TÉMOIGNAGES - Depuis que Marine Le Pen a annoncé qu’elle serait candidate dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, cette dernière est devenue l’une des plus médiatiques de la campagne des législatives. Pourtant, face à elle, les douze autres candidats ont parfois du mal à exister. LCI les a interrogés pour savoir comment ils font campagne face à une telle candidate.
Marine Le Pen a hésité, mais elle a finalement décidé d’y aller. Le 18 mai dernier, quelques jours après sa défaite à la présidentielle, la présidente du Front national a annoncé son intention d’être candidate aux élections législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, qui comprend la commune d’Hénin-Beaumont.
Une décision qui pourrait s’avérer payante, puisque selon un sondage Ifop-Fiducial pour La Voix du Nord et Sud Radio publié mercredi 7 juin, la présidente du FN arriverait en tête au premier tour avec 44% des voix. Loin, très loin devant ses opposants. Anne Roquet, la candidate de La République en marche obtiendrait 15,5% des voix, le socialiste Philippe Kemel 14,5% et le représentant de La France insoumise Jean-Pierre Carpentier 13,5%.
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Ses adversaires disent tous n'avoir rien changé à leur campagne
Ses adversaires, alors qu’ils faisaient campagne depuis parfois plusieurs mois, n’ont pas été surpris par la déclaration de candidature de la présidente du FN. Ils expliquent même que cela n’a rien changé à leurs habitudes de campagne et à leurs argumentaires sur le terrain. "Non, nous n’avons pas adapté notre campagne, nous n’avons pas modifié nos tracts, a déclaré à LCI Jean-Pierre Carpentier, candidat de La France insoumise. Nous ne faisons pas de campagne anti-FN. En 2012, Jean-Luc Mélenchon avait fait une campagne front contre front mais cela avait été un mauvais calcul. Nous en avons tiré les conséquences."
Marine Tondelier, candidate EELV et auteure des Nouvelles du Front, est sur la même longueur d’ondes : "Elle ne change rien à mon combat : je suis élue dans cette ville, j’y vis, j’y suis née. Je ne me suis pas demandée pendant six mois si j’allais être candidate ni attendu de voir si les sondages m’étaient favorables. Mon matériel de campagne était déjà prêt et je ne l’ai pas changé." Anne Roquet, candidate de La République en marche, n’a rien modifié non plus : "J’habite dans la circonscription depuis 45 ans. Je connais les problèmes, les soucis, j’ai vu les usines fermer. L’histoire de la circonscription est inscrite en moi. J’avais rédigé mon programme avant que Marine Le Pen soit candidate." Tous regrettent, en revanche, de ne pas bénéficier des mêmes moyens et de ne pas pouvoir rivaliser avec les mêmes armes financières et médiatiques que Marine Le Pen.
Je pense que Marine Le Pen ne connaît pas le nom de toutes les communes de la circonscription
Anne Roquet, REM
Tous les adversaires de Marine Le Pen mettent en avant leur ancrage dans la circonscription pour mieux critiquer la méconnaissance du terrain de la présidente frontiste. "Marine Le Pen ne connaît pas la circonscription. Je pense même qu’elle ne connaît pas le nom de toutes les communes qui la composent", a dénoncé Anne Roquet. Une méconnaissance du terrain couplée selon eux à des propositions inexistantes. "Elle n’a pas de propositions ! Elle est conseillère régionale des Hauts-de-France et elle n’a même pas de permanence pour faire remonter les problèmes de la circonscription à la région !", fustige Alexandrine Pintus, la candidate LR.
"Face à elle, il est difficile de faire une campagne sur le fond car elle n’en a pas. Ses tracts sont vides", explique Marine Tondelier, qui dénonce la "vacuité" de sa candidature. Pour Jean-Pierre Carpentier, "Marine Le Pen n’a pas de programme, elle fait profil bas. Elle ne veut pas affronter l’opposition. Elle a d’ailleurs refusé un débat sur Wéo (chaîne de télévision de La Voix du Nord, ndlr) et sur France 3 avec ses principaux adversaires" (Marine Le Pen a finalement décidé de se rendre au débat de France 3 diffusé mercredi 7 juin au dernier moment, à la surprise générale, ndlr).
"C’est marrant pour quelqu’un qui se dit hors système d’avoir autant de gardes du corps"
Tous dénoncent aussi unanimement la façon dont Marine Le Pen fait campagne, proche de la "politique-spectacle". "Elle vient régulièrement faire ses selfies sur le marché. Elle est tout le temps avec ses gardes du corps, comme si à Hénin-Beaumont il pouvait y avoir une menace à son égard" explique le candidat de La France insoumise, qui regrette aussi que "quand on tracte, ses éclaireurs l’avertissent que nous sommes-là et elle nous évite". "Marine Le Pen est constamment avec ses gardes du corps, surenchéri Alexandrine Pintus. Sur les marchés ils arrivent en force, à quinze, ils prennent toute la place dans l’allée centrale. C’est ça ce qui intéresse les gens, le côté people de Marine Le Pen", regrette-t-elle. "Quand elle passe sur les marchés sans regarder les gens, accompagnée de sa horde de gardes du corps, on dirait un défilé carnavalesque", ajoute Anne Roquet. "C’est marrant pour quelqu’un qui se dit hors système d’avoir autant de gardes du corps et de faire une campagne ‘téléréalité’", fait aussi remarquer Marine Tondelier, qui au demeurant ne trouve pas la présidente du FN "très combative".
Si Marine Le Pen est donnée largement en tête dans les sondages avant le premier tour, tous nos interlocuteurs ont dit être optimistes pour l’avenir et ont assuré que la circonscription n’était pas le fief acquis au FN souvent décrit dans les médias. "Il ne faut pas dire que le Front national est majoritaire chez les électeurs d’ici. Seuls 30% des inscrits et 27% de la population en âge de voter votent pour le FN. Donc il ne faut pas parler de déferlante Front national dans la circonscription. 70% des gens ici ne veulent pas de Marine Le Pen", assure ainsi Jean-Pierre Carpentier. Marine Tondelier veut elle aussi croire que dans la circonscription tout le monde ne cautionne pas le FN : "Les gens à Hénin ont peur de ce qu’il pourrait leur arriver s’ils étaient contre le FN. Donc ils font en sorte de ne pas se trouver sur son chemin."