Elections européennes : comment expliquer le succès surprise des écologistes ?

Publié le 26 mai 2019 à 23h07, mis à jour le 27 mai 2019 à 0h34

Source : TF1 Info

PREMIERE FORCE DE GAUCHE - Les écologistes d'EELV ont démenti les pronostics dimanche en s'imposant parmi les listes de gauche avec 13,2% des voix. Un succès qui peut s'interpréter à l'aune du programme, de la campagne de la tête de liste Yannick Jadot, mais aussi du profil de l'électorat.

Le scrutin européen du 26 mai 2019 abrite deux surprises : la défaite radicale de la liste Les Républicains, et le succès imprévu des écologistes d'EELV. Si le premier fait pouvait être envisagé - le risque d'une déperdition des voix LR au profit des deux formations arrivées en tête, RN et LaREM -, le second était plus difficile à anticiper. 

La liste de Yannick Jadot arrive largement en tête à gauche avec 13,2% des voix, soit plus de six points au-dessus des intentions de vote annoncées dans les sondages depuis le début de la campagne. A contrario, la formation qui était censée prendre la tête de la gauche française, LFI, termine la course avec 6,3%, à voix égales avec la liste PS-Place Publique. "Nous sommes ce soir la troisième force politique en France", s'est réjouit Yannick Jadot après l'annonce des résultats, soulignant la "vague verte" qui touchait simultanément plusieurs pays européens, Allemagne en tête (20,9% des voix). 

Si les interprétations au soir du vote sont complexes s'agissant du scrutin français, plusieurs interprétations étaient possible à chaud. 

L'écologie s'est imposée au coeur de la campagne

Si la campagne des européennes en France a été marquée par le duel entretenu entre le RN et LaREM, les débats sur l'immigration et sur l'avenir de l'UE, les questions environnementales ont émergé dans les dernières semaines avant le vote. Dans un contexte marqué par les enjeux du réchauffement climatique et le récent rapport international sur l'effondrement de la biodiversité, sans oublier les débats autour de la taxe carbone nés du mouvement des Gilets jaunes, l'écologie s'est même invitée au coeur de la campagne. Le sujet a notamment été particulièrement prégnant lors du dernier débat organisé le 20 mai entre les principales têtes de liste sur LCI. 

Parmi les thèmes jugés les plus importants par les électeurs, d'après notre baromètre Harris Interactive-Epoka pour LCI publié ce dimanche, l'environnement et le développement durable figure en deuxième position derrière le pouvoir d'achat, et devant l'immigration. 

Le discours tranché de Yannick Jadot

Parmi les principales listes qui concouraient, EELV a défendu l'un des projets les plus radicaux en matière de transition écologique, avec notamment la proposition d'un nouveau traité environnemental contraignant pour les Etats-membres, l'interdiction immédiate des pesticides, la création de vaste espaces protégés en Europe ou encore le désinvestissement progressif des énergies fossiles. 

Si les électeurs d'EELV n'ont pas forcément lu l'intégralité de ce projet, ils ont pu se déterminer lors des débats télévisés, à l'occasion desquels Yannick Jadot s'est montré particulièrement offensif sur les sujets liés à la transition écologique, mais également sur les valeurs et l'immigration, comme lors de cet échange tendu avec le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, quand d'autres candidats de gauche - pour certains moins expérimentés, comme Raphaël Glucksmann - se tenaient plus en retrait. 

Autre facteur possible : dans ce débat interne aux listes de gauche, le projet d'EELV a pu apparaître comme le plus "européen", au sens où les écologistes défendent depuis longtemps une Europe fédérale, dotée de compétences propres. En observant les motivations de vote des électeurs, ceux qui ont opté pour la liste de Yannick Jadot apparaissent comme les plus enclins à voter pour un projet européen positif, plutôt que contre la politique menée en France par Emmanuel Macron. 

A l'inverse, les électeurs de LFI et du RN ont voté majoritairement pour exprimer leur insatisfaction face à la politique du gouvernement français. Selon notre sondage, 25% des électeurs de Benoît Hamon et 20% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2017 se sont tournés, dimanche, vers les écologistes. 

Un électorat qui n'était pas acquis

Une autre explication est probablement à rechercher du côté des électeurs indécis. Selon les estimations des instituts de sondage, entre un quart et la moitié des électeurs interrogés à seulement quelques jours du scrutin faisaient état de leurs doutes. Un sondage Elabe pointait tout particulièrement les potentiels électeurs d'EELV, plus prompts à changer d'avis que ceux de LFI ou même du PS. Si l'on se replonge dans les scrutins antérieurs, on observe un phénomène similaire : une plus grande volatilité de l'électorat écologiste. Ce qui pourrait expliquer en partie ce sursaut au jour du vote, qui était encore illisible dans les dernières intentions de vote publiées il y a moins d'une semaine. Un scénario qui rappelle celui de 2009, lorsque la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit avait atteint 16.28% des voix.

Un dernier élément semble renforcer cette hypothèse. D'après la sociologie du vote de dimanche analysée par Harris Interactive, les jeunes électeurs de 18 à 24 ans ont placé en premier choix EELV (22.1%), loin devant LaREM (15.4%) et le RN (14%). Or on sait que cette catégorie d'électeurs - par ailleurs mobilisée par les récentes "marches pour le climat" - était la plus sujette au risque d'abstention. La participation finalement beaucoup plus forte que prévu (50.4% des inscrits) a pu profiter à liste de Yannick Jadot. 


Vincent MICHELON

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