PORTRAIT - Le maire d'Hénin-Beaumont, 44 ans, est le nouveau président par intérim du Front national, en remplacement de Jean-François Jalkh, accusé de propos négationnistes. Cadre historique du FN, Steeve Briois incarne l'ancrage territorial du parti sur des terres de gauche, dans le nord de la France. Il sera prochainement jugé pour provocation à la haine raciale.
Peu après son élection à la mairie d'Hénin-Beaumont, commune du Pas-de-Calais devenue symbole pour être passée au FN après des décennies à gauche, Steeve Briois a décidé d'enlever le buste de Jean Jaurès du hall de l'Hôtel de ville pour le mettre... dans son bureau. Symbole de la nouvelle stratégie du parti d'extrême-droite, qui vient chasser sur les terres des socialistes, le maire d'Hénin-Beaumont sera le nouveau président par intérim du FN, en remplacement de Jean-François Jalkh, accusé de propos négationnistes.
À la fois figure historique du Front, incarnation de sa "dédiabolisation" et acteur des récents succès électoraux du parti, Steeve Briois, militant devenu président, remplacera Marine Le Pen qui a déclaré lundi se mettre "en congé" de son poste à la tête du FN. Également député européen depuis 2014, il était jusqu'ici l'un des vice-présidents du parti.
Né à Seclin, à une dizaine de kilomètres d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois adhère au FN en 1988, à 16 ans. Dans son livre Voyage au bout de la France, le journaliste Claude Askolovitch décrit le jeune frontiste de 15-16 ans "jubilant", des affiches de Jean-Marie Le Pen en main, dans un bus rempli d'immigrés. Après un BTS au lycée d'Hénin-Beaumont, il vend des abonnements à Numéricable.
"Si un jour tu vois une voiture qui brûle, (...) tu prends la photo. Nous, on fait un tract pour ça, dans tout le quartier.
Steeve Briois
En 1995, un an après être devenu responsable du FN à Hénin-Beaumont, il est élu conseiller municipal de la ville. En 1998, il adhère au Mouvement national républicain, le parti dissident fondé par Bruno Mégret, et devient conseiller régional. Il retournera au FN en 2001. Suppléant de Marine Le Pen lors de la campagne législative de 2007, il poursuit son ancrage territorial dans le nord de la France et, parallèlement, son ascension dans la hiérarchie du FN. La même année, il entre dans le bureau politique du parti. Steeve Briois devient secrétaire général du FN en 2011.
En 2013, le livre Le Front national des villes et le Front national des champs d'Octave Nitkowski évoque l'homosexualité de Steeve Briois. Ce dernier obtient d'abord l'interdiction du livre auprès de la justice, mais la Cour d'appel de Paris infirme finalement ce jugement. L'année suivante, il devient maire d'Hénin-Beaumont, après deux tentatives infructueuses.
Au début des années 2000, la méthode Briois suscitait déjà l'intérêt du documentarite Édouard Mills-Affif, qui a réalisé en 2004 "Au pays des Gueules noires : la fabrique du Front national". On y voit le futur maire révéler des techniques pour s'imposer localement. "Un tract, c’est rédigé en un quart d’heure, ça peut être photocopié, ça prend une heure", explique Steeve Briois dans le documentaire. "Si un jour tu vois une voiture qui brûle (...), tu prends la photo. Nous, on fait un tract pour ça, dans tout le quartier. (...) C'est des actions de proximité. (...) C'est ce qu'on fait à Hénin-Beaumont et ça marche."
Il sera prochainement jugé pour provocation à la haine raciale
Une semaine avant son élection à la mairie, Najat Vallaud-Belkacem attaquait le futur maire : "C'est quoi le programme [du FN] ? Obliger les enfants à manger du jambon ? Obliger les bibliothèques à s'abonner à Minute ?" Steeve Briois avait rétorqué que "le seul argument de ces gens-là, c’est dire : 'Attention, vous allez avoir une mairie raciste, xénophobe !'" Devenu une personnalité de premier plan au FN, il fait un doigt d'honneur à un journaliste d'Envoyé spécial, en mars 2017 au Parlement européen. Le journaliste enquêtait sur les soupçons d'emplois fictifs visant le FN.
Au Parlement européen, Steeve Briois, vice président du #FN , parle à notre journaliste… en langage des signes #EnvoyeSpecial pic.twitter.com/QuZx3h542d — Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) 16 mars 2017
Ce n'est pas le seul accroc qui a opposé Steeve Briois aux médias. Le maire d'Hénin-Beaumont est en conflit avec le quotidien local La Voix du Nord. En janvier 2017, il a fait le lien entre un plan social au journal et sa ligne éditoriale qu'il n'estime pas assez favorable au FN. "Les 178 postes menacés à La Voix du Nord (...) sont la malheureuse conséquence d’une ligne éditoriale qui s’est radicalement politisée ces dernières années (...) au risque de ne plus faire d’information et d’imposer un militantisme rebutant", avait alors écrit le maire frontiste dans un communiqué.
En décembre 2015, La Voix du Nord avait inscrit sur sa une "Pourquoi le Front national nous inquiète". Et Steeve Briois de répliquer dans le bulletin municipal d'Hénin-Beaumont, accusant le quotidien de "partialité" et de "dérapages".
En novembre 2016, le cadre frontiste publie un tweet qui fait le lien entre la répartition des migrants dans les pays européens et "l'explosion des agressions sexuelles, en Allemagne, en Suède, en Autriche", en reprenant des propos prononcés au Parlement européen. La Licra, qui avait signalé ce tweet au parquet de Paris, a annoncé jeudi que "le procureur de la République de Paris a décidé de renvoyer Steeve Briois devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pour provocation à la haine raciale et diffamation raciale". Selon l'association, qui se constituera partie civile, le procès aura lieu le 11 octobre.
"La répartition des #migrants a pour conséquence l’explosion des agressions sexuelles, en Allemagne, en Suède, en Autriche, etc.." #PlenPE — Steeve Briois (@SteeveBriois) 23 novembre 2016
Dernière illustration de la "méthode Briois" : le maire d'Hénin-Beaumont a déclaré, le soir même de la qualification de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle : "Maintenant [elle] va s'adresser à tout le monde, mais aussi aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, cet électorat va revenir à la maison (...) la stratégie va être de parler aux travailleurs. (...) Avec Emmanuel Macron, ça va être un vote de classes : d'un côté les ultra-libéraux, de l'autre la France qui souffre."
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