"Vieux routier", candidat qui "guérit les aveugles"... quand Philippe avait la dent dure contre Macron dans "Libération"

par Antoine RONDEL
Publié le 16 mai 2017 à 7h43
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Source : Sujet JT LCI

VACHERIES - Nommé lundi 15 mai Premier ministre d'Emmanuel Macron, Edouard Philippe n'a pas toujours été tendre avec le président de la République. Il l'a ainsi égratigné dans ses chroniques publiées dans "Libé", où ce proche d'Alain Juppé, soutien de François Fillon pour l'élection présidentielle, commentait la campagne d'une plume acérée.

Emmanuel Macron et Edouard Philippe, le nouveau Premier ministre, se connaissent plutôt bien. Quand ils se sont rencontrés, en 2011, le premier travaillait encore pour la banque Rotschild et commençait à peine l'écriture du programme économique de François Hollande avec le groupe de La Rotonde, et le second, maire du Havre depuis 2010, n'était pas encore député. Depuis, le lien entre les deux hommes n'a jamais vraiment été rompu. 

Et dans la plupart de ses interventions médiatiques, ce proche d'Alain Juppé a rarement manqué une occasion de dire tout le bien qu'il pensait de l'ambitieux ministre puis candidat puis Président. "Je l'aime beaucoup à titre personnel. [...] Macron pense à 90% la même chose que moi", convenait-il en 2015 auprès du JDD. "Il est intelligent, il dit des choses souvent censées", expliquait-il en 2016 aux Echos.

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"Conquérant juvénile", "vieux routier", "représentant emblématique du système"

Une estime qui n'empêche pas d'égratigner. Cela avait commencé en 2014, au moment de la nomination d'Emmanuel Macron à Bercy. L'idée qu'un président de la République élu en désignant le monde de la finance comme son ennemi nomme à ce poste stratégique un ancien de la banque Rotschild n'avait pas échappé à l'élu haut-normand :

Edouard Philippe sur Emmanuel Macron
Edouard Philippe sur Emmanuel Macron - Capture d'écran

Auteur d'une chronique hebdomadaire dans Libération à partir de janvier 2017, le député-maire du Havre a réservé quelques coups de griffe à destination du futur président de la République. La première d'entre elles, en date du 18 janvier, fait partie des plus cruelles : "Il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendès-France. On peut en douter. Le premier avait plus de charisme, le second plus de principes." L'envolée lyrique du "PROJEEEET" et la "trahison" faite à Hollande est toujours dans les têtes. A tel point qu'Edouard Philippe rapproche le candidat d'En Marche ! d'un certain Macron, "haut fonctionnaire" romain devenu "le conseiller de l'empereur Tibère", et dont le poète Suétone raconte qu'il "finira par l'assassiner". Une anecdote qu'il aime à reprendre, si l'on en croit le JDD

Militant politique dès son plus jeune âge (il milita en faveur de Michel Rocard lorsqu'il était étudiant), Edouard Philippe ne se dit pas dupe de la "Révolution" Macron et de son profil anti-système. Au contraire, juge-t-il le 15 février, il en est "le représentant emblématique". Et de moquer un Macron "qui n'assume rien mais promet tout, avec la fougue d'un conquérant juvénile et le cynisme d'un vieux routier".

La dimension christique du candidat, reconnue par le principal intéressé, n'échappe pas à la plume acérée du quadragénaire : "Il guérit les aveugles, multiplie les pains, répand la bonne parole". Et de prévenir, le 1er mars, citant le Christ lui-même, comme pour prévenir les convertis au macronisme des futures déceptions : "Il en viendra beaucoup sous mon nom qui diront : 'C'est moi le Christ', et ils abuseront bien des gens."

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Des moqueries aux discrets appels du pied

A la mi-mars, alors qu'Edouard Philippe annonce sa démission de la campagne de François Fillon, embourbé dans les affaires d'assistants parlementaires, le ton se veut moins moqueur. Sans pour autant tomber dans la flagornerie : "Macron, lui, serait le plus-que-parfait", le candidat qui a fait "quelques fautes d'accord au début [...] mais qui a vite appris, comme un élève doué qui espère compenser par son intelligence son manque d'expérience". 

A l'entre-deux-tours, le ton est plus sérieux, après que Marine Le Pen s'est confortablement qualifiée au second tour et qu'Emmanuel Macron ne semble pas encore tant rentré dans sa campagne : "L’élection de Le Pen serait une catastrophe ; il faut aider Macron car sa victoire n’est pas acquise ; se préoccuper de l’intérêt et de l’unité de son parti est parfaitement légitime, se préoccuper de l’intérêt de son pays l’est bien plus encore."

La dernière chronique d'Edouard Philippe est publiée le 3 mai, à quelques jours de l'élection d'Emmanuel Macron. Alors que son nom se murmure pour Matignon dans les colonnes des journaux, il écrit, comme une prophétie : "Si c'est Emmanuel Macron [qui est élu, ndlr], il devra transgresser." Sous-entendu : en nommant un Premier ministre classé à droite. Il ne dira pas autre chose une semaine plus tard, au Havre, en ouvrant la campagne des législatives, en se demandant si le Président allait choisir "la transgression" ou "la tradition".

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Antoine RONDEL

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