Pourquoi Benoît Hamon concentre-t-il ses attaques contre le "parti de l'argent" ?

par Antoine RONDEL
Publié le 29 mars 2017 à 8h14, mis à jour le 29 mars 2017 à 8h29
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Source : Sujet JT LCI

MON ADVERSAIRE - Pour des raisons historiques et politiques, Benoît Hamon a décidé d'attaquer plusieurs de ses adversaires dans la course à la présidentielle, de Le Pen à Macron, en pointant du doigt les relations financières qu'ils pourraient avoir avec des puissances ou lobbies aux objectifs éloignés de l'intérêt des Français.

"La parti de l'argent a trop de candidats dans cette élection", s'inquiétait Benoît Hamon le 19 mars à l'AccorArena de Paris, au milieu d'un discours résolument ancré à gauche. Un parti à "plusieurs noms", "plusieurs visages", "plusieurs partis"... et dont la mainmise sur l'élection présidentielle risquerait, craint-il, de transformer la France "en entreprise", le "gouvernement en un conseil d'administration du CAC 40", et le pays en "une part de marché flottant déinscarnée au gré des agences de notation et des injonctions des places financières".

Il en remettait encore une couche, lundi 20 mars, lors du débat qui l'opposait à Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Fillon et Emmanuel Macron, en dénonçant un "débat public pollué par l'argent".

La référence à l'argent-roi n'est pas neuve quand on est le candidat ou le leader du Parti socialiste. En 1971, déjà, au congrès fondateur du parti, à Epinay, François Mitterrand dénonçait alors "le véritable ennemi", les "puissances de l'argent".

L'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase, l'argent qui tue, l'argent qui ruine, et l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes !
François Mitterrand, en 1971

Et le discours de Bercy fait penser à celui d'un certain François Hollande, en janvier 2012. Au Bourget, celui qui lançait sa campagne victorieuse avait prononcé la phrase suivante, restée dans les annales des électeurs de gauche déçus par la politique menée durant le quinquennat :

Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera pas élu. Et pourtant, il gouverne. Mon adversaire, c'est le monde de la finance.
François Hollande

Quoi de mieux pour Benoît Hamon, au coude-à-coude dans les sondages avec Jean-Luc Mélenchon, que de tenter de remobiliser l'électorat de gauche en reprenant ce cheval de bataille de l'argent, symbole des combats du PS ? Sauf que son "parti de l'argent" est beaucoup moins immatériel que "la classe dirigeante" ou "la finance" que dénonçaient Mitterrand et Hollande. 

Interrogé sur la cible précise de cette saillie, Mathieu Hanotin, directeur de campagne de Benoît Hamon, pointe "le poids grandissant des lobbies, notamment industriels, ceux qui peuvent avoir un impact sur la santé des citoyens. Ou les lobbies immobiliers, des assurances, qui freinent les lois d'encadrement." Une pique qui vise notamment... Emmanuel Macron, que Benoît Hamon n'avait pas épargné, durant le débat du 20 mars, en l'interrogeant sur le nom de ses donateurs et en lui demandant de s'engager à ce que ces derniers, s'ils sont issus de puissances industrielles, n'influencent pas sa politique :

Débat présidentiel : Hamon attaque Macron sur le financement de sa campagneSource : Sujet JT LCI
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Qu'Emmanuel Macron se défende de toute ingérence importe peu - il confiait encore, le 29 mars sur Europe 1 : "Les forces de l'argent, je les ai connues, je les ai quittées et maintenant j'en suis libre" -, Mathieu Hanotin reste très sévère, évoquant "un rapport incestueux et néfaste à l'argent", et explique : "L'électeur doit avoir des informations avant de voter et s'assurer que, sur des enjeux de santé publique, comme le diesel ou les perturbateurs endocriniens, ce soit l'intérêt général et pas les intérêts particuliers qui soient privilégiés."

Mais la critique de Benoît Hamon ne se limite pas à son ancien collègue du gouvernement. Ainsi François Fillon et Marine Le Pen en prennent-ils aussi pour leur grade. Là encore, c'est l'intégrité des candidats qui est mise en doute. Ils sont accusés d'être sous influence... mais cette fois, en provenance de l'étranger. L'ancien Premier ministre, parce qu'on lui attribue l'organisation (niée depuis) d'une rencontre entre Vladimir Poutine, le PDG de Total et un milliardaire libanais. "C'est un problème de déontologie majeur, poursuit Mathieu Hanotin. Est-ce que c'est bien le rôle d'un député d'organiser des rencontres comme ça ?"

Quant à la présidente du parti frontiste, c'est aussi au sujet de son indépendance vis-à-vis de la Russie que l'entourage hamoniste se pose des questions. "Le lobbying peut aussi venir de puissances étrangères", développe le directeur de campagne, qui pointe ainsi du doigt le lien entre le discours pro-russe de Marine Le Pen et le fait que le parti ait souscrit à un prêt de neuf millions d'euros de la part d'une agence russe (qui a depuis fait faillite).


Antoine RONDEL

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