CONFUSION - En Bretagne, alors que le prénom Liam vient d'être refusé par l'état civil pour une petite fille pour "confusion de genre", le petit Ambre, lui, devra attendre le mois d'avril pour savoir s'il peut garder son prénom jugé "trop féminin". Mais est-ce si difficile aujourd'hui de porter un prénom mixte ?
Convoquée par la justice pour avoir appelé sa fille Liam. C'est la rocambolesque histoire d'une jeune maman obligée de se rendre le 28 septembre devant le juge des affaires familiales de Lorient car le prénom de son enfant peut entraîner une "confusion de genre", rapporte France-Bleu. Autre affaire : il y a quelques jours, c'était au tour de deux mères, originaires d'Etel, dans le Morbihan, qui ont voulu appeler leur fils Ambre, de voir leur choix retoqué par le parquet de Lorient pour un prénom jugée "trop féminin". Résultat, un tribunal devra trancher la question en avril prochain. Mais que se passe-t-il autour de ces prénoms que l'on dit "mixtes", attribués à la fois aux filles et aux garçons ? Sont-ils si difficiles à porter ?
"Ce n’est pas une mince affaire, cette histoire de prénom !", explique à LCI Anne-Laure Sellier, chercheuse au CNRS en psychologie sociale et cognitive et auteure du livre Le Pouvoir des prénoms (Editions Héliopoles). "Ainsi, 76 % des Français sont convaincus qu’un prénom peut influencer le cours d’une vie. Il apparaît comme un premier cadeau à l’enfant, un cadeau pourtant souvent vécu comme empoisonné".
"On a la tête de son prénom !"
Déjà au début du siècle, les Gabriel/le, Joël/le et autres Frédéric/que, avaient le vent en poupe, et pourtant seul l'orthographe pouvait déterminer le sexe de la personne qui le portait. Au risque de bon nombre de confusions, comme le confirme certains internautes de LCI : "Je m appelle Morgan et je suis un garçon, et bien souvent il est écrit madame devant mon prénom". Ou encore, Andrée, 53 ans, ravie de son prénom mais qui fulmine à chaque fois qu'un conseiller au téléphone l'appelle monsieur.
Et que penser des prénoms mixtes épicènes, identiques en tout point, qu'ils désignent une fille ou un garçon ? "Je m'appelle Claude et je suis une femme, et je peux vous dire qu'un prénom mixte n'est pas facile à porter. A chaque fois que j'ai un rendez-vous chez le médecin, ou dans une administration, on m'appelle monsieur. Résultat, depuis que je suis petite, je me fais appeler Claudine", nous raconte une internaute. Même chose pour Dominique : "Je suis une fille et j'aime bien mon prénom mais quelle galère. On m'appelle tout le temps monsieur. J'ai même reçu en son temps une convocation pour aller faire mon service militaire !"
"En général, on a beaucoup de mal à appréhender ce genre de prénom", analyse Anne-Laure Sellier. "On peux même en tenir rigueur à ceux qui les portent, car ils sont associés à des stéréotypes de personnes qui sont moins marquées dans le genre. Un Claude sera perçu comme moins masculin qu'un Maximilien. Et une Dominique, on la percevra comme moins féminine qu'une Léonie, et il y a de fortes chances qu'elle même se trouve moins attirée par le fait d'être féminine. Ce n'est ni une opinion, ni de la psychanalyse, c'est prouvé scientifiquement : on a la tête de son prénom ! Ainsi, face à une Claude qui devient Claudine, on n'a plus le même ressenti. On pense tout de suite à Colette, à un univers féminin, les références sont totalement différentes", poursuit la chercheuse.
1 personne sur 3 en France dit ne pas être bien avec son prénom.
Anne-Laure Sellier, chercheuse au CNRS
Résultat, pour certains, porter un prénom mixte peut être vécu comme une vraie souffrance : "1 personne sur 3 en France dit ne pas être bien avec son prénom. C'est énorme. Et pourtant, depuis l'an 2000, un peu moins de 3000 personnes se sont engagées dans une démarche de changement de prénom - autant d'hommes que de femmes -, dans des cas extrêmes de mal-être", nous indique Anne-Laure Sellier. "Ce chiffre est en effet bien modeste si on le rapporte aux témoignages de personnes affirmant qu’elles ont dû apprendre à aimer leur prénom, souvent au prix de beaucoup d’efforts, en passant généralement par l’utilisation de surnoms, pour finir par s’en accommoder (il le faut bien !). De toute évidence, c’est une réalité mal connue. Pour ces personnes, 'finir par ressembler' à son prénom est l’aboutissement d’une véritable bataille. Une bataille qui se déclenche généralement au cours de l’adolescence".
"Car le problème, c'est que ce changement d'identité est très mal vu par la société qui considère le prénom comme
étant fixe et définitif", avance la chercheuse. "Administrativement, c'est très simple de le faire, il suffit d'aller à la mairie et de justifier son choix. Mais du côté de l'entourage ce choix se heurte souvent à des objections du type : ' C’est dommage de renoncer à un prénom donné par tes parents, c’est ton héritage !', ou encore 'C’est un caprice, dans deux ans tu en auras marre, de ce nouveau prénom. En changer, c’est une fuite en avant'. Ces propos partent généralement d’un bon sentiment, mais ils constituent une parfaite illustration de ce qu’est la pression à la conformité. Changer de prénom n’est socialement pas admis, ça n’est pas cool".
La "stratégie de la différence"
Et les parents, n'ont-ils pas une énorme responsabilité dans ce tohu-bohu ? "Choisir un prénom mixte, n'est pas une décision à prendre à la légère", prévient l'experte, parce que l'enfant devra se mettre à la hauteur de son prénom. Certains parents se justifient en plaidant qu'ils aiment le côté "sans genre". Ils estiment que cela donne à leur enfant plus de liberté mais cela ne veut pas dire que ce sera mieux vécu par lui. Ce qui est certain sur le plan scientifique, c'est que le cerveau humain appréhende les prénoms mixtes différemment des prénoms marqués dans le genre".
"Toutefois aujourd'hui, les Claude, Dominique et autre Joël/le ne font plus recettes, c'est un peu comme les prénoms composés", explique à LCI Laure Karpiel, auteure de La Cote Larousse des prénoms 2019. "On ne risque pas, par exemple, de retrouver un Valéry, président de la République ! Et si ces prénoms sont encore choisis par les parents, ils sont désormais clairement incarnés féminin ou masculin", détaille-t-elle.
"C'est le cas de Gabriel, numéro 1 ces dernières années chez les garçons et qui revient timidement à la mode chez les filles, mais pointe à la 72ème place. Ou Raphaël, star chez les garçons (n°2) mais plus trop chez les filles (n°260). A l'inverse, Camille, prénom mixte assurément, est surtout porté par les filles (attribué 2700 fois) (n°11), même s'il progresse chez les garçons (attribué 1042 fois) (n°64), ce qui accroît parfois la confusion". A l'instar de Camille, un internaute attaché de presse, qui est souvent obligé de préciser qu'il est un homme au cours de ses échanges par mail. "C'est juste un petit désagrément, mais je m'en passerais", assure-t-il à LCI.
En lâchant du terrain, ces anciens prénoms mixtes ont laissé la place à une nouvelle tendance : la "stratégie de la différence". Elle consiste à rechercher un prénom parmi ceux les moins donnés et qui peuvent être portés indifféremment par une fille ou un garçon. C'est le cas d'Eden, Louison, Charlie ou encore Lou. "Le prénom Louison est intéressant car il est apparu en même temps chez les filles et les garçons (donné 300 fois chez les filles et 199 fois chez les garçons). C'est vraiment un prénom du 21ème siècle", avance Laure Karpiel.
Mais pour Anne-Laure Sellier, cette mode qui va avec l'air du temps est un désastre : "On peut comprendre l'envie des parents qui espèrent d'un côté que leur enfant vive heureux et intégré, tout en voulant le démarquer et le rendre unique. Sauf qu'ils font exactement le contraire et rendent leur enfant totalement inintéressant, difficile à aborder et rejetable. Le petit Louison ou le petit Attila, va devoir toute sa vie se justifier. C'est rude. Dans cette recherche du prénom "atypique", il y a ce désir d'individualité sans comprendre que tout individu, pour être heureux, doit être accepté par la société".
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