Un Noël sans cadeaux par souci de la planète... Ils ont fait ce choix et nous disent pourquoi

Publié le 23 décembre 2019 à 8h15, mis à jour le 24 décembre 2019 à 12h21

Source : JT 20h Semaine

SURCONSOMMATION - Chaque année, à Noël, il faut mettre la main au porte-monnaie, histoire de ne pas arriver les mains vides au réveillon. Le bonheur de nos proches est-il à ce prix ? Rien n'est moins sûr... De plus en plus de voix s'élèvent d'ailleurs contre ce marathon annuel, certains ont même décidé de ne pas faire de cadeaux. Mais comment ne pas passer pour un égoïste ou un radin ?

Le père Noël est-il devenu à ce point matérialiste ? Selon l'application de lecture en ligne, Youboox, 59% des Français (61% de femmes et 56% d'hommes) déposeront cette année entre 7 et 9 cadeaux au pied du sapin. Si on multiplie ce chiffre par le nombre de personnes composant une famille, cette période des fêtes se transforme rapidement en un épisode frénétique d'achats. Sauf que cette fois, c'est décidé, vous n’avez pas envie de vous coltiner la cohue dans les magasins ou même de réfléchir à qui aimerait quoi. Quant à cette surconsommation, il est peut être grand temps d'y mettre un coup d'arrêt, histoire de préserver la planète. Du coup, vous envisagez très sérieusement de ne pas faire de cadeaux. Du tout.

Laurence, 48 ans, est dans ce cas-là. Elle a annoncé au début du mois à toute sa famille qu'elle ne souhaitait ni en faire, ni en recevoir. "C'est une réciprocité logique puisque je veux me contenter du nécessaire et ne plus avoir affaire avec le superflu, confie-t-elle à LCI. On reste dans un modèle de consommation où on se pose la question de savoir ce qu'on voudrait, et au final on n'a même pas besoin de ce qu'on demande. L'envie et le plaisir, ce n'est pas de la nécessité. D'ailleurs, quand on se met dans cette situation de rejet, deux sentiments nous assaillent à la vue d'un magasin en cette période de Noël : on trouve ça à la fois très séduisant - puisqu'on y va peu - et en même temps on voit à quel point tout ce qui est mis en vente est inutile. C'est impressionnant", estime-t-elle. 

"Je vous aime"

Sa démarche, avant tout environnementale, "acheter un cadeau sous-entend aussi de mettre un emballage, des rubans, du scotch", dit-elle, ne la laisse pas pour autant sereine. Notamment vis à vis de son fils. "Je ne sais pas comment me positionner. Je pense d'ailleurs que je vais lui faire un cadeau, avoue-t-elle, soulignant que "les adultes sont en mesure de comprendre sa démarche, mais les enfants un peu moins". Ce que confirme le psychologue Alain Sotto : "En fait, il ne faut passer du tout au rien. Il y a un un travail à faire tout au long de l'année en leur parlant par exemple du sens des objets. Où vais-je le ranger ? Combien de temps vais-je l'utiliser ? Que vais-je en faire ? Quand on commence à réfléchir, on peut apprendre à résister. Il ne faut pas non plus être trop radical, mais juste demander aux enfants de développer un esprit critique. Et bien sûr, l'adulte doit donner l'exemple", explique-t-il à LCI.

A partir du moment où vous ne faites pas de cadeaux, vous annoncez indirectement aux autres que vous n'êtes pas prêt à ce don d'amour habituel. Et c'est très difficilement supportable
Bernard Prieur, psychanalyste

Alors, pourquoi est-ce si difficile d'avouer à ses proches que cette année vous ne cocherez pas l'option "cadeaux" ?  La peur de passer pour un goujat ou un radin devant la famille ou les amis ? Laurence reconnaît par exemple qu'elle a fait ça vite, comme une envie de s'en débarrasser rapidement. "Il n'est pas évident de faire une telle annonce. J'ai sûrement été trop directe, sans donner d'explications. Je pense même que c'était un peu brutal", analyse-t-elle tout en ajoutant, comme pour se rassurer, qu'elle a écrit à la fin de son message, "Je vous aime" ! Pour le psychanalyste Bernard Prieur, contacté par LCI, "offrir quelque chose c'est effectivement une preuve d'amour. A partir du moment où vous ne faites pas de cadeaux, vous annoncez indirectement aux autres que vous n'êtes pas prêt à ce don d'amour habituel. Et c'est très difficilement supportable", avance-t-il. Résultat, ne rien donner, ni recevoir, c'est couper le lien. 

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Pour autant, vaut-il mieux un cadeau pouvant être mal vécu par celui qui le reçoit - un vêtement de deux tailles inférieures à sa taille réelle, un parfum que vous ne portez plus depuis des années - ou pas de cadeau du tout ? "Ce qui est important, c'est la reconnaissance. Quand vous offrez quelque chose, en fonction du temps et de l'attention que vous y avez mis, vous donnez le sentiment que vous reconnaissez l'autre, dans ce qu'il aime, dans ce qui lui fait plaisir. L'essentiel c'est cette valeur extra-économique, souligne Bernard Prieur. Ceux qui ne veulent pas faire de cadeaux ne se rendent pas compte que l'autre a besoin d'être reconnu. Or il n'y a pas que la valeur marchande, on peut aussi donner du temps, partager une façon de faire. Finalement, peu importe ce qu'on offre, il ne faut pas faire l'impasse dessus", poursuit-il.

A défaut de ne rien offrir, n'offrir qu’un seul cadeau par personne peut être une option. C'est le cas de Luc, 35 ans, qui chaque année dépose les prénoms de toute la famille dans un chapeau pour un grand tirage au sort ; ou en choisissant des cadeaux d'occasion. Une tendance qui a le vent en poupe pour ceux qui souhaitent adopter un mode de vie responsable. Voyez plutôt, chaque année, 75.000 tonnes de jouets partent à la poubelle puisqu'il n'existe pas de filière de recyclage. "Ce Noël est peut-être l'occasion de mettre du sens, affirme Alain Sotto. On a perdu le sens des objets, le sens de la possession et de l'accumulation. Et les enfants font comme nous. Ils veulent le nouveau téléphone, la dernière basket... A moment donné, on est écrasé par tout ça parce qu'il faut gérer ces objets".

"À chaque Noël, le sapin me semble de plus en plus chargé de cadeaux ! J’ai la sensation d’une fuite en avant, d’un excès de dépenses qui enlève de l’authenticité à cette fête", confirme Lucie, 29 ans. Offrir sans acheter, - des choses que l'on a fait soi-même, proposer de faire une activité ensemble - peut aussi être l’occasion de revoir ses priorités, de retrouver le sens du don. "Continuer à donner ça permet d'entretenir la relation", assure Bernard Prieur. Et qu'on ne vienne pas lui dire que seuls les enfants sont sensibles à la magie de Noël. "Un adulte a aussi le droit à des moments merveilleux", conclut-il.


Virginie FAUROUX

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