TRAGEDIE EN CINQ ACTES - L'appel de Manuel Valls à voter pour Emmanuel Macron, mercredi matin, a fait sauter les digues de l'unité au sein du Parti socialiste. Coincé entre Emmanuel Macron, qui siphonne les "réformateurs" de gauche, et la dynamique de campagne de Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon n'est pas parvenu à trouver une alliance avec la gauche radicale.
Au soir du 29 mars, à quatre semaines du premier tour, le sort de la gauche à la présidentielle semble scellé : elle partira totalement désunie au combat. A côté des deux candidats d'extrême gauche, trois candidats se partageront séparément les différentes sensibilités "progressistes", Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron.
La fracture de ces "gauches irréconciliables", selon l'expression inventée par Manuel Valls, était annoncée depuis le début de la campagne. Elle s'est accélérée au cours de ces dernières heures. En voici un résumé.
Acte I - Valls officialise son rattachement à Macron
Longtemps hésitant sur le sujet, prenant progressivement ses distances vis-à-vis du vainqueur de la primaire citoyenne, Benoît Hamon, en refusant de le parrainer, l'ancien Premier ministre Manuel Valls franchit le Rubicon mercredi matin. Sur BFMTV, il annonce qu'il votera pour Emmanuel Macron. Pour justifier cette position contraire à son engagement lors de la primaire, il invoque "le choix de la raison" face à la menace du Front national.
L'annonce suscite une réaction plutôt timide d'Emmanuel Macron, qui cherche à éviter le piège tendu par la droite et l'extrême droite : celui de passer pour le successeur de François Hollande. Le candidat d'En Marche! remercie donc Manuel Valls, tout en rappellant ses engagements en matière de "renouvellement" de la vie politique.
Acte II - L'heure des règlements de comptes au PS
Sitôt l'annonce faite, plusieurs ténors socialistes tombent littéralement sur Manuel Valls. A commencer par l'ancien concurrent à la primaire, Arnaud Montebourg, qui signe un tweet ravageur fustigeant "un homme sans honneur". "Tu nous fais honte", tance le député Patrick Menucci. "Minable", accuse Karine Berger, également députée. "Bon débarras", lance Pascal Cherki, membre de l'aile gauche du PS, "ça permet de faire une campagne plus claire". "Saboteur", crie Mathieu Hanotin, le porte-parole de Benoît Hamon. Plus sobrement, coincé entre les deux courants, Jean-Christophe Cambadélis se dit "triste" de la décision de l'ancien Premier ministre.
Acte III - Le Pen et Fillon s'engouffrent dans la brèche
Le ralliement de Manuel Valls est une aubaine pour la droite et l'extrême droite, qui ont fait de l'héritage de François Hollande leur principal angle d'attaque contre Emmanuel Macron, en tête dans les sondages. La députée FN Marion Maréchal-Le Pen explique ainsi que "l'ancien Premier ministre de Hollande votera pour l'ancien ministre de l'Economie de Hollande. Macron n'est qu'une réincarnation". François Fillon, lui aussi, savoure la division de la gauche : "Avec le ralliement de Manuel Valls, il est clair désormais que le gouvernement Hollande joue les prolongations. Besoin d'alternance !"
IV - Epaulé par Aubry, Hamon se tourne vers Mélenchon
C'est le Parti communiste qui va lancer officiellement l'initiative : son secrétaire national, Pierre Laurent, juge que le moment est venu d'organiser un rapprochement entre les communistes, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, le départ de Manuel Valls ayant clarifié les choses. Pendant ce temps, Martine Aubry charge très violemment Manuel Valls et Emmanuel Macron, ne s'estimant "pas surprise" car selon elle, "qui se ressemble s'assemble". L'enjeu, pour la maire de Lille, est de faire de Benoît Hamon l'héritier légitime de la famille socialiste.
En déplacement à Douai avant son meeting à Lille en compagnie de l'ancienne patronne du PS, Benoît Hamon rebondit sur la proposition du PCF et tente l'opération de la dernière chance. Il lance un appel solennel à Jean-Luc Mélenchon à réaliser l'unité pour se qualifier au premier tour. Son argument : la clarification de la ligne socialiste grâce au départ de Manuel Valls. Signe du désordre ambiant, Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, critique au même moment le candidat de La France insoumise.
V - Mélenchon rejette la proposition et enterre le PS
Il faudra attendre le meeting de mercredi soir, au Havre, pour entendre la réponse de Jean-Luc Mélenchon. Et elle est cinglante. "Je resterai fidèle à la parole donnée. Je ne négocierai rien du tout [...] Je ne vais pas commencer aujourd'hui à m'engager dans je ne sais quel improbable arrangement", tonne le candidat, conscient de sa dynamique de campagne (il bénéficie désormais de 14 à 15% des intentions de votes, soit cinq points de plus que Benoît Hamon). Puis il prononce littéralement l'oraison funèbre du Parti socialiste : "Si j'en suis parti, c'est parce que je savais que cette histoire finirait mal. J'avais compris que, dirigés par Hollande et compagnie, on finirait dans cette impasse misérable". Et de conclure sur ce sujet :
Le PS vient d'éclater sous nos yeux. C'est un événement considérable. Il faut combler le trou qui a été créé
Jean-Luc Mélenchon
Informé de la réponse durant son propre meeting, à Lille, Benoît Hamon ne peut que constater l'échec de l'alliance à gauche. "Je regrette ce que Jean-Luc a répondu ce soir", lance-t-il devant ses militants. "Une fois de plus, un certain caractère l'empêche d'être plus utile à la gauche qu'il ne l'est en réalité".
Et de se tourner, en dernier recours, vers les électeurs de gauche, "puisque les appareils ne le veulent pas". C'est donc, au bout du compte, le suffrage universel qui décidera donc du sort de la gauche et de sa recomposition désormais inéluctable.
Tout
TF1 Info
- InternationalHaut-Karabakh : l'enclave au centre des tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
- Police, justice et faits diversDisparition inquiétante de Lina, 15 ans, en Alsace
- Police, justice et faits diversAttentat de Magnanville : sept ans après, l'heure du procès
- SportsRC Lens
- Sujets de sociétéLe pape François à Marseille, une visite historique