JUSTICE - Convoquée ce mardi dans le bureau des juges d'instruction, Penelope Fillon risque une triple mise en examen, pour recel de détournement de fonds publics, recel d'abus de biens sociaux et recel d'escroquerie aggravée. Le JDD a révélé l’argumentaire de défense de l’épouse du candidat de la droite à la présidentielle.
Les juges d’instruction doivent encore établir si ses emplois étaient ou non fictifs, mais la réalité de l'enquête est en train de rattraper Penelope Fillon. Selon le JDD, l’épouse du candidat de la droite à la présidentielle est convoquée mardi dans les locaux du Groupe d’intervention régional, à Versailles. Et elle risque rien de moins qu’une triple mise en examen, pour recel de détournement de fonds publics, recel d'abus de biens sociaux et recel d'escroquerie aggravée. L’hebdomadaire révèle, en outre, la stratégie de défense qu’elle avait développée lors de sa première audition, le 30 janvier. Une stratégie qu’elle devrait encore opposer aux enquêteurs ce mardi.
"Je m’occupais du courrier arrivant à notre domicile, demandes d’administrés, problèmes personnels de gens en difficulté, sollicitations diverses", s'est-elle d’abord justifié, d'après Le JDD, concernant son emploi d’attachée parlementaire de son mari, alors député de la Sarthe, entre 1998 et 2002, pour 3.340 euros net par mois. Un travail qu’elle prétend avoir effectué dans le manoir familial de Beaucé, "sans jamais se rendre à l’Assemblée nationale".
Sur son emploi d'attachée parlementaire auprès de Marc Joulaud, suppléant sarthois de François Fillon, de 2002 à 2007, l’épouse de l’ex-Premier ministre dit, toujours selon Le JDD, avoir continué à traiter le courrier et les demandes de particuliers. Problème : à l’époque, le couple Fillon réside à Paris. "Par exemple, j'emmenais le courrier reçu au domicile le week-end pour le traiter à Paris", a-t-elle répliqué sans se démonter. Affirmant ne s’être pas non plus rendu à l’Assemblée nationale à ce moment-là. "Cela tient à mon souhait de rester dans l'ombre, pour des raisons de caractère", a-t-elle expliqué… Tout en indiquant : "J'étais à même d’apporter à Marc Joulaud un retour sur la façon dont les gens percevaient son action ; étant un peu réservé de nature, lui n'allait pas spontanément vers les gens."
Le flou s’épaissit encore lorsqu’il s’agit d’évoquer la période allant du 1er juillet 2012 au 30 novembre 2013, pendant laquelle Penelope Fillon était à la fois salariée à temps plein de la Revue des deux mondes pour 3.900 euros net par mois, passait un diplôme de Bachelor of Arts en littérature anglaise, et était l’assistante parlementaire, à temps plein, de son mari pour 3.300 euros mensuels. "J’organisais mon temps de travail comme je le voulais, et il n’y avait pas vraiment de week-end ni de repos hebdomadaire", aurait-elle affirmé aux enquêteurs soupçonneux. Pourquoi travaillait-elle encore depuis la Sarthe alors que, cette fois, François Fillon était élu de Paris ? "Comme tout député, mon mari représente la nation et pas la circonscription d'où il est élu. Il avait le souhait de rester en contact avec ses électeurs d'origine".
Penelope Fillon devra, en outre, livrer des éclaircissements sur le nombre précis de ses heures de travail. Le JDD révèle en effet aussi que, sur une fiche de renseignement remplie en 2012 au sujet sa dernière activité d'attachée parlementaire, elle avait indiqué travailler "14 heures par mois". Mais, lors d’une 2e perquisition dans le bureau de François Fillon, les enquêteurs ont découvert le brouillon de cette même fiche, dans lequel était inscrit cette fois "30 heures par mois". La nuance a son importance : dans cette fiche, elle s’était engagée à ne pas dépasser un quota de 180 heures cumulées. Le Parquet national financier considère ces faits comme susceptibles de constituer des infractions de faux et d'escroquerie aggravée.
C’est donc sur ses heures de travail en tant que "conseiller littéraire" à la Revue des deux mondes que les enquêteurs se focalisent désormais. Un travail qui aurait consisté, selon Penelope Fillon, à délivrer "quatre ou cinq fois" des conseils "oraux uniquement dispensés à M. Ladreit de Lacharrière", propriétaire du titre et ami de longue date de son époux. "Vous avez effectué pendant vingt mois une mission de réflexion stratégique sur la Revue des deux mondes sans jamais y aller, ni rencontrer le directeur, ni les employés et auteurs de cette revue ?", s’est étonné un policier, selon le compte-rendu de l'audition révélé par Le JDD. "J’ai été déçue de ne pas être plus sollicitée", a rétorqué Mme Fillon, qui a admis avoir trouvé son salaire "très généreux". De son côté, Marc Ladreit de Lacharrière a confié à des proches qu’il ignorait que Penelope Fillon était en même temps salariée par son mari.