VIDÉO - Comment parler de sexualité sans rougir avec ses enfants ?

Publié le 5 octobre 2018 à 15h17

Source : Sujet JT LCI

TABOU - Parler de sexualité avec ses enfants, un sujet ô combien délicat. Idem pour les ados qui sont plus de 42%, selon le Planning familial, à ne pas avoir envie d'aborder ce thème avec leurs parents. Alors, que faire ? Le passer sous silence ? En parler facilement, au risque que ce soit trop tôt ? Le psychologue Samuel Comblez tente de répondre à ces questions dans un livre qui vient de paraître. Décryptage.

"Ce n'est pas sale"... En leur temps, le "Doc" et son acolyte Difool avaient marqué les adolescents des années 90 avec leur émission de libre-antenne parlant de sexualité. Les temps ont changé, et désormais les plus jeunes vont s'informer sur internet, au risque d'être confrontés à des images pornographiques véhiculant avant tout de la violence, de l'irrespect et des rapports non-protégés. Un message qui peut être pris pour argent comptant alors qu'il est bien loin de la réalité. D'où l'importance, quand on est parent, d'aborder cette question avec ses enfants.

Oui mais voilà, de quelle manière parle-t-on de ce sujet, et surtout à quel âge doit-on engager ce genre de conversation ? D'autant qu'il semble difficile, voire inconfortable pour 71% des jeunes, d'aborder la sexualité avec leurs parents, selon un sondage mené par le Planning familial pour le laboratoire Terpan auprès de jeunes de 12 à 25 ans. 

"Plus de 42% des répondant(e)s n'ont pas parlé ou ne projettent pas de parler de sexualité avec leurs parents, par pudeur pour 62%, par jugement pour 20% ou encore par peur pour 14,4%", ajoute cette enquête publiée en fin de semaine dernière . "Et pourtant ils et elles sont plus de 62% à dire qu'en matière d'éducation sexuelle, les parents ont la plus grande responsabilité après l'école et les pouvoirs publics. Les thèmes d'éducation sexuelle à aborder en priorité doivent être pour 84% d'entre eux le consentement mutuel, suivi de la contraception pour 77%, puis la prévention contre les comportements à risque pour 65%. Ils sont seulement 14% à vouloir parler des sites pornographiques ou du désir sexuel". 

Protection des risques de grossesse et MST

Pendant 12 ans, Samuel Comblez, psychologue de l'enfance et de l'adolescence, a répondu aux questions des adolescents au sein du Fil Santé Jeunes. Il en a tiré un livre : "La sexualité de vos ados, en parler, ce n'est pas si compliqué" (Editions Solar).  Et son premier constat est imparable : "Depuis tout petit, on apprend à ses enfants à marcher, à lire, à compter, mais quand il s'agit de sexualité, on ne dit plus rien, et les adultes en général rougissent. Et pourtant c'est un sujet incontournable car ce silence favorise les rapports à risques des adolescents", explique-t-il à LCI. 

Première raison avancée par le thérapeute pour expliquer ce mutisme : le parent pense que parler de LA sexualité, c'est parler de SA sexualité. "C'est une grossière erreur, les jeunes ne veulent surtout pas savoir ce qui se passe dans le lit de leurs parents", avance-t-il. "Alors plutôt que de se torturer pour savoir ce qu'on va dire, il faut déjà savoir écouter et demander à son enfant ce qu'il connaît de la sexualité, comment on en parle à l'école. S'il répond : 'les bébés naissent dans les roses et les choux', mieux vaut le laisser dans son imaginaire, ce qui vous donne encore un peu de temps pour aborder le sujet". 

"A l'inverse, s'il est déjà très averti, on peut se dire que le sujet commence à le préoccuper, et on peut faire passer les premiers messages". Les deux plus essentiels étant la protection des risques de grossesse et les maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, selon le sondage du Planning familial, "65% des parents ont abordé le thème de la contraception avec leurs enfants, même si certains disent qu'ils ne sont pas forcément très renseignés sur les moyens de contraception existants". 

"On peut dire que l'âge idéal pour en parler, c'est autour de 11/12 ans, quand l'enfant a accès à son premier téléphone portable", poursuit Samuel Comblez. "On peut, en effet, considérer qu'à partir du moment où l'enfant a un mobile dans les mains, il a accès à une quantité d'informations, parfois les plus farfelues possibles. C'est donc le bon moment pour faire en parallèle de la prévention. Par ailleurs, à cet âge-là, votre enfant rentre en 6ème et il va côtoyer des élèves de 3ème, déjà très matures sur le sujet. Ils auront donc des occasions d'entendre parler de sexualité, avec son lot de mystères et d'interrogations".

"Est-ce qu'on va tomber amoureux de moi ?"

Passée la traditionnelle question du tout jeune enfant, à savoir "comment on fait les bébés ?", à laquelle on peut répondre que "c'est le papa qui donne une graine à la maman", en laissant tomber toutes leçons d'anatomie, la première préoccupation d'un adolescent tourne toujours autour de sa compétence physique ("Vais-je y arriver ?") mais aussi de l'attraction qu'il va pouvoir ou non exercer ("Est-ce qu'on va tomber amoureux de moi ?").

"A un âge où on se rapproche de son groupe de pairs, se dire qu'on ne sera pas en lien avec l'autre, c'est extrêmement déstructurant. Rassurer son enfant sur ces questions-là, c'est vraiment le rôle des parents", souligne le thérapeute. "Si les ados font des selfies frénétiquement, c'est justement pour vérifier que leur corps fait partie de la norme. Ensuite, ils n'ont plus qu'à compter le nombre de personnes qui likent leur photo pour savoir s'ils plaisent. Mais il ne s'agit pas ici d'affoler les foules, heureusement, de nombreux ados sont bien dans leurs corps. Seuls 15% d'entre eux ne sont pas en super forme".

"Et l'école dans tout ça ?", direz-vous. A-t-elle vraiment un rôle à jouer, à l'heure où le débat fait rage quant aux bienfaits des cours d'éducation sexuelle ? "L'école joue un rôle mais on sait que cela ne se fait pas toujours dans les meilleures conditions. Parler par exemple de contraception ou de préservatifs à un enfant de 12 ans, c'est trop loin de lui", prévient le psychologue. "En plus, tous les établissements ne respectent pas la directive qui impose trois séquences annuelles d'éducation sexuelle au collège. C'est particulièrement problématique pour les garçons qui n'ont  pas beaucoup d'occasions de parler de leur vie sexuelle à un adulte. A la différence des filles, qui à un moment donné, vont aller voir un gynécologue". 

Quand on a un corps qui change rapidement et qui devient désirable sexuellement, alors que l'on est encore une petite fille, forcément ça oblige à questionner la sexualité et le rapport au corps et au désir.
Samuel Comblez, psychologue

Autre constat, à l'heure où l'âge du premier rapport reste pratiquement le même depuis trente ans - en moyenne 17 ans pour les garçons et 17 ans et demi pour les filles -, l'adolescent pense à la sexualité de plus en plus tôt car la puberté arrive de plus en plus jeune. "Quand on a un corps qui change rapidement et qui devient désirable sexuellement, alors que l'on est encore une petite fille, forcément ça oblige à questionner la sexualité et le rapport au corps et au désir", avance Samuel Comblez.

Les filles seront taraudées par l'arrivée de leurs règles et la taille de leurs seins. Quant aux garçons, ce sera  la taille de leur pénis et l'arrivée de leurs premières éjaculations. Mais comment fait-on pour aborder ces sujets-là quand on est parents ? "Déjà, il y a des moments pour le faire. on n'en parle pas entre la poire et le fromage", conseille le psychologue. "Le meilleur endroit pour le faire, c'est en voiture. Si vous avez l'occasion de faire des petits trajets avec votre enfant, c'est idéal. En plus, on est côte à côte, on ne se regarde pas dans les yeux, c'est parfois plus facile". 

"Et puis, il y a des sujets que l'ado doit s'approprier tout seul. On n'est pas obligé par exemple de parler de la masturbation. Mais on peut l'éclairer sur ce qu'est l'éjaculation et quand est-ce que ça arrive, aidé d'un livre par exemple. On montre ainsi au jeune que c'est un sujet accessible et non tabou pour les parents. Résultat, ce sera plus facile ensuite d'aborder des thèmes comme l'homosexualité. "C'est par exemple souhaitable qu'à un moment donné, un parent puisse dire à son enfant : 'que tu aimes les filles ou les garçons, l'important pour moi, c'est que tu sois heureux'. Une phrase essentielle quand on voit le nombre de tentatives de suicide chaque année chez les jeunes homosexuels", nous dit le thérapeute.

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Ne pas parler de tout

Se montrer ouvert sur ces questions de sexualité, ce n'est pas forcément parler de tout. "La sexualité a droit à un certain secret, un certain mystère", confirme le psy. "Je fais souvent le parallèle avec une chasse au trésor : si je vous invite à en faire une et que je vous dis où est le trésor, je vous enlève une part de plaisir même si vous avez gagné du temps en le découvrant plus rapidement et que vous avez évité tous les risques. Sauf que ce qui est intéressant, c'est de vivre l'instant de la recherche, ce moment où on va trouver le Graal. Pour la sexualité, c'est pareil : à partir du moment où on a mis un certain nombre de préalables (la protection des risques de grossesse, les MST...), il faut accepter que la suite appartienne au jeune, avec ses déceptions, et ses ruptures". 

"C'est important de le dire parce que parfois, à vouloir trop bien faire, les parents vont devenir intrusifs", poursuit le thérapeute. "On me pose souvent la question suivante : 'Faut-il mettre des préservatifs dans la poche de son enfant ?'. Je pense que c'est une erreur car le jeune va se dire que ses parents veulent comptabiliser ainsi le nombre de rapports qu'il a. Résultat, la plupart du temps, il va s'acheter des préservatifs de son côté et laisser la boîte intacte bien en évidence dans sa chambre. Ce qui laissera entendre à ses parents qu'il n'a pas encore de rapports, même si ce n'est pas toujours la réalité". 


Virginie FAUROUX

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