Coronavirus : un report des élections municipales est-il encore envisageable ?

Publié le 12 mars 2020 à 17h31, mis à jour le 12 mars 2020 à 17h50

Source : JT 13h Semaine

SCRUTIN - Après leur entrevue avec Edouard Philippe, jeudi 12 mars, les chefs de partis politiques s'accordaient pour dire que les élections auraient bien lieu. Le gouvernement n'a cessé de répéter que le scrutin se tiendrait. Emmanuel Macron peut-il en décider autrement en raison de l'épidémie ?

Et si l'on assistait à un report de dernière minute des élections ? Alors que le gouvernement a systématiquement exclu, ces derniers jours, l'hypothèse reportant les municipales à une date ultérieure, malgré l'évolution de l'épidémie de coronavirus sur le territoire, l'hypothèse continuait d'être alimentée jeudi 12 mars, à seulement trois jours du premier tour. 

Selon le JDD, le scénario serait même désormais envisagé. "Toutes les options sont ouvertes", même si "rien n'est décidé", a indiqué une source citée par le journal. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat auraient même été consultés. L'Elysée aurait évolué sur sujet en raison des dernières "données scientifiques" fournies sur l'évolution de l'épidémie. 

Le matin même, les chefs de partis étaient pourtant convaincus que les élections auraient bien lieu, après leur entrevue avec le Premier ministre Edouard Philippe. Lors d'une conférence de presse, la maire de Paris Anne Hidalgo, qui a été en contact avec Christophe Castaner pour l'organisation du scrutin, se disait également prête à ce que le scrutin s'organise dans de bonnes conditions dimanche. 

Situation évolutive

"L'analyse, c'est qu'il n'y a pas de danger à aller voter, surtout si l'on prend les mesures nécessaires", confiait encore dans la matinée une source à Matignon à LCI. "Si l'on pensait autre chose, on changerait", précisait-elle cependant, prudente. "Ce n'est pas anodin de reporter une élection."

Pourrait-il finalement annoncer un report du scrutin ? "Les élections se tiendront", croyait encore savoir, dans l'après-midi, un membre du gouvernement. "On est tous d'accord au gouvernement. Il n'y a pas plus de risque dans un bureau de vote que dans les supermarchés ou les transports."

Une chose était à peu sûre ce jeudi : on ignorait encore la teneur exacte de ce qu'Emmanuel Macron devait annoncer lors de son allocution télévisée à 20h. Chose inhabituelle pour le chef de l'Etat, cette intervention ne devrait pas être enregistrée, mais en direct. 

Emmanuel Macron a rencontré son ministre de la Santé, Olivier Véran, en fin de matinée, avant un échange avec le conseil scientifique installé dans la journée, puis une réunion avec les ministres concernés, en vue de l'intervention télévisée. "On ne peut pas dire ce qu'il dira ce soir", expliquait à LCI l'entourage du chef de l'Etat. "Cela sera ajusté dans la journée."

"Cela a bien été envisagé au déjeuner ce midi", a indiqué une source ministérielle à une journaliste de LCI. "Mais tout dépendra des décisions sanitaires."

Un casse-tête légal

Si telle devait être la décision du chef de l'Etat, l'éventuel report devrait s'appuyer sur une solide base légale. En droit français, on ne reporte une élection qu'au moyen d'une loi, promulguée après un passage au Parlement. Une option qui semble difficile à retenir en trois jours, d'autant que l'Assemblée nationale est actuellement en congé. 

Le JDD évoquait de son côté deux autres hypothèses : qu'Emmanuel Macron décrète l'état d'urgence, ou bien qu'il invoque l'article 16 de la Constitution. S'agissant de l'état d'urgence, régi par la loi du 3 avril 1955, cela ne va pas de soi. Fin 2015, le Conseil d'Etat avait rejeté une demande de report des élections régionales à la suite des attentats du 13 novembre, estimant que l'état d'urgence alors décrété ne créait pas "des circonstances qui rendraient nécessaire un report des élections, ni au regard des exigences de sûreté, ni s'agissant de la libre expression du suffrage ou de la sincérité du scrutin". 

"Le report exige une loi, c'est trop tard", a analysé auprès de LCI le constitutionnaliste Olivier Duhamel. "Un éventuel report n'est possible que par la mise en oeuvre de l'article 16, les pleins pouvoirs présidentiels, ce qui serait contestable, et contesté."

L'article 16 de la Constitution prévoit que "lorsque les institutions de la République [...] sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel", avant d'en "informer la Nation par un message". Cette situation confère des pouvoirs exceptionnels au chef de l'Etat pour au moins trente jours. 

La semaine dernière, des juristes avaient émis une autre hypothèse, notamment dans Le Monde. Le ministre de la Santé pourrait invoquer l'article L3131-1 du Code de la santé publique pour prendre un arrêté suspendant les élections, au moins sur une partie du territoire, en raison de l'épidémie. Mais ce choix qui contraindrait l'exécutif à annuler le décret pris en conseil des ministres en septembre dernier, portant convocation des électeurs. 


Vincent MICHELON

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