites dans votre livre que 2/3 de notre activité économique est météo-sensible. Qu'est-ce que cela signifie ?

Que l'air du temps influence nos habitudes de consommation. Je sais, par exemple, lorsque je présente la météo en fin de semaine, que de la teneur de mon bulletin découleront parfois d’importantes conséquences pour les hôteliers et restaurateurs de beaucoup de régions touristiques. Mais cela touche aussi les transports, notre façon de nous habiller, de manger... voire notre façon de travailler. En effet, quand il fait beau, on n’a pas envie d’aller s’enfermer pour bosser. On a même évalué à 20% la baisse de productivité durant les périodes estivales. En revanche, les jours de pluie, on travaillerait en moyenne 14 minutes de plus !

La météo aurait également une influence sur notre sommeil, qu'en est-il ?

C’est incontestable, celui qui trinque en premier lors d’une canicule, c’est notre sommeil. Et ces troubles n’ont rien d’imaginaire. C'est en fait un problème de thermostat interne. Le corps humain est prévu pour se maintenir à une température constante : environ 37°C. Or, pour s’endormir, cette température doit chuter de 0,5 à 1°C. A l'inverse, le froid fait dormir, il est même indispensable à notre sommeil. Quant à la pluie, elle apporte avec elle ces fameux ions négatifs qui déchargent notre organisme de son électricité statique, facteur de stress. Cela marche si bien que les cliniques du sommeil recommandent aux insomniaques de programmer, la nuit, en bruit de fond, des enregistrements d’averses.

Quand on voit l'influence que la météo a dans notre quotidien, quelle conséquence le réchauffement climatique va-t-il avoir sur notre vie de tous les jours ?

Calmons l'hystérie actuelle. Cela ne veut pas dire que je suis un climato-sceptique, mais arrêtons d'annoncer la fin du monde dans 30 ans. Des sécheresses, il y en a toujours eues, même des très sévères, et ce dès le début du XXème siècle. Je tiens d'ailleurs  à disposition tous les relevés que l'on a pu faire dans ce domaine. Ceci dit, il y a un réchauffement qui a des conséquences sur les températures moyennes et il va falloir que l'on s'adapte. Par exemple, à la montagne, la neige tombera différemment, ce qui ne veut pas dire qu'il y en aura moins, mais elle arrivera peut-être à plus haute altitude et durera moins longtemps. C'est donc un nouveau challenge, mais à l'échelle mondiale, ce qui rend la chose plus complexe. Il va falloir réfléchir à une nouvelle façon de consommer, repenser les villes ou encore notre façon de se nourrir. La météo nous rappelle juste ce que doit être l'humanité qui vit sur Terre. Et si on va dans le bon sens, on réglera le problème.

* "Nous sommes tous météo sensibles - Comment la météo influence notre vie", de Louis Bodin (Editions Albin Michel) - 18,90 €


Virginie FAUROUX

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