Pour lutter contre le harcèlement scolaire, le ministre Gabriel Attal veut notamment prendre modèle sur les "cours d'empathie" des écoles primaires du Danemark.Il a annoncé ce mercredi la généralisation d'un tel dispositif en France dès la rentrée prochaine.Une équipe de TF1 est allée observer en quoi consistait cet apprentissage.
Dans cette classe de CP du groupe scolaire Nordstrandskolen, à Copenhague, tous les élèves se plient à un curieux rituel. Chaque jour ou presque, les enfants de cette école de la capitale danoise doivent masser le dos de leurs camarades, pour créer du lien les uns envers les autres et devenir "bons copains". "On se relaxe et on ferme les yeux si on apprécie", lance leur maîtresse Anna Hvid Nielsen. "Si vous massez quelqu'un, vous n'irez pas le harceler", résume l'institutrice dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article.
Cet exercice obligatoire fait partie de ces modules que les Danois appellent "cours d'empathie", dont le gouvernement français veut s'inspirer : lors de l'annonce du plan interministériel pour lutter contre le harcèlement scolaire ce mercredi, Gabriel Attal a indiqué vouloir généraliser un tel dispositif en France dès la rentrée 2024. Au Danemark, où le ministre de l'Éducation s'est rendu en fin de semaine dernière, le programme est adopté dans 60% des crèches, 62% des écoles maternelles et 45% des écoles élémentaires. Et selon une étude d'impact, 70% des professionnels constatent davantage de bienveillance chez les enfants depuis la mise en place de ces modules.
Les séances mettent aussi l'accent sur la notion de consentement, puisque les élèves doivent demander à leur camarade de leur "prêter son dos" pour le massage. Ils peuvent aussi se prendre dans les bras les uns les autres ou s'échanger une peluche, autant de consignes qui semblent déjà porter leurs fruits auprès de cette classe. "Si un enfant est triste, je vais le voir pour le consoler", explique un jeune garçon. "Moi, je lui demande s'il veut jouer avec moi", lance une de ses camarades.
"Quand un enfant est harcelé, c'est tout l'environnement qu'il faut questionner"
L'objectif de ces séances est en effet de prévenir les situations de harcèlement et d'exclusion dès le plus jeune âge. "Quand un enfant est harcelé, cela ne concerne pas que lui et son harceleur. C'est tout l'environnement qu'il faut questionner. Et nous avons la grande responsabilité de nous assurer que l'ambiance est saine et valorisante pour tous les élèves", appuie Anna Hvid Nielsen.
Si neuf élèves danois sur dix déclarent ainsi se sentir acceptés tels qu’ils sont, c'est que depuis près de 20 ans, l’empathie est au cœur des programmes d’éducation, mais aussi des cours de récréation. Dans celle de cette école de Copenhague, on trouve par exemple un "banc de l'amitié", repérable de loin à sa couleur violette. "Si des enfants sont seuls, ils peuvent venir s'y asseoir et cela va alerter les adultes, qui pourront alors leur trouver des copains pour jouer", explique l'institutrice.
Depuis 2017, le Danemark a adopté une loi anti-harcèlement, qui oblige chaque établissement à trouver une solution en dix jours, en cas de signalement. Les écoles doivent aussi développer une stratégie anti-harcèlement et la rendre publique sur son site internet, détaille Le Monde. Par ailleurs, les autorités comptent aussi sur la vigilance des parents, qui peuvent dénoncer l'inaction d'une école auprès d'une instance nationale, des cas de figure que les établissements cherchent à éviter à tout prix.
Les parents mis à contribution
Les familles sont en effet partie prenante de la lutte contre le harcèlement, qui est l’affaire de tous au Danemark. Les parents sont mis à contribution au quotidien pour qu’aucun enfant ne soit laissé de côté. Comme ceux de Rosa, qui fêtera dans quelques jours ses six ans et prépare déjà les festivités à coup de ballons et serpentins. Pour les anniversaires, les Danois respectent tous une règle non écrite. "On a invité toutes les filles de sa classe", indique sa mère, Camilla Schultz-Thorsøe. "Elles sont dix, on va s'amuser !"
Les copines ne sont donc pas triées sur le volet, pour éviter tout sentiment d'exclusion. "Les victimes de harcèlement en gardent des traces toute leur vie. Cela ne les affecte pas seulement le temps de leur scolarité. Le harcèlement laisse des cicatrices dans l'âme", insiste la mère.
Le cyberharcèlement, l'angle mort du dispositif ?
Pour autant, le harcèlement scolaire n'a pas totalement disparu dans le pays scandinave. Aujourd'hui encore, un enfant sur vingt en est régulièrement victime, notamment parce que le phénomène a muté en partie sur les réseaux sociaux. Selon une étude du Conseil de prévention de la criminalité danois, citée par Le Point, un tiers des écoles ne disposent d'aucun plan pour lutter contre ce cyberharcèlement.
Mais certains collèges et lycées cherchent à prendre leur part pour tenter d'enrayer le fléau. "On n'est pas autorisé à prendre des photos à l'école, De toute façon, personne n'aime être affiché sans son accord sur les réseaux", explique par exemple un adolescent dans le reportage. Une mesure efficace, à en croire les élèves. "Pour moi, ces règles nous rendent plus sympas et ça évite le harcèlement", souligne un de ses amis.