DROGUE DURE - C'est un défi quotidien pour des milliers de parents : arriver à faire décrocher les enfants des écrans, et plus particulièrement des jeux vidéo. Une gageure depuis la déferlante Fortnite. Et si la solution était de soigner le mal par le mal ? De nouvelles applis rivalisent d'imagination pour remettre les plus jeunes dans le droit chemin. Revue de détails, commentée par le psychologue Michael Stora.
Depuis deux ans, la folie "Fortnite" s'est emparée de la planète : plus de 200 millions de jeunes joueurs, certains dès l'école primaire, en ont perdu le sommeil, le goût des repas en famille ou des sorties avec les amis, obsédés qu'ils sont à devenir les uniques survivants sur une île déserte. Et cette dépendance n'est pas sans conséquences, avec des problèmes de concentration, des retards d'apprentissage de la lecture, voire des échecs scolaires... A tel point qu'aux Etats-Unis, certains parents désemparés envoient leurs enfants en cure de désintoxication à cause de ce jeu phénomène...
Pour le psychologue Michael Stora, auteur du livre "Et si les écrans nous soignaient, psychanalyse des jeux vidéos et autres plaisirs numériques" (Editions Eres), "il est un peu démesuré de parler d'addiction aux jeux vidéos pour un enfant de 11/12 ans". Lui préfère évoquer des comportements excessifs, tout en soulignant que depuis l'apparition de Fortnite, son cabinet s'est rempli de jeunes pouvant passer jusqu'à 10 heures d'affilée devant ce jeu.
Le contrôle parental idéal doit être humain.
Michael Stora, psychologue
Signe du malaise, les éditeurs de jeux vidéos ont pris eux-mêmes les devants, en proposant le fameux contrôle parental permettant aux parents de restreindre automatiquement l’accès de leurs enfants à un média (Internet, télévision, console de jeu), et de limiter leur consommation journalière. Le principe est simple : le parent décide par exemple d'autoriser son enfant à jouer les mercredis et samedi de 18h à 19h30 et en dehors de ces créneaux, le jeu n'est pas accessible. Il peut également décider de blacklister certains jeux.
Une initiative qui n'est guère du goût de Michael Stora : "Je n'ai jamais pensé qu'une application pouvait remplacer le dialogue entre le parent et l'enfant, mais cela peut être une aide. Le contrôle idéal doit être humain. Mais beaucoup de parents ont du mal. Cela passe par des clashs et quand on est fatigué, on n'a pas forcément l'énergie pour se battre", reconnaît-il.
La solution pourrait donc venir de ces nouvelles applis qui rivalisent d'imagination pour aider les parents à remettre leurs enfants dans le droit chemin. Et tous les coups semblent permis. A l'image de la startup niçoise PlayOutside dont la philosophie est de "dompter les jeux vidéos". Elle permet aux parents d'assigner des tâches (ranger sa chambre, mettre la table, faire ses devoirs...) aux enfants pour leur donner en échanges des "Bonus" utilisables directement dans leurs jeux vidéos favoris. Un marché donnant-donnant qui interroge néanmoins les valeurs éducatives.
"Personnellement, la question de la carotte, je ne suis pas pour", s'offusque le psychologue pour qui ce système de récompense pourrait être contre-productif à long terme. "Sans chercher à stigmatiser les parents, cela montre tout de même une incapacité à envisager la parentalité. Pour moi, l'écran doit être un allié dans la dynamique familial. Il faut que le parent s'y intéresse, sans prendre ça pour le diable. Car envisager une chose comme diabolique est la meilleure façon d'en faire un objet de convoitise et de transgression", analyse-t-il.
Une consommation plus intelligente des écrans
Plutôt que de sevrer brutalement les enfants des jeux vidéos, une autre startup propose de les faire transiter vers une consommation plus intelligente et éducative des écrans, telle que la pratique de la lecture. Et pour cela, de s'inspirer sans complexe de ce qui fait le succès (et l'addictivité !) des jeux vidéos en en reprenant tous les codes. C’est tout le pari de Lulu & Kroy, une expérience innovante développée avec des parents, des psychologues et des professionnels de la petite enfance.
Grâce à cette application, toutes les histoires qui s'adressent aux 8-12 ans sont interactives, telle une version numérique des "livres dont vous êtes le héros". A renfort d'intelligence artificielle, l'enfant peut générer des scénarios presque infinis, personnalisés en fonction de ses choix, de son niveau de lecture et de ses goûts. Et pour continuer de faire monter la dopamine, l’enfant doit patienter chaque semaine jusqu’au vendredi suivant pour pouvoir découvrir un nouvel épisode de son histoire, une attente orchestrée à la manière des séries Netflix.
"C'est une forme de 'gamification', une tendance qu'on observe aussi dans les entreprises avec les Escape Game pour créer de la cohésion au sein d'un groupe. On a enfin compris qu'il est intéressant d'utiliser les ressorts propres au jeu, ", se réjouit Michael Stora. "Je crois qu'il ne faut pas 'tirer sur l'ambulance'. Et plutôt se dire que si c'est inventif, créatif, et fait intelligemment, il n'y a pas de raison de ne pas utiliser ces applis. D'ailleurs, les premiers livres que l'on donne aux enfants sont déjà très interactifs. Alors que si les parents mettent l'enfant devant son incompétence et le poussent à lire à tout prix, on sait que c'est contre-productif".
"Mettre des limites"
Toutefois, pour notre spécialiste du monde virtuel, "la consommation excessive des jeux vidéos vient souvent cacher autre chose de plus compliqué, de plus profond. Et repose même la question de la capacité qu'ont certains parents de mettre des limites d'une manière globale."Mon expertise, c'est que l'écran fait écran", souligne-t-il. On ne supporte plus que l'enfant s'ennuie, qu'il pleure. Par ailleurs, les parents sont épuisés par ce désir d'être aimés et reconnus par leurs enfants, ce qui à l'adolescence est plus compliqué, et cela les pousse à tout accepter. Quand un enfant reste de longues heures devant un écran se pose une autre question : que se passe-t-il au sein de la famille pour qu'il ne décroche pas ? Quelles alternatives lui propose-t-on ?", s'interroge-t-il.
Il est donc compliqué, pour notre psychologue, d'accuser le jeu en lui-même. "Il faut plutôt se dire qu'il s'agit d'une représentation symbolique de ce que notre société a engendré", dit-il. "Les jeunes qui jouent énormément sont souvent élevés dans le culte de la performance et de la réussite, et s'ils sont en échec dans la vie réelle, Fortnite va leur permettre, de manière répétitive, de se donner l'illusion d'être toujours le meilleur. C'est là que se situe la dimension addictogène de ce jeu vidéo. D'autres peuvent paradoxalement attendre qu'on leur mette des limites. Il faut savoir que le contrôle des pulsions, qui n'est pas encore tout à fait mis en place à l'adolescence, se fait d'abord par l'autorité parentale".
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