COMPLEXES - On ne se l’avoue que très rarement mais être parent n’est pas toujours une sinécure. On a peur de mal faire, notamment face aux images parfaites de la parentalité renvoyées par les réseaux sociaux. Alors qu'une campagne, #vraieviedeparents, vient d'être lancée, une psychologue spécialisée dans le burn-out familial nous délivre ses conseils pour se libérer de cette pression.
C'est quoi être un bon parent ? Y-a-t-il vraiment une définition à cela ? Ce serait trop simple, me direz-vous. Comme si, une fois qu'on le devient, on avait juste à lire une fiche avec le mode d'emploi correspondant. Eh bien non, lorsque l'enfant paraît, rien ne se passe comme on l'imagine. Le sommeil, la routine, le couple, tout change, et on se retrouve rapidement submergé par un tourbillon de tâches, d'obligations... et de stress.
Résultat, on se précipite sur les livres et manuels du "jeune parent" à portée de main, et quand on n'y trouve pas le réconfort escompté, on se tourne vers ce qui nous semble être le Graal dans bien des situations : internet. Sauf que bizarrement, sur les réseaux sociaux, ça ne se passe pas vraiment comme dans la vraie vie. Les mamans y sont toujours rayonnantes, quand nous, une fois sur deux, on déboule à l'école le cheveux hirsute.
Selon une étude Yougov réalisée pour WaterWipes, une marque irlandaise de lingettes pour bébés, 52% des parents français disent ne pas se reconnaître dans les images "parfaites" publiées sur la toile. Et ils sont plus de 7 sur 10 à réclamer un peu plus d'honnêteté et d'authenticité. Mais pourquoi faut-il à tout prix se montrer comme un parent 100% épanoui ? Comme si avouer que c'est difficile était aussi tabou que d'affirmer qu'on n'a pas aimé sa grossesse. Pourtant, c’est possible, et ça n'a rien d'anormal. C'est pour cette raison que WaterWipes a décidé de lancer la campagne #vraieviedeparents, avec à la clé un documentaire sans fards où 86 parents habitant sur trois continents ont confié leurs sautes d'humeur, leurs pleurs, et leurs grandes découvertes. Tout simplement.
Injonctions paradoxales
Selon ces couples, être parent est d'abord un choc : "Whaou, ce petit être est à moi, je dois le protéger, l'aimer", témoignent certains. Puis c'est le quotidien avec bébé et son lot de désagréments : "Entre ce que l'on imagine et la réalité il y a un gouffre, un vrai gouffre", avouent d'autres couples. Cette réalité, la psychologue clinicienne, Aline Nativel Id Hammou, spécialisée dans le burn-out familial, la connaît bien, notamment parce que la parentalité a énormément changé au cours des dernières décennies. "Le rythme dans lequel nous vivons est tout simplement étourdissant. Prenons les activités, elles sont la plupart du temps trop nombreuses. Certains parents s'aperçoivent ainsi que du lundi au samedi, ils ne s'arrêtent jamais. L'hyperstimulation fait partie des injonctions que les parents s'imposent", explique-t-elle à LCI.
Deuxième constat, le nombre de manuels au sujet de l'éducation des enfants s'est multiplié, là où il y a quelques années à peine, un seul livre existait sur le sujet. "Car les parents veulent aujourd'hui systématiquement réactualiser leurs connaissances, voire en apprendre de nouvelles. C'est une quête perpétuelle, confirme la psychologue. Ainsi, certains se posent la question de l'amour qu'ils doivent donner à leurs enfants. Par exemple, quand ils en ont déjà un, 'est-ce qu'il faut que ce soit exactement pareil pour le deuxième ?' Ou 'est-ce normal de ne pas aimer mon bébé au premier regard, de ne pas ressentir ce truc formidable ?'. Quand d'autres aimeraient qu'on leur livre la bonne méthode : il y a eu la vague Montessori, ou encore la mode de l'éducation positive. Sauf qu'à force, ils ne s'y retrouvent plus avec toutes ces injonctions paradoxales où on doit être autoritaire et en même temps ne pas crier sur son enfant".
Autre phénomène pointé du doigt par notre thérapeute, ce besoin de se comparer avec les autres parents. Pour mieux se rassurer ? Pas vraiment... C'est le fameux effet miroir des réseaux sociaux décrypté dans l'étude menée par WaterWipes : 29% des parents français interrogés admettent ressentir une pression après avoir passé du temps dessus. Conséquence, ils ont la sensation de ne pas pouvoir parler de leurs difficultés ouvertement, par peur d’être jugés par les autres. "Quand vous postez des photos ou des vidéos de votre enfant, il suffit que quelqu'un fasse une remarque parce qu'il est mal coiffé, mal habillé ou sur la façon dont vous le tenez, et c'est la catastrophe, ironise Aline Nativel Id Hammou. C'est une remise en question permanente sur le bien fondé de ce que l'on fait ou pas".
Alors, comment faire pour se départir de cette pression folle ? "Je leur dis : 'soyez tout simplement bon en fonction de ce que vous êtes et de qui est votre enfant. Il n'est pas toujours merveilleux de 7h du matin jusqu'à 21h, et bien vous aussi, avance la psychologue. Il faut également oser verbaliser. Dire à son enfant qu'on n'a pas toujours envie de faire telle ou telle chose avec lui, c'est ça la vraie vie de parents. Plus ils seront authentiques avec leurs enfants et avec eux-mêmes et mieux ça se passera. Car le meilleur moyen que ça explose, c'est de se forcer".
DÉ-DRA-MA-TI-SER
Une chose est sûre, il ne faut pas attendre le point de non retour pour demander de l'aide. "Malheureusement, dans 80% des cas, je reçois des parents qui sont au bout du bout, s'alarme notre thérapeute. Ainsi, j'ai eu une maman dans mon cabinet qui m'a dit dernièrement : 'je suis sur votre canapé parce que j'ai failli rentrer dans une agence de voyage pour prendre un billet sans retour en laissant mon travail, mes enfants et mon mari'. Elle n'arrivait plus à tout gérer".
Premier conseil : il faut DÉ-DRA-MA-TI-SER. Vous avez fait du cododo avec votre enfant pendant une semaine ? Pas grave. "Emmener votre enfant tous les jours au parc, vous ennuie ? Vous avez le droit. "En fait, vous pouvez faire plein d'erreurs, crier sur votre enfant, mais il y a une ligne rouge à ne pas dépasser, c'est la violence, verbale ou physique, ou la maltraitance, prévient Aline Nativel Id Hammou, qui conseille vivement de consulter "si vous ressentez à un moment donné des gestes d'énervement. "J'insiste bien sur ce terme, je ne parle pas de gestes d'agacement", souligne-t-elle.
Enfin, "arrêter d'être ultraconnecté et de chercher tout le temps une information. Car sur les forums, le parent qui témoigne, c'est son histoire et celle de son enfant, pas la vôtre. Ce que vous allez y voir voir ne sera jamais du copié-collé de ce que vous vivez", conseille notre thérapeute. Et si vous avez ce besoin irrépressible d'être rassuré, allez plutôt faire un petit tour sur la page Facebook de Danielle Guenther. Cette américaine, photographe de profession, a décidé d'immortaliser des scènes du quotidien bien plus réalistes. C'est après une séance photos dans une famille qu'elle a eu le déclic : "La maman s’était juste effondrée épuisée dans le canapé", raconte-t-elle sur sa page. Juste après, le père s’est aussi avachi sur le canapé, à côté de la maman. Elle a tout simplement intitulé cette photo "Être parent est épuisant".
Quand elle a publié cette photo sur sa page Facebook, les gens ont adoré, témoigne-t-elle. Pourquoi ? Car ils se sont tout simplement reconnus dans cette situation. Très éloignée de ces images presque parfaites qui circulent sur internet, où il faut à tout prix être performant. Et Aline Nativel Id Hammou de conclure : "J'avais en consultation une maman qui était éducatrice spécialisée et elle me disait tout le temps : 'je ne comprends pas, vu mon métier, je devrais tout savoir avec mon enfant, or je n'y arrive pas'. Sauf que ce qu'elle ne comprenait pas, c'est que face à son enfant, elle n'exerçait pas un métier, elle était juste une maman. Et ça, ça change tout !"