SEULS ENSEMBLE - L'actrice Gwyneth Paltrow a confié dans une interview au "Sunday Times" ne pas vivre à plein temps avec son mari Brad Falchuk pour garder de la "fraîcheur" dans son couple. Et si c'était la clef pour durer ? Le sexologue Patrick Papazian donne son point de vue.
Début juin, l’actrice Gwyneth Paltrow révélait à l'hebdomadaire britannique Sunday Times qu'elle ne vivait que quelques jours par semaine avec son mari, Brad Falchuk. Pour quelle raison ? Dans l'interview, la star confesse vouloir garder de la "fraîcheur" dans son couple et suivre le concept de "polarité" (l'équilibre des forces), mais aussi préserver le quotidien de ses deux enfants en évitant de trop leur imposer la présence de son nouvel époux : "Tous mes amis qui sont mariés disent que la manière dont Brad et moi vivons semble est idéale et que nous ne devrions pas changer", affirme-t-elle.
Gwyneth n'est pas la seule à adopter cet art de vivre. En France, quelque 1,2 million d'amoureux ne partagent pas le même toit, selon une étude publiée en 2018 par l'Institut national d'études démographiques (Ined). Ces couples vivant chacun chez soi résident davantage en Île-de-France (27%) ou dans les grandes agglomérations (44%) et six non-cohabitants sur dix ont moins de 35 ans.
Alors cette alternative, autorisant au nouveau couple des respirations, est-elle comme l'assure l'actrice une bonne idée pour (re)partir de bon pied ? Selon le sexologue Patrick Papazian, "ce "living apart" peut effectivement être une solution, le couple posant par essence "un défi au temps" (les "super-couples" de 60, 70, 80 ans de vie commune sont très rares) "et à l’espace" (la promiscuité étant l’ennemie de l’érotisme) : "La tension érotique dans un couple réside dans la représentation de l’autre comme un continent familier mais à explorer", nous explique-t-il. "C’est cette contradiction apparente qui fait la magie du couple… ou sur laquelle reposent les difficultés. Car comment peut-on avoir envie d’explorer l’autre quand on partage son territoire 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et, pour reprendre l’image classique, quand on ramasse ses chaussettes sales sous le lit ?"
De grands avantages, de petits inconvénients
Gwyneth a raison, ce "Aimons-nous mais vivons séparés" a effectivement de réels avantages, sur le mode "J’ai mon territoire, donc nous nous invitons l’un chez l’autre ou en territoire neutre, et rejouons indéfiniment la scène de la découverte mutuelle". "C’est souvent une bonne manière de prolonger la magie des débuts", poursuit Patrick Papazian. "Je conseille toujours aux couples, même très amoureux, de ne pas se précipiter sur l’installation de leur 'chez-nous' commun."
Reste, selon le sexologue, deux limites à ce choix de vie : "La première, très concrète, c'est le désir d’enfants", concède-t-il. "La construction du nid est difficile sans habiter ensemble, et l’on conçoit que, pour des raisons matérielles évidentes, il soit plus simple d’habiter ensemble pour élever les enfants. La deuxième, c’est le désir de partager tout de l’autre, même son quotidien le plus basique. Et ce n’est pas du tout déplacé : c’est une aspiration très saine dans le couple, vouloir découvrir l’autre le matin au réveil, avec sa mauvaise haleine ou ses cheveux en bataille, ou partager des soirées plateau-télé en s’endormant l’un contre l’autre, c’est aussi cela, un couple."
Céder ou ne pas céder, au final ?
Du coup, quel conseil peut-on donner à ceux qui seraient tentés par cette option ? "Faire du living apart, oui, mais dans le même lieu d’habitation", prodigue Patrick Papazian. "Soit conserver chacun, symboliquement ou concrètement, un espace dédié. Que l’un puisse avoir son placard où il met ses affaires de sport, l’autre son bureau personnel dans lequel il range son papier, évidemment si l’espace le permet, une pièce c’est encore mieux (un boudoir, en quelque sorte). Cette territorialité renforcera la magie des moments passés en terres communes. Et, quand on invite l’autre à venir sur son espace personnel, c’est un peu 'Rendez-vous en terre inconnue' et la promesse d’une grande confiance réciproque."
Le sexologue conseille ce "vivre ensemble séparément" pour lutter contre le syndrome du nid vide avec le départ des enfants devenus grands et les parents se retrouvant un peu tristes et trop fusionnés dans leur espace commun : "Pourquoi ne pas reprendre chacun un chez-soi comme dans ses premières années ?", affirme-t-il. "Certains couples ont surmonté une crise en rejouant leurs débuts et c’est une solution maligne quand on a le courage (et les moyens) de la déployer."