La défense de François Fillon passée au crible

Anaïs Condomines et William Molinié
Publié le 1 mars 2017 à 22h51

Source : Sujet TF1 Info

RIPOSTE - Estimant que sa future mise en examen constitue un "assassinat de l'élection présidentielle", François Fillon s'est défendu lors de sa conférence de presse, mercredi. Il a notamment ciblé la justice et la presse. A-t-il raison ? Nous avons passé la défense du candidat LR au crible.

Beaucoup pensaient qu'il renoncerait. François Fillon, au contraire, s'est offert ce mercredi une tribune de choix pour affirmer que, malgré sa prochaine convocation en vue d'une mise en examen, l'ambiance était loin d'être au renoncement. Et pour appuyer la posture d'un présidentiable "qui ne cède pas", "qui ne se rend pas", le candidat a choisi de se poser en victime des acharnements conjugués de la presse et de la justice. De fait, plusieurs phrases qu'il a prononcées sont exagérées, voire inexactes : 

Une enquête préliminaire a été ouverte en quelques heures

C'est vrai. Tout a commencé le 25 janvier dernier, avec les révélations du Canard Enchaîné sur la rémunération, entre 1998 et 2007, de Penelope Fillon comme attachée parlementaire de son mari ou de son suppléant, Marc Joulaud. La réaction du parquet national financier ne se fait pas attendre et intervient le jour même. Une enquête préliminaire est ouverte, des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits.  

Mais dans son discours, François Fillon déploie cet argument comme s'il pouvait apporter la preuve d'un excès de zèle à son égard. Or, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'une enquête préliminaire soit ouverte rapidement. C'est même là tout son but. Sur le site du ministère de la Justice, on rappelle bien qu'elle "se distingue d'une procédure en flagrance". En clair : l'enquête préliminaire existe pour permettre d'enclencher une enquête, alors même que les faits ne sont pas simultanés. 

Par ailleurs, rappelons que la procédure n'a rien d'exceptionnel dans les cas d'affaires révélées par la presse. Lorsque Mediapart et France Inter ont publié les accusations de plusieurs femmes politiques à l'encontre de Denis Baupin, par exemple, le parquet de Paris a annoncé, dès le lendemain, l'ouverture d'une enquête préliminaire confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne. 

Les procès-verbaux, contrairement à la loi, ont été immédiatement communiqués à la presse sans qu'à aucun moment le garde des Sceaux ne s'en émeuve

Par cette formulation, François Fillon sous-entend qu'il existe un canal connu de tous par lequel sont transmis les procès-verbaux des auditions, qui seraient alors "communiqués" au même titre que des informations émanant d'institutions officielles. C'est évidemment faux. Le contenu de l'audition de Penelope Fillon, qui s'est retrouvé dans Le Monde du 6 février, est une fuite, obtenue par le travail de journalistes de Gérard Davet et Fabrice Lhomme qui ont signé l'article. On peut s'interroger toutefois sur l'origine des fuites. 

En revanche, là où François Fillon n'a pas tort c'est lorsqu'il souligne le silence du garde des Sceaux qui jusqu'à aujourd'hui, ne s'était pas ému de l'affaire. Néanmoins, dans la foulée de l'allocution de François Fillon, le Président de la République a tenu à s'élever contre "toute mise en cause des magistrats dans les enquêtes et les instructions qu'ils mènent dans le respect de l'Etat de droit". Le garde des Sceaux, quant à lui, a rappelé que "les magistrats ne reçoivent aucune instruction individuelle". 

Les arguments de faits que j'ai présentés n'ont pas été entendus ni relayés

C'est faux. Si la presse a largement relayé les accusations du Canard Enchaîné, si de nombreuses rédactions ont elles aussi mené l'enquête de leur côté, afin de déterminer, par exemple, si Penelope Fillon avait réellement occupé un poste d'assistante à Sablé-sur-Sarthe, elle s'est aussi fait l'écho de la défense du candidat. Sur LCI, nous avons par exemple relayé les éléments de salaires publiés par l'équipe de François Fillon. Nombreux sont les articles consacrés aux diverses prises de parole d'Antonin Lévy et Pierre Cornut-Gentille, les deux avocats du couple Fillon.  Leurs allocutions, sous forme de conférence de presse, ont été diffusées en direct sur les grandes chaînes et sites d'information. Par conséquent, "les arguments de faits" ainsi exposés ont pu être rendus publics et ensuite discutés. 

Montage picmonkey

Anaïs Condomines et William Molinié

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