Syndrome du nid vide : tout aussi concernés que les femmes, les hommes n'osent pas en parler

par Charlotte ANGLADE
Publié le 1 août 2019 à 16h46, mis à jour le 1 août 2019 à 17h52

Source : La matinale

NOUVEAU DÉPART - Voir ses enfants quitter la maison pour de bon n'est pas toujours évident. Si la satisfaction de les voir prendre leur envol est présente, il persiste bien souvent une once de tristesse, qui peut parfois se transformer en véritable dépression. Appelé syndrome du nid vide, cet état touche, contrairement à ce que l'on pourrait penser, de nombreux hommes, nous assure la psychologue Hélène Barbarit-Thomas.

Le départ des enfants du cocon familial peut parfois être difficile à avaler. Alors que le quotidien était rythmé par leurs allées et venues, la visite de leurs amis et les repas en famille, tout, ou presque, est remis à plat. Retour à la vie à deux. Un moment difficile et brutal qui peut déboucher sur un vague à l’âme bien connu d'un grand nombre de parents : le syndrome du nid vide. Dans l'imaginaire collectif, celui-ci est beaucoup associé à la femme. Les pères, souvent plus discrets sur leurs sentiments, en sont pourtant aussi largement victimes, nous assure la psychologue Hélène Barbarit-Thomas. Elle reçoit d'ailleurs bon nombre d'hommes dans son cabinet pour cette raison. Enfin presque.

Des pères mal préparés et des sentiments pas toujours assumés

"Mes patients viennent en réalité rarement pour ça, explique-t-elle. Ils évoquent plutôt une une raison satellite : un petit coup de déprime, un manque d'énergie, le sentiment de n'avoir plus goût à rien... En creusant, on se rend compte que cela tire souvent son origine du départ des enfants du foyer". La majorité des hommes qui viennent la consulter sont en fait très pudiques sur les sentiments qu'ils éprouvent à ce moment-là de leur vie, ou ne font tout simplement pas le rapprochement.

"Ils ont aussi tendance à minimiser l'impact émotionnel que cela peut avoir pour eux", ajoute-t-elle. "Ils sont plus tentés de prendre ça de loin, sous un angle plus rationnel, en se disant que c'est une bonne chose que les enfants fassent leur vie, s’émancipent… et le jour où ça arrive, ils se prennent souvent ce bouleversement en pleine figure, avec violence, faute de s'y être préparés ou d'en avoir parlé plus tôt." Peut alors survenir un sentiment de solitude, de tristesse et d'inutilité, susceptible d'évoluer vers une vraie dépression. Pour certains, cela peut aussi renforcer des addictions qui existaient déjà auparavant.

Pour Hélène Barbarit-Thomas, la société a aussi son rôle à jouer dans cette mauvaise préparation des hommes au nid vide. Comme pour beaucoup d'autres sujets abordant la question des enfants, le syndrome du nid vide est un sujet largement documenté chez la femme, beaucoup moins chez l'homme. "On a pensé au retentissement pour la femme, beaucoup fait de liens avec la ménopause, et les hommes sont passés un peu à la trappe."

Une image dégradée et des répercussions sur la vie de couple

Et si la ménopause peut effectivement jouer un rôle dans la survenue du syndrome du nid vide chez la femme, l'andropause peut aussi expliquer beaucoup de choses chez l'homme. "Sa vigueur diminue, sa résistance est moindre qu'au début de l'âge adulte, parfois la calvitie ou l'embonpoint menacent... Tous ces changements peuvent être difficiles à vivre, affectant l'homme dans son identité et sa virilité", détaille la psychologue. En fin de compte, le départ des enfants a tendance à faire ouvrir les yeux sur le temps qui a filé. Pour certains, ce constat et le fait de voir leurs enfants débuter leur vie d'adulte peut faire le lit d'une infidélité. "Ces hommes courent en quelque sorte après leur jeunesse perdue." 

Lorsque tel n'est pas le cas, la vie de couple peut aussi être mise à mal par cette remise à plat. "Certains font le bilan et se rendent compte qu’ils n’ont plus rien à se dire car toutes leurs conversations tournaient autour des enfants. Ils peuvent aussi réaliser qu'ils n'ont pas évolué dans le même sens et qu'ils n'ont plus les mêmes envies. Cela peut mener à des séparations."

L'importance de se préparer et d'en parler

Pour mieux vivre cette période, la psychologue conseille aux couples de conserver, en amont du départ, une vie qui ne tourne pas essentiellement autour de leurs enfants, tant au niveau des activités que de la vie amoureuse. "Ce n’est pas parce que l’on a des grands enfants qu’il faut oublier les rencontres à deux, les petites soirées... Il faut apprendre à prendre soin de son couple." Si le coup est dur, il ne faut pas hésiter à aller consulter, insiste Hélène Barbarit-Thomas, qui indique que parfois, seules quelques séances peuvent suffire.

"La thérapie d’acceptation et d’engagement va être une approche privilégiée pour aborder ces questions, en individuel comme en couple. Elle est intéressante car on travaille sur ce qui a vraiment du sens, tout en essayant de mettre en lumière les actions qui ne font qu’entretenir la souffrance, comme l'alcool ou l'isolement volontaire." Le fait de mettre un nom sur ce qu'ils ressentent et comprendre qu'ils ne sont pas seuls à l'éprouver peut aussi aider les hommes à accepter ce qu'ils vivent, à en parler autour d'eux et, in fine, à se libérer d'un poids. Se remettre au sport pour retrouver une meilleure forme physique, et donc améliorer son estime de soi, ou encore s'engager dans une activité, peut également aider à remonter la pente.


Charlotte ANGLADE

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