Régionales : pourquoi la soirée électorale à la sauce Hanouna n'aurait pas été moins "anxiogène"

Publié le 8 décembre 2015 à 18h00
Régionales : pourquoi la soirée électorale à la sauce Hanouna n'aurait pas été moins "anxiogène"

ELECTIONS - L'animateur de l'émission TPMP sur D8 accuse "les journalistes", de la télévision notamment et de TF1 en particulier, d'avoir entretenu dimanche un climat "anxiogène" en ouvrant la soirée du premier tour des régionales par les scores du FN. Sauf que dans son raisonnement, Cyril Hanouna va un peu vite en besogne…

"Salut les chéris, il est 20 heures, voici les premières estimations des résultats au premier tour des élections régionales..." Dans la bouche de Gilles Bouleau et d'Anne-Claire Coudray, le ton Hanouna* aurait certainement rendu dimanche la soirée électorale plus légère à regarder. Mais sur le fond, que reproche l'animateur de D8 aux journalistes ? Extrait de TF1 à l'appui, le patron de l'émission "Touche pas à mon poste" a expliqué lundi soir pourquoi il les avait accusés la veille, dans un tweet à l'emporte-pièce, d'être "irresponsables" : selon lui, ouvrir la soirée électorale par les résultats des Le Pen était "malhonnête" et instaurait sciemment un climat "anxiogène", dans l'unique but "sensationnaliste" de "faire de l'audience". Mais ce que préconise Cyril Hanouna n'aurait pas forcément produit de résultat différent et, surtout, les conclusions qu'il tire sont hâtives.

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"Le boulot d'un journaliste, c'est de démarrer par l'ensemble de la classe politique, de voir quels scores ont fait les différents partis, et ensuite de s'intéresser région par région"
C'est le choix qu'ont effectivement fait dimanche soir toutes les chaînes d'info sauf TF1. De France 2 à France 3, en passant par iTélé, BFMTV et même LCI (du groupe TF1), toutes ont affiché à 20 heures des graphiques montrant une estimation du rapport de force national entre les différents partis. Ce que l'animateur juge donc plus honnête et moins anxiogène que de livrer les résultats des Le Pen, tante et nièce (même si toutes enchaîneront avec le score de Marine Le Pen dans le Nord). Mais qu'ont fait apparaître leurs bâtonnets ? La pole position donnée par les électeurs… au FN. Quant aux téléspectateurs de TF1, après avoir "angoissé" 45 secondes devant les résultats dans le Nord et en Paca, ils ont pu dans la foulée "respirer" devant le bon score du candidat PS en Aquitaine (en tête), puis celui de la droite en Auvergne (en tête), et enfin devant le fameux rapport de force national. Le tout dans la même séquence d'ouverture (celle avec la musique en fond), en moins de deux minutes.

"Est-ce qu'il ne fallait pas commencer par la cartographie totale de la France, générale ?"
Comme les diagrammes, l'affichage à 20 heures d'une carte complète de la France métropolitaine n'aurait guère été moins anxiogène que de parler directement des deux résultats principaux du FN. Car au final, la carte de France est… à moitié bleu marine. Grand Nord, Grand Est, Paca, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté et Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées : dans six régions sur 12 que compte le territoire métropolitain, le parti de Marine Le Pen était en tête au soir du premier tour. Et si quasiment toutes les chaînes ont choisi l'option graphique et non cartographique pour montrer les rapports nationaux, c'est pour une raison toute simple : elles ne disposaient pas, à 20 heures, d'estimations pour chacune des régions. C'est donc une carte quasiment vide qui aurait été montrée.

"Nous, on a l'habitude de voir les présidentielles, normalement on voit, c'est le Président qui s'affiche"
Bon alors évidemment, quand tous les Français votent dans une circonscription unique pour les mêmes candidats, la question de ce qu'il faut afficher à 20 heures est vite tranchée. Dans le cas d'élections locales, avec de multiples résultats, les possibilités sont plus riches. Et si la plupart des chaînes commencent traditionnellement par exposer le rapport de force général avant d'entrer dans le détail, ce choix n'est pas toujours le plus pertinent. Par exemple au premier tour des départementales le 22 mars dernier, son score national plaçait le FN en deuxième position derrière l'alliance de la droite et du centre. Mais seul, le parti de Marine Le Pen pouvait se targuer d'être le "premier parti de France". Or, s'il a fait élire 62 conseillers départementaux, le FN n'aura finalement remporté aucun département. Selon les modes de scrutin, l'analyse des résultats peut donc s'avérer plus significative à l'échelle locale.

"Démarrer avec Marine Le Pen, c'est faire du sensationnalisme sur le dos des élections"
Le fait d'axer la soirée électorale sur le FN n'aurait donc été motivé que par un calcul d'audience misant sur un sujet supposé porteur d'audience. Et non par l'importance de l'information à ce moment-là. Un calcul qui aurait donc déjà été fait le 23 mars 2014, au soir du premier tour des élections municipales, quand Claire Chazal avait de la même manière démarré la soirée par les scores des candidats FN à Hénin-Beaumont et à Fréjus. Sauf qu'une semaine plus tard, au soir du second tour, Gilles Bouleau ouvre sur l'élection de… François Bayrou, à Pau. Avec Claire Chazal, ils enchaînent ensuite sur Reims qui va basculer à l'UMP, Angers reprise par la gauche, puis Avignon qui penche à gauche. N'ont-ils donc aucun score du FN à se mettre sous la dent pour "faire de l'audience" ? Si : les candidats de l'extrême droite ont été élus à Béziers et à Fréjus. Mais cette information, alors jugée secondaire par rapport au basculement de villes, n'est donnée qu'à la fin de la séquence d'ouverture. Or dimanche dernier, les journalistes pouvaient la tourner dans tous les sens mais l'information principale, c'était bien la percée historique du FN.

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*Bisous d'amour, mes beautés


La rédaction de TF1info

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