Dit-on "macroniste" ou "macronien" ? Attention, cela ne veut pas dire la même chose

par Sibylle LAURENT
Publié le 12 mai 2017 à 10h16
Dit-on "macroniste" ou "macronien" ? Attention, cela ne veut pas dire la même chose

UN PEU DE LINGUISTIQUE – Dit-on "macroniste" ou "macronien" ? Les deux termes sont pour l’instant utilisés, mais recouvrent des réalités un peu différentes. Explications.

Les partisans de Macron sont-ils macronistes ? Ou macroniens ? Est-on parti pour cinq ans de macronisme ? Avec un exécutif macronien ? A tendance libéralo-macronienne ? Mais avec des militants macronistes ? C’est à s’en arracher les cheveux : dit-on "macroniste", ou "macronien" ? 

Ce ne sont pas les recherches sur Internet qui fournissent une réponse claire. Même les médias semblent en perdre leur latin, utilisant, au sein du même article, les deux termes, mêlant allégrement la "pensée macronienne", au "macronisme comme donjuanisme", mâtiné de "libéralisme macronien". "Chaque mot a un sens", confirme à LCI Marc Arabyan, professeur de linguistique à l'université de Limoges. "Quand il y a une différence entre deux termes, ce qui fait sens, c’est l’élément différent." En l’occurrence ici, le suffixe. 

Guerre et paix

Macroniste, macronien, quelle différence, alors ?  "Les plus anciens termes en -iste ou –ien dans la langue française remontent aux guerres de religion, avec les Papistes, les Calvinistes, les Luthériens", explique Marc Arabyan. "Les termes en –iste sont des termes de guerre, le -ien désignant la paix." Les suffixes -iste, et -ien renvoient à deux états différents. L’un (comme "macroniste")  violent, en mouvement, en conquête, tout en engagement ; l’autre ("macronien"), c’est l’état apaisé, établi, plus stable. En politique, alors que "iste" désignera le partisan, le militant, "ien" sera attribué au courant, à la pensée formulée et théorisée, établie. "Ce n’est pas un état vindicatif, agressif, avec une connotation de vieux sage, comme "chiraquien"", estime Marc Arabyan. 

La plupart des grands hommes politiques ont ainsi eu droit à leur néologisme, passant, pour quelques-uns, du –iste au –ien : giscardien, gaullien, mitterrandien, ou chiraquien, ont ainsi succédé aux gaullistes ou chiraquistes. "Hollandien" n’est en revanche pas encore entré dans les annales. Ni, réellement, le "sarkozien", alors que le "sarkoziste" est bien répandu. "L’utilisation de l’un ou l’autre montre d’abord le jugement de celui qui parle", indique Marc Arabyan. "Puis le jugement collectif finit par transparaître", avec le passage au –ien.  

Pas de sarkozien ni de hollandiste

En l’occurrence, selon lui, ce n’est pas anormal si Nicolas Sarkozy n’a pas encore gagné ses galons en –ien : "Ses prédécesseurs avaient une image plus patriarcale. Mais lui a eu un exercice du pouvoir moins apaisé. Il est trop agité, pas encore retiré. Tant qu’il magouille, qu’il reste sur le devant de la scène, ça ne prendra pas", pronostique Marc Arabyan. 

Car de Gaulle, a eu son gaullien, Pompidou son pompidolien, Mitterrand son mitterrandien, ils sont ainsi entrés dans l’Histoire. Ont gagné leurs lettres de noblesse, marqué de leur nom un courant. "Ils sont morts, ont légué quelque chose à l’histoire, ils sont respectés", analyse Marc Arabyan. Ou ils se sont retirés du combat, comme Jacques Chirac, qui a gagné son adjectif "chiraquien" depuis son retrait : "Chiraquien, c'est le qualificatif d’un président réconcilié avec les Français ; alors que le terme "chiraquiste", ne renvoyait qu’à un homme politique décrié".  Peut-être donc qu’un jour aussi, Hollande ou Sarkozy auront eu aussi leur déclinaison en –ien. "Ce n’est pas exclu", estime le linguiste. "Maintenant que François Hollande se met en retrait, sa côté de popularité remonte." 

La question du pifomètre

Reste que cette analyse est tout de même à saupoudrer d’une touche d’arbitraire, de pifomètre. Certains politiques n’ont jamais eu leur passage en –iste, comme rocardiste, fabiusiste. Cette non-attribution peut revêtir des intentions particulières, comme l'analyse le linguiste Claude Gruaz, qui analyse le titre d'un article publié sur le Hufftington Post en 2011 : "Montebourg est-il aubryiste ou hollandien ?" "Il n'est pas anodin à propos de Montebourg de parler des "hollandien" et des "aubryiste"... Manière peut-être de ne pas reconnaître l'autre, le vainqueur, les finalistes ?", questionnait-il sur le site de France info en 2011.

 Parfois joue aussi, la question de la phonie. Il faut que le mot coule, soit beau. Et surtout, plus un terme est repris, plus il s'inscrit dans la durée. Sans qu'il n'y ait à y chercher de théories ou d'analyses poussées derrière. Ainsi, si "hollandiste" ou "hollandien" n’ont jamais vraiment existé, c’est parce que c'est "hollandais "qui s’est imposé. Le terme, même s’il véhicule un encombrant parallèle avec la sauce hollandaise, était en fait utilisé depuis longtemps dans les sphères socialistes, et c’est naturellement qu'il s’est imposé dans les médias. Mais peut-être Emmanuel Macron, candidat du renouvellement, aura-t-il réinventé lui aussi le choix des suffixes : peut-être sera-t-on macronlâtre, macroneux, macro-compatible, souffrira-t-on de macronite aiguë... Sait-on jamais. 

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Sibylle LAURENT

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