ÉCARTELÉ - L’appel de Manuel Valls à voter pour Emmanuel Macron plonge le Parti socialiste dans une nouvelle crise que certains à gauche rêvent de transformer en opportunité pour redéfinir une ligne politique.
Paroles de socialistes, le PS n’est pas mort. Pourtant, son état de santé est particulièrement préoccupant. Mercredi 29 mars, l’appel de Manuel Valls à voter Emmanuel Macron dès le 1er tour de l’élection présidentielle pour faire barrage à Marine Le Pen a provoqué une onde de choc au sein de la famille socialiste. Car au-delà de la fragilisation de Benoît Hamon, c’est l’équilibre du parti tout entier qui se retrouve mis à mal par cet acte au demeurant contraire aux règles de la primaire. Beaucoup exigent une sanction, certains réclament même l'exclusion de l'ancien Premier ministre. Ni l’un, ni l’autre ne sont pourtant d’actualité.
"Les tenants de la Saint-Barthélémy socialiste sont toujours de très mauvais conseillers. Il faudrait stigmatiser, exclure, couper. Qui peut croire que ce nouveau feuilleton servirait notre candidat ? Qui peut penser que ces purges favoriseraient les élections législatives ?", répond le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis dans une lettre aux militants.
La fin des petits arrangements
Si l’heure est donc à la tolérance du côté de Solférino, il ne fait aucun doute qu’une fois les législatives passées, viendra le temps des règlements de comptes. Mais si les socialistes redoutent un mauvais moment à passer, aucun ne voit poindre au loin la camarde.
"Je ne crois pas à sa disparition mais je souhaite son évolution et son dépassement", confie à LCI la sénatrice hamoniste Marie-Noëlle Lienemann. Un avis partagé par le député vallsiste François Loncle : "Le PS d’Epinay est mort depuis longtemps mais le PS dans sa forme actuelle ne disparaîtra pas".
Reste que pour se révéler, la direction du PS va devoir rompre avec les vieilles méthodes. "François Hollande, que l’on présente souvent comme l’homme des synthèses, ne l’est pas en réalité, explique encore Marie-Noëlle Lienemann. Lionel Jospin savait faire des compromis politiques mais François Hollande, lui, est toujours dans les petits arrangements pour essayer de contenter tout le monde". Un fonctionnement que l’ex-Premier secrétaire a reproduit une fois à l’Elysée et qui conduit à présent à la fracturation de la famille socialiste, faute de véritable compromis politique.
La sénatrice de Paris en veut également à Jean-Christophe Cambadélis de ne pas avoir su élaborer de plateforme programmatique avant la primaire qui serve de base aux candidats, comme ce fut le cas en 2011. Il est vrai qu’avec un tel texte, Manuel Valls aurait sans doute eu plus de mal à justifier son soutien à Emmanuel Macron...
De toute façon, rien ne pourra plus se passer comme avant
Olivier Dussopt, député vallsiste
Le sénateur Gaëtan Gorce, qui n’a jamais hésité à pointer les faiblesses et les errements de son parti, se montre tout aussi sévère envers les hiérarques socialistes, dont il déplore la "déliquescence intellectuelle". Chagriné d’assister au carnage politique qu’il avait prédit, ce soutien d'Arnaud Montebourg fustige "cette bourgeoisie rentière à la tête du PS, coupable d‘avoir scié la branche sur laquelle elle était assise".
Selon lui, ce qui se passe aujourd’hui est la suite logique de la décomposition de la pensée socialiste : "Sur de nombreux sujets, comme la mondialisation ou la régulation du système économique, le PS est dans l’indéfinition". Sans travail de réflexion, ni débat de fond, le PS ne relèvera pas la tête, estime-t-il. Le sénateur de la Nièvre invite désormais les siens à ouvrir dans les prochains mois "un chantier doctrinal et intellectuel" au lieu de se perdre dans des "querelles puériles".
Encore faut-il que les proches de Manuel Valls, qui font les yeux doux à Emmanuel Macron, et les partisans courroucés de Benoît Hamon soient encore capables de se parler. Un problème qui ne semble pas insurmontable pour le député vallsiste Olivier Dussopt. "Il n’y a plus d’aile droite, plus d’aile gauche, personne ne sait où il habite. De toute façon, rien ne pourra plus se passer comme avant…", veut-il croire comme pour mieux se rassurer. Au moins, sur ce point, tous les socialistes devraient pouvoir s’entendre…